Aux États-Unis, les républicains mènent une offensive contre tout ce qui touche aux questions de justice et d’égalité.

Publié leMardi 1 Février 2022Charlotte Recoquillon

C’est dans un climat politique particulièrement tendu que débute aujourd’hui le Black History Month aux États-Unis. Chaque mois de février, l’histoire noire y est célébrée à travers des événements culturels, des articles, des activités pédagogiques pour les enfants, des recommandations de lectures pour les grands… On dresse alors les portraits héroïques de Martin Luther King menant le combat pour les droits civiques, de Fannie Lou Hamer se battant pour le droit de vote, ou d’Harriet Tubman aidant les esclaves à fuir vers le Nord. On se plonge dans les travaux de WEB Du Bois ou de Michelle Alexander, et dans la littérature de James Baldwin et de Zora Neale Hurston.

Mais, cette année, cet événement a lieu alors qu’au moins 36 États ont adopté des mesures contre l’enseignement de « sujets controversés ». Les républicains mènent une offensive concertée contre tout ce qui touche, de près ou de loin, aux questions de justice et d’égalité. Ils se sont en particulier lancés dans une campagne contre la théorie critique de la race, une discipline enseignée au niveau universitaire qui décrypte le fonctionnement du racisme à travers l’analyse des lois et des structures institutionnelles. On est loin des écoles primaires mais, paniqués à l’idée que leurs enfants apprennent que le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie… ne sont pas que des opinions, ils multiplient les offensives et recourent à la censure.

Au Texas, le représentant républicain Matt Krause a demandé l’interdiction de 850 livres dont les contenus mettent « mal à l’aise les élèves ». Dans l’Utah, au moins quatre lycées ont interdit des romans, dont l’Œil le plus bleu, de Toni Morrison. Dans le Tennessee, un groupe de parents a même contesté l’autobiographie de Ruby Bridges, la première élève noire à intégrer une école jusqu’alors réservée aux Blancs. Le Missouri et l’Indiana exigent que les parents puissent consulter les plans de cours, et la Floride les autorise à porter plainte s’ils soupçonnent qu’on parle de la théorie critique de la race à leurs enfants.

On notera la délicieuse ironie : ce sont les partisans du ­célèbre « on ne peut plus rien dire », ceux qui fantasmaient une soi-disant « cancel culture » il y a quelques semaines, qui censurent des centaines de livres. Autre ironie, ils prouvent l’existence de ce qu’ils contestent en utilisant leur pouvoir institutionnel pour invisibiliser les analyses sur le racisme. Mais on aurait tort de sous-estimer ces initiatives. Certes, ce recours à l’autorité prouve l’absence d’argument sérieux. Et il s’agit bien d’une réaction aux avancées du mouvement antiraciste. Mais les discours attisant les paniques morales sont de puissants outils de mobilisation. À quelques mois des élections de mi-mandat, la stratégie républicaine pourrait se révéler redoutablement efficace.

Images liées:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.