Le seul rescapé de l’accident de TER qui a causé la mort de trois migrants algériens, mardi 12 octobre, a été entendu par la police de Bayonne. Selon lui, le petit groupe, très fatigué, s’est réfugié sur les voies ferrées pour échapper aux contrôles de police, de plus en plus nombreux dans la région.

Très fatigués, les quatre migrants s'étaient réfugiés sur les voies pour échapper aux contrôles de police, nombreux dans la région. Crédit : Capture d'écran/Twitter
Très fatigués, les quatre migrants s’étaient réfugiés sur les voies pour échapper aux contrôles de police, nombreux dans la région. Crédit : Capture d’écran/Twitter

Il est le seul survivant du drame. Depuis son lit d’hôpital, ce jeune migrant, “fatigué”, “s’est exprimé succinctement” sur les circonstances de l’accident de TER survenu la veille. Vers 5h30 du matin, un train régional de la ligne Hendaye-Bordeaux avait percuté quatre personnes de nationalité algérienne qui dormaient sur les voies, à 500m de la gare de Saint-Jean-de-Luz.

Le seul rescapé de l’accident, blessé aux jambes et au bassin, a été entendu ce mercredi 13 octobre en fin de journée, par les enquêteurs de la police judiciaire de Bayonne.

Il a confirmé que le groupe avait emprunté les voies ferrées pour échapper à d’éventuels contrôles de police. Lundi soir, des bénévoles de l’association Etorkinekin (“avec les migrants” en langue basque) avaient remarqué “une présence policière très forte […] entre Hendaye, Irun et Saint-Jean-de-Luz”. “Je ne dis pas qu’il y a un lien de cause à effet, avait tenu à préciser Amaia Fontana, présidente de l’association, à InfoMigrants. Mais il faut rappeler qu’en venant ici, les migrants arrivent sur un territoire qu’ils ne connaissent pas, ils sont perdus. Alors ils cherchent par tous les moyens à trouver des endroits à l’abri des contrôles, sans forcément se rendre compte du danger”.

Le jeune algérien hospitalisé a aussi dit aux policiers que suivre la voie ferrée leur avait permis de ne pas se perdre. Tous souhaitaient d’ailleurs prendre un train, mais il n’a pas donné plus d’informations sur leur destination.

Très fatigués ce soir-là, les quatre hommes se sont arrêtés pour se reposer et se sont endormis. Sur ce tronçon peu éclairé, et où aucun train ne circule entre 22h30 et 5h, ils n’ont ni vu ni entendu le TER arriver.

L’identification des victimes en cours

Le jeune homme de 28 ans n’a en revanche pas donné d’informations quant à l’identité de ses trois compagnons de route. “Le petit groupe s’était constitué un peu plus tôt en Espagne et ils ne se connaissaient pas les uns les autres”, indique le procureur de Bayonne, Jérôme Bourrier.

Jusqu’alors, seule une des personnes décédées a été identifiée de “manière certaine”, grâce à ses “empreintes papillaires”, avait fait savoir le procureur lors d’une conférence de presse, mardi 12 octobre. Il s’agit d’un Algérien de 21 ans, connu en Espagne car il faisait l’objet d’un avis d’expulsion.

Les identités des deux autres personnes décédées sont encore inconnues, mais “les enquêteurs ont pu avancer dans l’identification des victimes, grâce à une collaboration avec les services espagnols”, assure France Bleu Pays basque, qui ajoute que “les services du procureur sont en lien avec le Consulat algérien pour les identifier de manière formelle”. Mardi, Jérôme Bourrier avait affirmé que l’identification des victimes était “la priorité absolue”.

“Plus de risques”

Mercredi soir, à Saint-Jean-de Luz, environ 300 personnes se sont rassemblées, à l’appel d’associations d’aide aux migrants, pour se recueillir en mémoire des victimes et dénoncer la pression policière. Pour l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) et La Cimade, “le durcissement de la règlementation” et “le renforcement des dispositifs de contrôles et de surveillance aux frontières”, “accroissent les risques” pour les migrants, dénoncent-elles dans un communiqué commun publié ce vendredi

“Nous avons fait ce constat il y a déjà plusieurs années, déplore Émilie Pesselier, coordinatrice des frontières intérieures pour l’Anafé. Les effectifs des autorités aux frontières intérieures françaises sont beaucoup plus importants, nous le voyons sur le terrain”.

Un dispositif mis en place au nom de la lutte contre le terrorisme qui, “dans les faits, engendre plutôt la multiplication des contrôles discriminatoires, sur des personnes qui ont des droits”. Aux frontières intérieures françaises, “proches de l’Espagne comme de l’Italie, les refoulements de migrants par les autorités sont quotidiens”, déplore Émilie Pesselier. Peu efficaces, “ces mesures n’empêcheront pas, de toute façon, une personne qui souhaite s’installer ailleurs de le faire”, assure-t-elle.

Pire, “elles vont plutôt l’amener à prendre plus de risques, ce qui peut conduire à des situations dramatiques comme celles qui se sont déroulées dans la région ces derniers mois”.

Le 22 mai, Yaya Karamoko, un Ivoirien de 28 ans, s’est noyé dans la Bidassoa, frontière naturelle entre Irun, côté espagnol, et Hendaye côté français. Tout comme Abdoulaye Koulibaly, un migrant guinéen de 18 ans, lui aussi mort noyé dans le fleuve le 8 août dernier. D’après le journal Ouest-France, il avait opté pour cette voie afin “d’éviter les contrôles policiers réguliers entre Irun et Hendaye”.

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