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Bordeaux : prison ferme après un début d’émeute au centre de rétention administrative
Un début d’émeute a éclaté, dimanche après-midi, au CRA de Bordeaux, installé dans les sous-sols de l’hôtel de police, à Mériadeck. © Crédit photo : Archives Thierry David / « Sud Ouest » Par Elisa Artigue-Cazcarra – e.cazcarra@sudouest.fr


Publié le 20/04/2022 à 21h01
Mis à jour le 20/04/2022 à 22h55 La situation a dégénéré au centre de rétention administrative de Bordeaux, dimanche 17 avril. Tout est parti d’une broutille : un distributeur de boissons et de confiseries vide. Trois hommes ont été condamnés, ce mercredi 20 avril, pour avoir insulté des policiers et s’être rebellés

Cette affaire donne à voir un pan de l’ambiance au centre de rétention administrative (CRA) de Bordeaux. Installé dans les sous-sols du commissariat, à Mériadeck, le CRA accueille en ce moment 15 hommes, retenus en attente d’une reconduite à la frontière.

Dimanche 17 avril, un début d’émeute y a éclaté. L’étincelle ? Une broutille : un distributeur de boissons et de confiseries vide. Trois jours plus tard, ce 20 avril, trois hommes âgés de 20 à 30 ans ont été condamnés à de la prison ferme pour « outrage » et « rébellion » envers quatre policiers.

Tout débute vers 16 heures, dimanche, lorsque Abdelouahed Mahmoud demande par interphone à un policier de réapprovisionner le distributeur. « Selon l’agent, il vous indique que c’est impossible, en ce dimanche pascal. Vous lui répondez : ‘‘Fils de p…’’. Le policier raccroche, mais vous sonnez et l’insultez encore. Il décide de vous interpeller », expose la présidente, Marie-Élisabeth Boulnois.

Révérencieux face au tribunal, le jeune homme conteste. Comme ses deux compagnons de box, Zakaria Azedine et Hussein Hamadi, il ne reconnaît que la rébellion, filmée par les caméras de surveillance, et nie les outrages. Les caméras n’enregistrent pas le son.

« Trois policiers interviennent, reprend la magistrate. Vous vous rebellez, criez, d’autres retenus s’approchent. Certains tentent d’empêcher les agents de vous maîtriser. Des insultes sont proférées. Une policière arrive en renfort et essuie à son tour des injures : ‘‘Sale noire, va ni… ta race, je te b… comme une chienne.’’ » Encerclés par une dizaine de retenus, les policiers se replient. Les meneurs présumés sont interpellés plus tard, une fois le calme revenu.

« Les insultes, c’est tous les jours »

Présents au procès, trois policiers, parties civiles, racontent leur quotidien difficile. « Les insultes, c’est tous les jours, témoigne un chef de brigade, en poste depuis quatre ans. Alors, les ‘‘fils de p…’’, on laisse passer. Mais là, j’ai décidé d’intervenir car il insistait. » « Je sors de l’école de police, ajoute un de ses collègues. Je n’étais pas préparé à ça. J’ai été très surpris par la rapidité et la violence de la scène. »

À ses côtés, une policière, jeune elle aussi, se lève. Pendant la bousculade, elle a fait un bras d’honneur à l’un des prévenus. « J’ai perdu mon sang-froid pour la première fois, s’excuse-t-elle. Je n’aurais pas dû. C’est une accumulation. Depuis mon arrivée au CRA, il n’y a pas un jour où je ne me fais pas injurier. Parce que je suis une femme et parce que je suis noire. »

« Madame travaille dans des conditions insupportables, insiste Me Sapata, l’avocat des fonctionnaires. Ces jeunes policiers sont en train de se construire professionnellement sur un tel terreau. Cela doit tous nous interpeller. »

« C’est un vrai sujet d’inquiétude, appuie la procureure, Marie-Noëlle Courtiau Duterrier. D’autant que le CRA actuel d’une vingtaine de places en comptera quatre fois plus en 2024, à Pessac. »

Mais les policiers n’auraient-ils pas fait un usage disproportionné de la force ? La question est soulevée par Me Frédéric Train, en défense, qui juge cette affaire « troublante ».

Le tribunal n’a pas suivi cette analyse. S’appuyant sur les antécédents judiciaires des prévenus, il a prononcé des peines de six mois à un an de prison ferme, avec maintien en détention.

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