Objets extraordinaires du Sud-Gironde : le saxophone oublié de la Bazadaise valait plus d’un million

L’harmonie la Bazadaise en 1951, ancêtre de l’association La Bazadaise. L’objet de collection apparaît sur cette photo. © Crédit photo : La Bazadaise

Par Arnaud Dejeans
Publié le 28/12/2022 à 11h51
Mis à jour le 28/12/2022 à 17h03

L’association La Bazadaise a pu consolider son école de musique grâce à la vente miraculeuse d’un saxophone « Adolphe Sax », l’inventeur de l’instrument. Et dire que cet objet de collection rouillait au fond d’un placard…

Imaginez une malle poussiéreuse abandonnée dans un grenier. À l’intérieur, un violon mal réparé. Quelques jours plus tard, l’instrument est mis en vente dans un vide-greniers. Un spécialiste examine le violon sous toutes les coutures. Il manque de tomber à la renverse, se reprend et crie : « Un Stradivarius ! » Personne n’oserait croire à cette fable. Une légende urbaine, ou rurale. C’est pourtant l’histoire vécue par le président de l’association La Bazadaise (musique, théâtre, langue des signes, chant occitan), Patrick Jouguet.

La seule image du saxophone signé « Adolphe Sax », penché à droite.

La seule image du saxophone signé « Adolphe Sax », penché à droite.

La Bazadaise

À un détail près : l’objet retrouvé n’était pas un Stradivarius mais un saxophone fabriqué par Adolphe Sax. L’inventeur belge de l’instrument à vent, breveté en 1846. Pour mieux comprendre comment ce miracle a pu avoir lieu, il faut remonter aux origines de l’association. La Bazadaise est l’héritière de plusieurs groupements musicaux et en particulier d’un orphéon, qui a laissé sa place à une harmonie après la Grande Guerre. La Seconde Guerre mondiale a décimé ses rangs et les derniers de ses membres ont créé une fanfare et un groupe de majorettes.

L’écrivain prix Nobel écrivait souvent sur le banc en métal du belvédère de Malagar. Cet objet précieux trône toujours sur la terrasse de la propriété de Saint-Maixant. Et pourtant, il a été volé à la fin du siècle dernier. Explications

Au fond d’un placard de la salle de judo

« J’ai commencé la musique à l’âge de 9 ans, dans les années 60 », rembobine Patrick Jouguet. À cette époque, les musiciens de la batterie fanfare lui mettent un clairon entre les mains. « Mon professeur Roger Giresse m’a pris sous son aile. Il ne m’a pas donné le choix. On jouait avec les instruments disponibles. » Les répétitions ont lieu à l’espace Mauvezin, « dans la salle de judo ».

Patrick Jouguet est curieux. Il ouvre les placards les uns après les autres. « J’ai trouvé des vieux instruments : un bugle, une clarinette, deux basses et un saxophone. Les adultes étaient très étonnés. Ils ne connaissaient pas leur existence. » Bonne nouvelle pour le jeune amateur de musique dont la famille n’avait pas les moyens d’acheter ne serait-ce qu’un bec de saxophone.

Le président de La Bazadaise Patrick Jouguet et les coordinatrices Cloé Jean et France Pin.

Le président de La Bazadaise Patrick Jouguet et les coordinatrices Cloé Jean et France Pin.

A.D.

« Le sax était en mauvais état. Il était rouillé, plein de graisse, troué par endroits et lourd. Il était recouvert d’une couche d’argent. » Technique utilisée à l’époque pour donner une seconde vie aux vieux instruments. « J’ai appris à jouer sur ce saxophone. D’autres jeunes de Bazas en ont profité », sourit Patrick Jouguet qui ne se doutait pas à l’époque qu’il avait entre les mains un objet mythique.

Retrouvé dans la salle de judo

Le temps passe. Les vieux instruments de la salle de judo retombent dans l’oubli. La Bazadaise naît en 1984. Patrick Jouguet devient président en 1990. Première décision : vendre les instruments hérités des anciennes associations musicales pour consolider l’école de musique.

Le fabricant m’a montré la signature à l’intérieur du saxophone et m’a dit que c’était un objet de collection

« Nous avons organisé une bourse sous la halle de la mairie avant un grand concert. Des luthiers, facteurs, collectionneurs de la région sont venus à Bazas ce jour-là. Un fabricant bien connu dans la région, mais dont je veux garder l’anonymat, s’est arrêté devant le vieux saxophone. Il l’a ausculté avant de me demander son prix. » 1 000 francs. « Non, cela ne vaut pas 1 000 francs », rétorque le spécialiste. Une façon ferme d’engager les négociations ? « Pas du tout. Le fabricant m’a montré la signature à l’intérieur du saxophone et m’a dit que c’était un objet de collection. »

« Coup de chance monstrueux »

Adolphe Sax. « Personne n’avait jamais regardé la provenance de cet instrument… » Adolphe Sax n’est autre que l’inventeur du saxophone. Il a certainement fabriqué ce modèle au milieu du XIXsiècle. L’acheteur passe un ou deux appels et revient avec une nouvelle proposition : « Je vous l’achète 1,5 million de francs. » De quoi couper le souffle de Patrick Jouguet. « Un coup de chance monstrueux, l’acheteur a été très honnête », commente l’intéressé.

Cette vente a permis de consolider notre école de musique et de développer toutes nos activités derrière

L’association accepte la proposition. Mais pas d’argent. « Nous avons échangé ce saxophone contre dix instruments neufs de grande qualité, l’équivalent de 1,5 million de francs : un saxophone, un alto, une flûte traversière, une clarinette, etc. Ces acquisitions ont permis de consolider notre école de musique et de développer toutes nos activités derrière. »

D’où venait ce saxophone et où est-il aujourd’hui ? « Nous n’avons pas la réponse à ces deux questions. Je pense qu’il est entre les mains d’un collectionneur désormais », avance le président. Seule certitude : l’association se porte bien. Et c’est en partie grâce à ce vieux saxophone arraché des griffes de l’oubli.

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