5 octobre 2021 by Enass Media

Quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU ont adressé une lettre au gouvernement marocain au sujet des dossiers des journalistes emprisonnés, Souleiman Raissouni et Omar Radi. Focus sur les principales préoccupations de ces instruments du Haut-commissariat des Nations-Unies des droits de l’homme.

Cette mobilisation onusienne est inédite ! Quatre rapporteurs spéciaux mandatés par le Haut-commissariat des Nations-Unies des droits de l’homme à Genève, ont adressé une lettre au gouvernement marocain au sujet des poursuites à l’encontre des journalistes Souleiman Raissouni et Omar Radi.

Détention préventive, conditions de détention, respect des procédures et qualité de prise en charge médicale, tout y passe dans cette missive de neuf pages, adressée au gouvernement le 27 juillet dernier, et rendue publique fin septembre. Le document s’appuie sur les allégations des avocats des deux journalistes ainsi que des défenseurs de droits humains au Maroc et dans le monde.

Les quatre rapporteurs spéciaux sont les suivants : Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; la Rapporteuse spéciale sur le droit dont toute personne peut jouir ; un meilleur état de santé physique et mental ; de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats. Ces quatre experts onusiens exigent des explications de la part des autorités marocaines par rapport aux deux dossiers qui ont su focaliser toute l’attention de l’opinion publique nationale et internationale.

Grief n°1 : « Discréditer les voix critiques »

« Il est reporté qu’au cours des dernières années, plusieurs journalistes critiques des autorités marocaines et opposants politiques auraient été accusés d’atteintes aux mœurs et à la morale, des charges qui ont des conséquences sociales lourdes et durables sur les personnes concernées, et quelle que soit l’issue de leur procès », rappellent les experts onusiens. Dans ce contexte, ces derniers expriment leurs « préoccupations concernant ce qui pourrait indiquer une tendance à utiliser ces charges et leur large diffusion dans les médias, alors que les procès sont en cours, pour discréditer, et ultimement faire taire les voix critiques », estiment les rapporteurs.

Grief n°2 : « La détention préventive et l’isolement comme formes d’intimidation »

Cette lettre a été rédigée dans le contexte de la grève de la faim de Raissouni et Radi. Les auteurs affichaient de vives inquiétudes sur l’état de santé des deux journalistes. « Nous restons préoccupés au vu des informations reçues sur leur situation actuelle », s’inquiètent les rapporteurs. Dans le même document, les experts onusiens expriment de « sérieuses préoccupations quant aux allégations concernant les conditions de détention de M. Radi et M. Raissouni qui, si elles s’avéraient exactes, ne sembleraient pas respecter les normes internationales », préviennent-ils.

Pour attester leurs propos, les rapporteurs rappellent que « la détention préventive et l’isolement prolongé, qui devraient être des mesures exceptionnelles, ainsi que le refus de leur accorder une libération provisoire et les difficultés pour préparer leur défense semblent s’apparenter à des formes de harcèlement et d’intimidation envers les deux journalistes et défenseurs des droits humains en représailles à leurs écrits critiques et à leur engagement sur les questions de droits humains au Maroc, visant à les faire taire et à les discréditer », considèrent les rapporteurs.

Griefs n° 3 : « Atteinte de la présomption d’innocence »

« La nature sérieuse des allégations de viol et d’agression sexuelle portées contre M. Radi et Raissouni mérite toute l’attention du système judiciaire, qui doit décider à l’issue d’un procès juste et équitable de leur fondement », précisent les auteurs de la lettre. Néanmoins, ces auteurs expriment une nouvelle fois « des préoccupations sur les allégations de la divulgation dans les médias des charges portées contre MM. Radi et Raissouni, qui portent atteinte à leur réputation et pourraient contrevenir à leur droit à la présomption d’innocence ». Cette divulgation avant même le début du procès a été relayée par les médias de diffamation. Cette opération médiatique orchestrée préoccupe les rapporteurs de l’ONU : « Nous sommes préoccupés, car ces mesures pourraient avoir un effet dissuasif, décourageant l’exercice légitime de la liberté d’opinion et d’expression en général dans le pays, ainsi que le travail légitime et pacifique de défense des droits humains ».

Le gouvernement appelé à apporter des réponses

Les rapporteurs réclament au gouvernement marocain de leur fournir des informations relatives à trois points. Le premier concerne la détention préventive et sa justification.  Le deuxième point couvre les garanties d’un procès équitable, incluant la présomption d’innocence et une enquête judiciaire indépendante, impartiale et transparente ». Le troisième point concerne la lutte contre l’impunité : « Nous prions le Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires […]de diligenter des enquêtes sur les violations qui auraient été perpétrées, et de traduire les responsables en justice. Nous prions aussi votre Gouvernement d’adopter, le cas échéant, toutes les mesures nécessaires pour prévenir la répétition des faits mentionnés », conclue la lettre. 

Il est à noter que les deux journalistes ont été condamné à des peines de prison dans deux procès distincts, en première instance par la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca en juillet 2021. Raissouni a écopé de cinq années de prison ferme et 100 000 DH d’amende. Pour sa part, Radi a été condamné à six ans de prison ferme et 200 000 DH d’amende. Son collègue Imad Stitou a été condamné à son tour dans le cadre du même dossier à 1 an de prison, dont six mois ferme. La date des deux procès en appel n’a pas encore été fixée.

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