Par Julia DumontPublié le : 23/01/2023

Le journal The Guardian révèle que des dizaines de mineurs non accompagnés hébergés dans un hôtel de Brighton, dans le sud de l’Angleterre, ont été enlevés par des gangs criminels. Sur 136 enfants portés disparus alors qu’ils étaient logés dans l’établissement, 79 sont toujours introuvables.

Des dizaines de mineurs non accompagnés hébergés dans un hôtel de Brighton, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, ont disparu après avoir été enlevés par des groupes criminels, a révélé, samedi 21 janvier, The Guardian.

Des sources issues des services de protection de l’enfance ont décrit au quotidien des enlèvements ayant lieu jusque devant la porte de l’hôtel en question. “Les enfants sont littéralement embarqués à l’extérieur du bâtiment, ils disparaissent et ne sont pas retrouvés. Ils sont pris dans la rue par des trafiquants”, a déclaré l’une d’elles.

Selon le Guardian, quelque 600 enfants migrants ont été logés dans cet hôtel de Brighton au cours des 18 derniers mois. Durant cette période, 136 ont été portés disparus et 79 sont toujours introuvables.

Le quotidien britannique a pu établir que, début avril, en l’espace de quelques jours seulement, au moins six mineurs étrangers non accompagnés et placés dans le même hôtel de Brighton ont disparu. “Rien qu’en août, 40 adolescents ont disparu”, affirme encore le journal.

Gangs criminels

Selon un employé de l’entreprise Mitie, mandatée par l’État britannique pour la gestion des lieux d’hébergement des demandeurs d’asile, la plupart des enfants sont enlevés par des gangs criminels qui utilisent des enfants pour faire passer de la drogue. “Les gangs albanais et érythréens les ramassent dans leurs BMW et leurs Audi, puis ils disparaissent”, a détaillé cette personne.

Plus grave : selon ce lanceur d’alerte, le Home Office a été alerté à de nombreuses reprises sur les risques d’enlèvements encourus par les jeunes exilés logés dans l’hôtel mais n’a pas réagi. 

Des sources ont notamment assuré au Guardian que ces problèmes de sécurité avaient été évoqués “lors de réunions multi-agences tenues à Brighton et Hove […] en présence de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur”. Lors de ces réunions, “la police a fait part de ses inquiétudes concernant les éléments criminels qui s’en prennent aux enfants non accompagnés depuis au moins un an”, a indiqué le quotidien britannique.

“Ils [le ministère de l’Intérieur] sont au courant depuis le début. Ce sont eux qui gèrent les hôtels, c’est leur personnel qui signale la disparition des enfants”, a déclaré l’une des sources interrogées par le Guardian.

Le Home Office a réagi à ces déclarations en assurant que des “solides mesures de protection” étaient en place pour que ces enfants soient “autant en sécurité et soutenus que possible”.

“Un échec grave du gouvernement”

Ces révélations s’ajoutent aux nombreuses critiques visant déjà le gouvernement britannique, mis en cause notamment pour avoir logé dans des hôtels des centaines de migrants mineurs. Selon la BBC, entre juillet 2021 et juin 2022, plus de 1 600 jeunes ont été placés en hôtel.

Dans ces établissements répartis aux quatre coins du pays, les adolescents sont livrés à eux-mêmes et exposés à de forts risques d’exploitation. “C’est un échec grave du gouvernement que des jeunes enfants traumatisés qui demandent l’asile soient toujours logés dans des hôtels et, par conséquent, disparaissent en nombre important”, avait déclaré à InfoMigrants Tamsin Baxter, directrice chargée des affaires externes au sein de l’organisation d’aide aux migrants Refugee Council, interrogée en octobre dernier. À cette époque, la BBC estimait qu’au moins une centaine de jeunes avaient déjà disparu.

>> À lire : Royaume-Uni : en 14 mois, plus de 100 mineurs isolés ont disparu des hôtels où ils étaient hébergés par l’État

“Il y a un large panel de situations d’exploitations dans lesquelles ces jeunes pourraient se trouver”, avait alerté, de son côté, Patricia Durr, directrice de l’organisation ECPAT UK, citée par la BBC. “Ils peuvent être en train de travailler dans des fermes de cannabis, dans une usine, ils peuvent être dans une situation d’esclavage domestique (…). Ils peuvent être exploités criminellement ou sexuellement en secret.”

Livrés à eux-mêmes

Au mois d’avril 2022, InfoMigrants avait pu se rendre aux abords de certains de ces hôtels : de gigantesques structures où parfois plus de mille personnes peuvent être logées. Des migrants interviewés à ce moment-là avaient expliqué être livrés à eux-mêmes et n’avoir accès à aucune information, notamment sur leur procédure de demande d’asile.

“En moyenne, les enfants non accompagnés qui déposent une demande d’asile sont déplacés dans des centres d’accueil dans les 15 jours suivant leur arrivée dans un hôtel, mais nous savons qu’il faut que davantage soit fait”, avaient justifié en réponse les services de l’Etat.

Mais pour Tamsin Baxter, “aussi longtemps que des enfants seront placés dans des hôtels et privés de l’attention d’un responsable légal, ils seront dans une situation terrible”.

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