Cyprien Caddeo

État d’urgence, passe sanitaire puis vaccinal… Le président de la Ligue des droits de l’homme, Malik Salemkour, s’alarme de ce nouveau cap franchi en matière de restriction des libertés et de contrôle d’identité entre citoyens.

Malik Salemkour Président de la Ligue des droits de l’homme

Franchit-on un nouveau cap dans l’atteinte aux libertés publiques, avec le passage du passe sanitaire au passe vaccinal ?

Le passe sanitaire posait déjà des problèmes, notamment sur l’égal accès aux services du quotidien : bars, restaurants, transports. La fin de la gratuité des tests a ­engendré une nouvelle discrimination pour les populations­ non vaccinées et ­précaires. Avec le passe vaccinal, on monte ­encore d’un cran : on ne pourra plus prendre le train, changer de ­région, si on n’est pas vacciné. Ce qui pose un certain nombre de problèmes pratiques, pour les étudiants, les salariés ou les ­aidants non vaccinés qui ont besoin de prendre des transports interrégionaux au quotidien. Nous pensions que le Conseil constitutionnel viendrait pointe­r cela. Il ne l’a pas fait, ce qui est pour nous une inquiétude.

Le Conseil constitutionnel a en effet avalisé la quasi-intégralité du texte. Les restaurateurs pourront bien faire des contrôles d’identité en cas de doute sur la validité du passe vaccinal. Quel problème cela soulève-t-il ?

D’abord, le jugement du Conseil constitutionnel, de par sa composition, est parfois plus politique que juridique. Ce n’est pas une instance indépendante qui dirait le droit, elle se range souvent derrière l’avis du gouver­nement. En validant cette partie du projet de loi, le Conseil constitutionnel participe à banaliser le contrôle d’identité, alors qu’il s’agit normalement d’un acte de police judiciaire, pour le constat d’une infraction. Aujourd’hui, une personne privée, qui n’est pas formée pour cela, pourra contrôler une éventuelle infraction. Cela va provoquer des tensions. Cette banalisation ne date pas du passe vaccinal, la loi de sécurité globale ouvrait déjà le contrôle aux agents de sécu­rité privée.

Que pensez-vous du discours politique de stigmatisation des non-vaccinés ?

Que le gouvernement pousse à la vaccination, c’est normal et c’est son rôle, puisqu’elle est utile pour protéger la popu­lation. Mais, comme le dit l’Organisation mondiale de la santé, c’est par la conviction et non l’obligation que l’on y parviendra. Parmi les non-vaccinés, il n’y a pas que des antivax et des complotistes, il y a aussi des gens en grande précarité, des personnes âgées isolées dans des déserts médicaux. Le discours du président, en plus d’être vulgaire et d’avoir des arrière-pensées électorales, ne crée rien de plus que de nouvelles tensions.

Est-ce que le passe vaccinal peut perdurer dans la loi ?

Au nom de la crise sanitaire, comme hier au nom de l’antiterrorisme, des libertés fondamentales ne sont plus considérées comme essentielles. L’expérience avec l’état d’urgence sécuritaire l’a démontré : ce que l’on nous présente comme des atteintes exceptionnelles aux libertés finit par rentrer dans le droit commun et se normalise. On a petit à petit habitué les Français à être plus surveillés, plus contrôlés… Et, en définitive, à avoir moins de libertés.

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