Par Emma Wallis Publié le : 24/09/2021

Les élections législatives se tiennent dimanche 26 septembre en Allemagne et marqueront la fin de 16 années de règne d’Angela Merkel, la chancelière qui a ouvert les portes du pays à près d’un million de migrants en 2015. Certains d’entre eux ont depuis obtenu la citoyenneté allemande et participeront au scrutin.

L’Allemagne vote ce 26 septembre pour les élections législatives. Après 16 années passées au pouvoir, l’actuelle chancelière, Angela Merkel, tire sa révérence. Trois grands partis proposent des candidats pour lui succéder et, selon les derniers sondages, les sociaux-démocrates du SPD et les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU font la course en tête au coude à coude.

Quelque 60 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, dont 7,4 millions de personnes issues de l’immigration. Et ce chiffre devrait continuer à progresser dans les années à venir, notamment parce que de plus en plus de réfugiés arrivés en Allemagne depuis 2015 commencent à pouvoir prétendre à la nationalité allemande et par conséquent au droit de vote.

Les Syriens, s’ils avaient la possibilité de voter, tendent plutôt vers le SPD et les Verts. Crédit : Picture allianceLes Syriens, s’ils avaient la possibilité de voter, tendent plutôt vers le SPD et les Verts. Crédit : Picture alliance

Naturalisations

Selon la base de données sur le droit d’asile AIDA et le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), près de 129 000 personnes avaient obtenu la nationalité allemande en 2019. Environ 15 000 d’entre-eux sont originaires de Syrie, d’Irak, d’Iran et d’Afghanistan.

En 2020, d’après les statistiques officielles allemandes, plus de 5 800 personnes ayant obtenu la nationalité allemande sont originaires d’Afrique, notamment du Maghreb, mais aussi d’Érythrée, d’Éthiopie, de la Somalie, du Nigeria, de la Guinée, du Cameroun et de la RDC.

Toujours en 2020, plus de 4 100 Syriens ont obtenu la nationalité allemande, contre plus de 2 600 Irakiens, près de 2 000 Iraniens, 1 200 Pakistanais et environ 1 700 Afghans. Ces statistiques officielles ne précisent cependant pas depuis combien de temps ces personnes se trouvaient en Allemagne, ni les raisons pour lesquelles elles ont obtenu la citoyenneté allemande.

Participation politique

Certains de ces “nouveaux” citoyens allemands n’iront pas seulement voter, mais vont aussi se présenter aux élections. C’est le cas de Shoan Vaisi. Il a fui l’Iran en 2011, où il explique avoir “organisé des manifestations et des lectures de livres interdits, fait campagne pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, et parlé de l’oppression de la minorité kurde.”

Shoan Vaisi, un réfugié d’origine iranienne, brigue un siège de député. Crédit : Dominik Asbach

Shoan Vaisi, lui-même kurde, s’est “attiré les foudres des autorités iraniennes”. Il dit avoir été “menacé d’emprisonnement ou de torture”. Il a ainsi décidé de quitter sa ville natale de Sanandaj pour se rendre en Allemagne en passant par la Turquie et la Grèce.

Dimanche, Shoan Vaisi se présentera aux législatives comme candidat du parti de gauche Die Linke dans la ville d’Essen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. “En 2021, il est plus que jamais nécessaire pour une société diversifiée que des personnes issues de groupes défavorisés soient représentées au Parlement fédéral”, estime-t-il.

“Ma voix compte”

Le Syrien d’origine Tarek Saad a quant à lui adhéré au parti des sociaux-démocrates du SPD en 2016, deux ans seulement après son arrivée en Allemagne. Dans une interview à l’agence de presse Reuters, il explique considérer ces élections comme un moyen d’aider les autres réfugiés et migrants à mieux s’intégrer. Dimanche, l’étudiant en sciences politiques votera pour la première fois en Allemagne.

“Je me suis dit que les choses qui rendent ma vie difficile doivent aussi tourmenter les autres. Être dans un parti politique peut aider à surmonter ces problèmes plus rapidement.”

À 28 ans, Tarek Saad estime que les plus jeunes doivent voir cette élection comme une “opportunité de développer une nouvelle génération en Allemagne”.

Parmi ces nouveaux électeurs se trouve également Maher Obaid, 29 ans et d’origine syrienne. Il reste néanmoins indécis, par “manque de clarté entre les partis sur les questions de politique étrangère, en particulier la Syrie.”

Hutaf Qassas, lui aussi d’origine syrienne, est quant à lui “très enthousiaste” à l’idée d’aller voter dimanche. “Pour la première fois de ma vie, je sais que ma voix compte”, explique-t-il dans une interview à Reuters.

Hutaf Qassas, supporter d’Angela Merkel, dit ne plus se retrouver dans les nouvelles orientations des conservateurs. Crédit : capture d’écran Reuters

Loyauté envers Angela Merkel ?

Hutaf Qassas dirige actuellement un centre de langues et d’aide à l’insertion professionnelle. S’il salue la carrière d’Angela Merkel qu’il apprécie “vraiment en tant que personne et en tant que femme politique”, il dit être déçu des récentes prises de position du parti conservateur en matière d’immigration et de la politique étrangère pratiquée envers la Syrie. 

Pour Hutaf Qassas, les réfugiés et l’emploi constituent les thèmes les plus importants et ses inquiétudes le font “s’aligner davantage sur les partis de gauche”.

Mahmoud Al Kutaifan, d’origine syrienne, rejoint cette incertitude crée par le départ d’Angela Merkel. Lors des précédentes législatives en 2017, il avait voté pour les conservateurs “par émotion, […] parce que Angela Merkel soutenait les réfugiés”. Cette fois, bien que la date des élections approche, Mahmoud Al Kutaifan, dit n’avoir toujours pas réussi à se décider.

Manque d’informations 

Par ailleurs, selon Dima Farrah, qui travaille dans une école primaire de Berlin, les partis politiques ne s’adressent pas encore suffisamment aux nouveaux citoyens naturalisés. “Il faudrait davantage d’explications pour les gens qui ont cette nouvelle chance d’aller voter. Nous avons très peu d’expérience concernant les différents partis. Il est difficile pour nous de comprendre tous les détails.”

Pour la réfugiée syrienne, l’important n’est pas le nom de la ou du futur chancelier, mais “ce qu’ils vont faire pour l’Allemagne. Et comment ils vont faire avancer l’Allemagne et développer le pays.”

La réfugiée syrienne Dima Farrah estime que les migrants ne sont pas assez sensibilisés au système politique en Allemagne. Crédit : Capture d’écran Reuters

La gauche plutôt que la droite 

Selon Reuters, un sondage réalisé sur Facebook auprès des membres d’un groupe de migrants syriens a montré que la majorité d’entre eux déposeraient leur bulletin pour le SPD, suivi des Verts, s’ils avaient la possibilité d’aller voter dimanche. L’option “cela ne m’intéresse pas” a été le troisième choix le plus coché par les personnes sondées.

En 2018, la Fondation Robert Bosch a publié une étude sur la participation politique des réfugiés dans différents pays. Selon le rapport, qui s’est concentré en Allemagne sur les personnes venues de Syrie et d’Afghanistan en 2017, la participation politique favorise clairement l’intégration et l’engagement des réfugiés dans leur nouvel environnement. 

Une étude du Conseil d’experts sur l’intégration et la migration (SVR) menée en 2020 ajoute que les migrants, en attendant la possibilité de pouvoir demander la nationalité allemande, devraient être encouragés, pendant leurs cours d’intégration, à devenir politiquement actifs, notamment en participant à des projets bénévoles et à d’autres composantes de la société civile.

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