Le soir du J9, nous découvrons à quelle sauce nous allons être accommodés. Le confinement à la française sera long, très long. A la bordelaise aussi. Cette annonce officielle me met le moral dans les chaussettes. Autant ne pas compter sur ses doigts et tout de suite rayer avril du calendrier des Postes. Rares applaudissements vespéraux aux fenêtres de notre rue. A demain.

Au matin, chacun a pris ses quartiers de printemps. L’un a tiré un rideau devant une fenêtre ouverte. La tenture vole au vent. On dirait le Sud (pas pu m’en empêcher). L’autre a poussé un contrevent ou cherché l’angle mort qui permet d’être peinard sur sa petite terrasse à l’écart des regards. Privilégié, j’ai repris de la hauteur et me suis installé sur le pouf qui me permet de sortir la tête du velux. A l’abri de tous les regards. Le ciel est dégagé. Horreur, malheur et patate au beurre ! Une angoisse fulgurante m’étreint.

Dimanche prochain (J13), on passe à l’heure d’été. Cela va-t-il fondamentalement perturber le confinement consenti par les citoyennes et citoyens de mon quartier, de Bordeaux, de France, d’Europe.

Le souffle court, incapable, encore moins que d’habitude de raisonner, baignant dans l’immonde marécage de la confusion, j’appelle à l’aide. Celle qui consent à partager le confinement de la Grande Covida avec moi. Elle (anonymat garanti) demande un temps de réflexion. Je suis tenté de chercher un forum sur le Net. On dit que tout existe sur le net. Mais redoutant d’être happé par le trou noir truffé de complotistes patentés à la solde de Dark Vador, je ne clique rien. La réponse ne tarde pas : elle dit on dort une heure de moins. Pas gênant pour des retraités confirmés. Une heure de confinement en moins ? Roupie de sansonnet. Je souffle. Pas longtemps. Mais qu’est-ce qui va nous tomber dessus à J16.

Je vois déjà les titres : La Chine, l’Inde et les Etats-Unis d’Amérique s’unissent tout de suite pour lutter au plus vite contre le réchauffement climatique, le Président de la République française accorde par décret des masques à tout le personnel médico-social de France et garantit la retraite à…(choisissez l’âge), Bordeaux crée un réseau immédiat de toilettes publiques gratuites permettant aux prostatiques de faire pipi sans risque d’être verbalisé pour outrage à la pudeur, le chœur du Grand Théâtre – installé sur le plateau des quelques camions silencieux- chante des cantates de Bach à la demande, les travailleuses et les travailleurs du vignobles du Bordelais sont tous dotés d’un CDI d’acier inoxydable, les transports public sont gratuits tout de suite et pour tous…

Oui, J16, nous serons le 1er avril.

Il faudra tenir jusqu’à J46, le 1er mai.

Alors on chantera :

Alain Walther Bordeaux Mars 2020

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