L’Égypte, le Liban, le Soudan, le Yemen… de nombreux pays importaient jusqu’ici plus de 50 % de leurs approvisionnements en céréales en Ukraine ou en Russie. En raison de la guerre et le blocage de ces exportations, l’ONU craint un “ouragan de famines”. La flambée des prix alimentaires et énergétiques forme les conditions similaires à celles qui ont fait éclater le Printemps Arabe en 2011.

Tunisie manifestation faim Anis MILI AFP
Des partisans de l’opposition tunisienne manifestent contre la prise de pouvoir du président Kais Saied et la crise économique.
Anis MILI / AFP

C’est une conséquence dramatique de la guerre en Ukraine. Lundi 14 mars, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a mis en garde contre le risque d’une guerre russe en Ukraine qui pourrait entraîner “un ouragan de famines” dans de nombreux pays. “L’Ukraine est en feu” et “le pays est en train d’être décimé sous les yeux du monde“, déplore-t-il. “Nous devons faire tout notre possible pour éviter un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial”, a-t-il déclaré à des médias à New York.

Pour bien comprendre, il faut savoir aujourd’hui que la Russie est une championne céréalière. Ses exportations pèsent aujourd’hui 35 millions de tonnes, soit 20 à 23 % des exportations mondiales de blé. Toute la région de la mer Noire s’est trouvée une place de choix sur le marché des grains. Au total, Moscou et Kiev représentent un tiers des exportations de blé. Or de nombreux pays sont dépendants de ces importations, notamment l’Égypte, l’Indonésie ou encore l’Algérie. 

Le spectre du Printemps Arabe

“Cette guerre dépasse largement l’Ukraine”, a souligné Antonio Guterres. “Les prix des céréales ont déjà dépassé ceux du début du printemps arabe et des émeutes de la faim de 2007-2008″. “L’indice mondial des prix des denrées alimentaires de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture basée à Rome) est à son plus haut niveau jamais enregistré”, a-t-il précisé. Au total, “45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie – 18 de ces pays en importent au moins 50%. Cela comprend des pays comme le Burkina Faso, l’Egypte, la République démocratique du Congo, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen”, a indiqué le chef de l’ONU, en réclamant à nouveau un arrêt au plus vite des hostilités.  

Dans de nombreux pays, le spectre des émeutes de la faim refait surface. Au Maghreb et au Moyen-Orient entre les fortes pressions sur les prix du pétrole et des produits alimentaires de base, les conditions actuelles ressemblent à celles qui ont fait naître à partir de 2010, les Printemps arabes. “Pour le moment, les gouvernements arrivent à maîtriser la situation mais jusqu’à quand”, confie le politologue Mohamed Belmir sur le site marocain La Quotidienne. 

“Le printemps arabe a été déclenché sous l’effet de la hausse des prix des produits alimentaires avant de basculer vers une crise politique de grande ampleur. S’ensuivit un soulèvement populaire qui a évincé plusieurs leaders considérés comme indétrônables, à l’image de Kadhafi en Libye, Zine El Abidine en Tunisie, Moubarak en Egypte, Ali Abdallah Salah au Yémen. Et sans l’intervention de la Russie en Syrie, Bachar El Assad aurait connu le même sort. Même les autres pays arabes comme le Maroc ont vécu des moments terribles“, ajoute-t-il.

Le rôle nourricier de l’Europe

Au total, 8 à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim avec la guerre en Ukraine. Le 11 mars dernier, les ministres de l’Agriculture du G7, dont la France, ont publié une déclaration commune dans laquelle ils s’engagent à éviter “tous les signaux et mesures restrictives qui limiteraient les exportations et entraîneraient de nouvelles hausses de prix”.

Dans cette perspective, le ministre Julien Denormandie, met en avant l’importance pour l’Union européenne de jouer son rôle nourricier. En attendant, c’est la sécurité alimentaire des Ukrainiens qu’il s’agit de défendre. Alors que les besoins humanitaires “augmentent rapidement” en Ukraine, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Martin Grifiths, a annoncé débloquer 40 millions de dollars du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies afin d'”atteindre les personnes les plus vulnérables” en Ukraine. 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP

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