Gabriel Boric a fait une large place aux personnalités de centre gauche, signe de sa volonté de composer avec le Congrès, où il ne dispose pas de la majorité. La parité n’est pas seulement symbolique, avec des femmes à des ministères stratégiques.

Par Flora Genoux(Buenos Aires, correspondante)

Le président du Chili, Gabriel Boric (au centre), entouré des membres de son nouveau cabinet, à Santiago, le 21 janvier 2022.
Le président du Chili, Gabriel Boric (au centre), entouré des membres de son nouveau cabinet, à Santiago, le 21 janvier 2022. STRINGER / REUTERS

C’était une annonce très attendue. Le président élu au Chili le 19 décembre 2021, Gabriel Boric (gauche), a dévoilé son cabinet, vendredi 21 janvier. Ses vingt-quatre ministres, dont quatorze femmes, composent une mosaïque modérée, avec de nombreux techniciens et des personnalités indépendantes des partis politiques. Un casting qui précise la couleur du début de mandat du prochain chef de l’Etat – il prendra ses fonctions le 11 mars –, alors que la jeunesse et l’éclectisme de sa coalition électorale, rassemblant du Parti communiste au centre gauche, ainsi que l’ambition des réformes annoncées, soulevaient de nombreuses inconnues.

Le nom le plus observé : le nouveau ministre des finances, Mario Marcel, 62 ans, président de la Banque centrale depuis 2016, à la formation académique internationale, lié au Parti socialiste. Il a occupé différentes fonctions au sein des gouvernements de centre gauche depuis 1990. « Sa nomination est un signal très important, il a de forts liens avec le monde de l’entreprise et les marchés internationaux, analyse Jaime Baeza, politiste à l’Institut des affaires publiques de l’université du Chili. En tant que président de la Banque centrale, il a tenu la ligne d’une discipline implacable. C’est aussi une preuve de transversalité : son mandat venait d’être renouvelé par [le président sortant de droite] Sebastian Piñera. »

Alors que la situation économique « s’annonce complexe, abonde Robert Funk, politiste au sein du même institut, Gabriel Boric comprend qu’au-delà de sa longue liste de promesses électorales, les finances du pays doivent être saines ». Le premier chantier du ministre sera la réforme des impôts (le président élu entend les augmenter de 5 % du PIB) tandis que les grands changements sociaux – éducation, retraites et système de santé publics, notamment – vont peser sur les finances de l’Etat.

Une médecin de 35 ans au ministère de l’intérieur

Le ministre des finances incarne, par ailleurs, la part belle faite aux figures de centre gauche, davantage représentées au sein du gouvernement que dans la coalition électorale de Gabriel Boric. Un signal clair en vue des négociations au Congrès, où le chef de l’Etat élu ne jouit pas de la majorité, et où il sera essentiel de tisser des liens avec les forces pivots du centre.

Ce n’est donc pas un hasard si le secrétariat général de la présidence, chargé des relations avec le Congrès, sera occupé par Giorgio Jackson, l’homme de confiance du président élu, lui aussi trentenaire et compagnon de lutte des mouvements étudiants de 2011. Le Parti communiste occupe une place plutôt circonscrite mais non anecdotique, notamment avec Camila Vallejo au poste de porte-parole – elle aussi issue de cette nouvelle génération de gauche.

Outre la présence d’experts à différents maroquins, à l’instar de Maria Begoña Yarza Saez, chirurgienne et ex-directrice d’hôpital à la santé, le cabinet compte de nombreuses figures sans trajectoire militante. Un choix qui s’inscrit dans la dynamique politique apparue avec l’élection de l’Assemblée constituante, en mai 2021, composée d’indépendants pour sa majorité, et qui travaille à l’élaboration d’une nouvelle Loi fondamentale.

Si les regards étaient tournés vers le ministère des finances, le cabinet le plus important demeure celui de l’intérieur. Il revient à Izkia Siches, très vite devenue incontournable dans l’entourage de Gabriel Boric. Cette médecin de 35 ans, première femme à occuper ce poste, ex-présidente du Collège des médecins, bénéficie d’une grande popularité. En pleine crise sanitaire, en 2020, elle n’a pas hésité à critiquer vertement le gouvernement. Son ralliement après le premier tour, comme chef de campagne – poste pour lequel elle a arpenté le pays, son bébé de 7 mois dans les bras, cultivant l’image d’une figure combative et de terrain –, explique en partie la victoire de Gabriel Boric.

La petite-fille d’Allende à la défense

« Elle est très habile, c’est une grande communicante, ce qui va être essentiel pour aborder la question du conflit mapuche », observe Jaime Baeza, en référence aux violences qui émaillent le sud du pays, sur fond de réclamation de restitution des terres de la part des populations indigènes.

Par ailleurs, la parité dépasse largement la référence statistique : des femmes sont à la tête des ministères les plus importants, au rang desquels celui des affaires étrangères, avec Antonia Urrejola Noguera, ex-membre de la Commission interaméricaine des droits humains, très critique des atteintes à la démocratie au Nicaragua et au Venezuela. Elément très symbolique, Maya Alejandra Fernández Allende, députée du Parti socialiste et petite-fille de Salvador Allende – le président renversé par le coup d’Etat militaire de 1973 –, prend la tête du ministère de la défense.

Avec une moyenne d’âge de 49 ans et différents postes stratégiques occupés par des trentenaires, le cabinet reflète, par ailleurs, le renouveau générationnel porté par Gabriel Boric, qui sera, à 36 ans lors de sa prise de fonctions, le plus jeune président de l’histoire du pays.

Flora Genoux(Buenos Aires, correspondante)

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