La défense du journaliste, connu pour son ton critique envers les autorités, a décidé de se pourvoir en cassation, et dénonce les « failles » de l’accusation.

Le Monde avec AFP

La justice marocaine a confirmé en appel, mercredi 23 février, une sévère peine de cinq ans de prison ferme à l’encontre du journaliste indépendant Soulaimane Raissouni, pour « agression sexuelle », une accusation qu’il a rejetée durant tout son procès. « Ce jugement est la preuve qu’on veut se venger de M. Raissouni. Nous sommes très déçus, on s’attendait à ce qu’il soit innocenté au regard de l’ensemble des failles exposées tout au long du procès », a déclaré à la sortie de la cour d’appel de Casablanca son avocat, Miloud Kandil, à l’Agence France-Presse. La défense du journaliste a aussitôt décidé de se pourvoir en cassation, à l’issue d’une audience qui a duré huit heures.

Comme en première instance, la peine d’emprisonnement est assortie de dommages et intérêts de 100 000 dirhams (environ 9 500 euros) en faveur du plaignant. Le verdict a été accueilli par les soutiens de M. Raissouni – qui avaient rempli une salle d’audience comble – au cri de « procès inique ». « Soulaimane, sois rassuré, nous allons continuer le combat », ont-ils promis.

M. Raissouni, éditorialiste de 49 ans, connu pour son ton critique vis-à-vis des autorités, était accusé d’« agression sexuelle » par un jeune militant LGBTQ, charge qu’il a toujours rejetée devant le tribunal, estimant être poursuivi « à cause de ses opinions ». Il encourait une peine maximale de dix ans de prison ferme. L’attentat à la pudeur avec violence « est puni de la réclusion de cinq à dix ans », selon le code pénal marocain.

De nombreuses « failles »

« Nous ne sommes pas satisfaits, même si les dommages et intérêts ont été confirmés. Cette somme ne saurait rendre justice à une personne ayant été victime d’agression sexuelle », a affirmé de son côté l’avocate de la partie civile, Aïcha Guellaâ. L’enquête avait été ouverte à la suite d’une publication sur Facebook dans laquelle l’accusateur incriminait, sous pseudonyme, M. Raissouni de l’avoir agressé sexuellement. La plainte se fondait également sur une conversation enregistrée – mais non diffusée lors du procès – et des échanges sur le système de messagerie Messenger.

Devant la cour, le plaignant a réitéré sa version des faits et expliqué avoir « souffert de répercussions psychologiques à la suite de l’agression ». De son côté, l’ancien rédacteur en chef du journal Akhbar Al Yaoum et ses avocats ont fustigé à plusieurs reprises les « failles » du dossier. « Cette affaire est émaillée des mensonges du plaignant. Tout au long du processus judiciaire, il s’est contredit », a soutenu M. Raissouni en énumérant point par point ces « contradictions » à la barre. Le parquet a considéré que les preuves de la culpabilité de M. Raissouni étaient « irréfutables ».

Grève de la faim

Arrêté en mai 2020, le journaliste n’avait pas assisté à la plus grande partie de son procès en première instance – entre février et juillet 2021 – en raison d’une grève de la faim de cent vingt-deux jours. Son comité de soutien au Maroc a fustigé un procès « à caractère politique et revanchard ». Reporters sans frontières (RSF) avait plaidé pour que le journaliste – engagé dans la défense de la liberté de la presse – soit libéré dans l’attente d’« un procès équitable ». Pour les autorités marocaines, M. Raissouni a bénéficié d’un procès « équitable » et ces poursuites « n’ont rien à voir avec son travail journalistique ».

Deux autres journalistes marocains, Omar Radi et Taoufik Bouachrine, ont été condamnés à de lourdes peines de prison ferme pour des agressions sexuelles qu’ils nient. M. Radi, dont le procès en appel est en cours, est également accusé d’« espionnage ».

Le Maroc occupe la 136e place – sur 180 pays – du classement mondial de la liberté de la presse de RSF. Mercredi, dans une autre procédure controversée, l’avocat et ex-ministre des droits de l’homme, Mohamed Ziane, a été condamné à trois ans de prison ferme à la suite d’une plainte déposée contre lui par le ministère de l’intérieur. Il a toutefois été laissé en liberté.

Le Monde avec AFP

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