par Victor Vasseur publié le 1 février 2022 à 22h01

Le nombre de personnes à la rue, sans domicile fixe ou en bidonville, a doublé en moins de dix ans, et triplé depuis le début des années 2000. Pour la Fondation Abbé Pierre, la crise du logement n’est “pas suffisamment prise en compte par les responsables politiques”.

Une manifestation pour le droit au logement à Paris le 30 mai 2021.
Une manifestation pour le droit au logement à Paris le 30 mai 2021. © AFP / Xose Bouzas

La fondation Abbé Pierre publie ce mercredi son 27e rapport sur le mal-logement et organise un grand congrès à Paris, en présence de plusieurs candidats à la présidentielle. Le rapport est épais : 364 pages. Il déplore “des ménages à bout de souffle” et dénonce “l’ampleur” de la crise du logement qui “n’est pas suffisamment prise en compte par les responsables politiques”. En revanche, la Fondation n’a pas constaté d’augmentation d’impayés de loyer “grâce notamment aux mesures de protection mises en place par le gouvernement”. “Mais la menace n’a pas disparu“, insiste-t-elle. D’après le rapport, le Président Emmanuel Macron n’a pas été “à la hauteur” des enjeux en matière de logement, notamment pour les plus démunis.

Le mal logement en chiffres

Dans son rapport, la fondation Abbé Pierre rappelle que le nombre de personnes à la rue, sans domicile fixe ou en bidonville, a doublé en moins de dix ans, et s’élève à 300.000 personnes au minimum. En décembre 2021, près de 4.000 SDF ont tenté de joindre le 115, mais n’ont pas obtenu de place d’hébergement d’urgence. Un chiffre “qui ne reflète pas le besoin réel”, puisque d’après la dernière enquête de la Fédération des Samu Sociaux menée au même moment, “80 % des personnes à la rue rencontrées par les maraudes n’avait pas appelé le 115”, d’après le rapport. Autre exemple : à la mi-novembre, au moins 60 enfants de moins de trois ans et à la rue avec leur famille n’ont pas pu être mis à l’abri en Seine-Saint-Denis.

La Fondation Abbé Pierre relève également des chiffres jugés “record”, comme celui du nombre d’expulsions des lieux de vie informels, les squats et les bidonvilles. Entre le 1er novembre 2020 et le 31 octobre 2021, 1.330 expulsions ont été recensées en France métropolitaine (472 personnes expulsées chaque jour), dont 64 % pendant la trêve hivernale. En mai 2021, ajoute le rapport, “22 189 personnes vivaient dans 439 lieux de vie informels, soit une augmentation de 2 810 personnes par rapport à décembre 2018. Près de 6.000 mineurs étaient recensés”.

La construction de logements sociaux insuffisante

Pour expliquer cette crise du logement, la Fondation Abbé Pierre pointe notamment du doigt “la progression incontrôlée du prix du logement qui pénalise les plus modestes, alors que le nombre de demandeurs HLM en attente ne cesse de progresser, pour atteindre 2,2 millions de ménages.” Dans le même temps, l’offre de logements sociaux disponibles est au plus bas, avec 80.000 attributions de moins dans le parc HLM en 2020. La construction de nouveaux logements sociaux reste insuffisante, en baisse constante depuis le début du quinquennat et à un niveau qui n’a jamais été aussi bas depuis 15 ans : 87.000 agréments en 2020, environ 95.000 en 2021. 

Les préconisations de la Fondation

“Il est donc urgent de redonner des perspectives”, insiste la Fondation Abbé Pierre, “pour les personnes sans domicile avant tout, mais aussi pour enrayer la désillusion”. Face au manque de logements sociaux, le rapport propose d’en construire 150.000. La Fondation appelle aussi à mieux encadrer les marchés de l’immobilier, pour faire baisser les prix. “Là où il a été appliqué, l’encadrement des loyers a commencé à faire ses preuves”, peut-on lire dans le rapport. C’est le cas à Paris, Lille et Lyon, bientôt à Montpellier et Bordeaux.

Pour lutter contre le manque d’offre de logements, surtout dans les grandes villes, la Fondation Abbé Pierre recommande des mesures visant les plateformes touristiques, à l’image d’Aribnb : “La solution ne consiste pas à déréguler le marché locatif résidentiel”.  Le rapport imagine “un numerus clausus sur certains territoires particulièrement tendus ou encore limiter le nombre de jours de location des résidences secondaires.”

En finir avec les passoires énergétiques 

C’est l’une des principales préconisations de la Fondation Abbé Pierre : éradiquer les passoires énergétiques en dix ans. Douze millions de Français vivent dans un logement mal isolé. “Le chantier de la rénovation des cinq millions de logements passoires thermiques doit constituer une priorité nationale”. Le rapport demande une multiplication par deux des aides publiques à la rénovation énergétique et du montant du chèque énergie, mais aussi “un reste à charge nul ou minime après travaux” pour les personnes les plus pauvres. 

Autre mesure forte réclamée par la Fondation Abbé Pierre dans son rapport : la fin des coupures d’électricité “quelle que soit la période de l’année”. En revanche, il serait possible “en cas d’impayés durables, d’instaurer une réduction de puissance (…) qui permettrait de répondre aux besoins vitaux et sociaux élémentaires”. En novembre dernier, EDF a annoncé qu’il ne coupera plus l’électricité en cas d’impayés, mais réduira la puissance d’électricité fournie.

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