Par Leslie Carretero Publié le : 06/05/2022

En janvier 2021, Stéphane Ravacley s’est mis en grève de la faim pour protester contre l’expulsion de son apprenti guinéen, menacé d’expulsion du territoire français à ses 18 ans. Son engagement a connu une médiatisation retentissante et finalement permis la régularisation de son employé Laye Fodé Traoréiné. Aujourd’hui, le boulanger veut aller plus loin et porter la cause des mineurs isolés à l’Assemblée en devenant député. Entretien.

Il portera les couleurs de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) dans sa région, la 2e circonscription du Doubs (Besançon-Ornans). Le boulanger Stéphane Ravacley, qui s’était fait connaître pour son engagement en faveur de son apprenti guinéen menacé d’expulsion, se lance en politique.

Une nouvelle carrière pour porter haut les couleurs de son militantisme. En janvier 2021, Stéphane Ravacley avait entamé une grève de la faim pour s’opposer à l’expulsion de son jeune apprenti, tout juste majeur et Guinéen, Laye Fodé Traoréiné. L’écho médiatique avait été tel que le boulanger avait eu gain de cause. Laye avait finalement obtenu une autorisation de séjour en France.

Le combat de Stéphane Ravacley ne s’est pas arrêté là : porté par cette “victoire”, il crée dans la foulée l’association Patrons solidaires, une plateforme qui réunit les employeurs dans la même situation que lui. Un dispositif qui a permis à une vingtaine de jeunes de se faire régulariser. Aujourd’hui, le bisontin veut aller encore plus loin et mener la bataille à l’Assemblée nationale.

InfoMigrants : Pourquoi vous présentez-vous aux législatives de juin prochain ?

Stéphane Ravacley : Après mon combat pour obtenir la régularisation de Laye, le sénateur PS de Saône-et-Loire Jérôme Durain et moi avons travaillé ensemble pour l’élaboration d’une proposition de loi. Le texte devait permettre aux apprentis étrangers ayant obtenu un diplôme dans le cadre d’un cursus d’apprentissage d’être protégés et d’obtenir des papiers plus rapidement.

La proposition a été rejetée à l’Assemblée et au Sénat. Lors des débats dans l’hémicycle, j’ai entendu un certain nombre de contre-vérités sur les mineurs non accompagnés. Les députés de la majorité ou de la droite, et certains membres du gouvernement comme Marlène Schiappa [ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, ndlr] affirmaient que tout se passait bien pour les jeunes à leur majorité, qu’ils étaient pris en charge après 18 ans…

Tout cela est faux et m’a mis en colère. Dans ces moments-là, on sourit mais on sourit jaune. C’était à se taper la tête contre les murs.

Je me suis dit qu’on se fatiguait à expliquer les choses à des personnes qui ne connaissent pas la réalité de la situation, qui sont si éloignées de la vie des gens.

C’est vraiment ce jour-là que j’ai compris qu’il fallait entrer à l’Assemblée comme député pour faire bouger les lignes, qu’il fallait faire de la politique pour essayer de changer les choses de l’intérieur.

IM : Si vous parvenez à être élu député les 12 et 19 juin, votre combat principal restera celui des mineurs étrangers ?

SR : Bien sûr, cela me tient à cœur. C’est ma principale motivation pour devenir député.

Je souhaite porter la problématique des mineurs isolés dans sa globalité. Je veux que l’Aide sociale à l’enfance (ASE) protège tous les jeunes étrangers ou non jusqu’au minimum 21 ans, voire 25 ans. Certains départements assurent, via l’ASE, une prise en charge jusqu’à 21 ans mais ils sont peu nombreux.

Même nos propres enfants restent chez nous bien après 18 ans. Ils quittent le foyer parental en général vers 25 ans, après leurs études. Comment expliquer que les personnes isolées, sans famille, doivent se débrouiller seules dès 18 ans ? Environ 40% des enfants issus de l’ASE finissent à la rue, c’est bien qu’il y a un problème et qu’il faut le régler.

IM : Après votre grève de la faim, vous avez créé l’association Patrons solidaires. Quelle était son objectif ? Est-elle toujours active ?

SR : Elle est toujours active mais je me suis mis en retrait de l’association, car elle est apolitique. J’ai donc confié la gestion à l’ancienne sous-présidente.

Le but de cette plateforme est de réunir les patrons qui vivent la même situation que j’ai connue avec Laye, et se battre ensemble. Beaucoup travaillent avec un apprenti volontaire et compétent mais ne peuvent pas le garder car à leurs 18 ans, ces jeunes reçoivent souvent une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). C’est absurde.

Grâce à l’association, entre 20 et 30 jeunes étrangers en formation ont été régularisés.

IM : Comment va Laye Fodé Traoréiné depuis sa régularisation ?

SR : Il va très bien. Il est tombé amoureux et a suivi sa fiancée à Dijon. Je l’ai aidé à lui trouver un bon patron dans la ville et il continue son apprentissage dans une boulangerie.

Mais même s’il a quitté Besançon, je suis régulièrement en contact avec lui.

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