Ce jeudi 27 mai 2021, journée nationale de la Résistance est l’occasion de mettre en lumière une personnalité qui a marqué la Corrèze. Colette De Jouvenel fut Résistante à Curemonte pendant la seconde guerre mondiale. Son humanisme la conduira à la vie politique puis au journalisme.

Publié le 27/05/2021 à 19h14

Résistante, politique, journaliste, féministe… Colette de Jouvenel marquera la Corrèze de ses convictions et de son destin remarquable. • © Collection particulière

Résistante, politique, journaliste, féministe... Colette de Jouvenel marquera la Corrèze de ses convictions et de son destin remarquable.

Corrèze Uzerche Brive

Son nom est tombé dans l’oubli. Pourtant Colette de Jouvenel représente un modèle. Surtout en Corrèze où elle a laissé des traces. Pour le quarantenaire de sa disparition, l’écrivain François Soustre, qui a publié une biographie en 2013 intitulée “Colette de Jouvenel en Corrèze”, Barbara Vimon, la mairesse de Saint-Hilaire-Luc et le comédien Sylvain Dufour veulent lui rendre hommage. Ce samedi 29 mai 2021, ils organisent un concert entrecoupé de lectures pour conter son destin.

Fille de l’écrivaine Colette, et du ministre et sénateur Henri de Jouvenel, Bel-Gazou est née en 1913 • © Collection particulière

 

Fille de l'écrivaine Colette, et du ministre et sénateur Henri de Jouvenel, Bel-Gazou est née en 1913

Bel-Gazou 

Fille de l’écrivaine Colette et de l’homme politique (ministre, sénateur… ) Henri de Jouvenel, Colette de Jouvenel, surnommée Bel-Gazou dont l’expression signifie “beau gazouillis” naît en 1913 à Paris. Quand la Première Guerre mondiale éclate, son père va rejoindre le front et sa mère, s’occupe de la rédaction du Matin. La petite fille est alors envoyée en Corrèze, au château de Castel-Novel à Varetz, où elle est confiée à sa nurse Miss Draper. Bel-Gazou passe une partie de son enfance à la campagne et rejoint adolescente, la région parisienne. 

Résistante sous la Seconde Guerre mondiale 

En 1940, Colette de Jouvenel revient sur sa terre de prédilection, la Corrèze. Au village de Curemonte qu’elle appelle “sa toscane limousine”, elle s’installe au château familial. Avec le couple d’instituteurs du village, les Videau, et de Berthe Vayssié, la tenancière du café-tabac-épicerie “La Providence”, la jeune femme de 27 ans, organise la Résistance.  

“Elle vit dans la dépendance du château, elle fait un potager pour se nourrir et pour aider d’autres personnes à se ravitailler pendant la guerre. Colette de Jouvenel va fédérer les villageois. Ensemble, ils vont réhabiliter des maisons abandonnées pour faire venir des gens dans l’exode. Elle va même faire venir un médecin pour ausculter ceux qui sont dans des états fragiles”, raconte le comédien Sylvain Dufour.  

En 1943, elle s’implique dans l’OSE, Organisation de Secours aux Enfants de parents déportés.  

Elle va protéger les enfants, les adultes juifs. Elle les cache dans la dépendance du château, dans les maisons réhabilitées du village et en cas de rafle, elle prévoit même une cachette dans les ruines du château de Curemonte. L’instituteur lui, va fournir les faux papiers aux familles qui ont besoin de se protéger.

Sylvain Dufour, comédien. 

François Soustre ajoute que la résistante “n’appartient en titre à aucun mouvement mais elle travaille avec les Francs Tireurs Partisans (FTP), l’Armée secrète (AS) et se charge de missions précises dans les rangs de l’opposition au STO“.

Elle veille au ravitaillement des maquisards, fait le lien avec les hommes qui ont reçu une feuille de route, les cache, informe et rassure les familles, prend contact avec les habitants des fermes isolées pour dénicher des abris insoupçonnables, sonde les bonnes volontés… Elle-même emploiera l’un de ces jeunes gens, Emile, dit « le Milou », en qualité de jardinier.

François Soustre, dans sa biographie sur Colette de Jouvenel.   

Cet humanisme la mènera à la Politique.   

1re femme adjointe au maire en Corrèze 

A 30 ans, en 1944, Colette de Jouvenel est élue au Conseil Municipal de Curemonte. “C’est très rare qu’une femme devienne première adjointe de sa commune” explique François Soustre.  

“Rêvant d’un nouveau monde, dans lequel les richesses seraient mieux réparties, où l’injustice sociale serait réellement battue en brèche”, le biographe raconte qu’elle va œuvrer pour l’électrification, l’eau potable, l’instruction publique… 

Progressiste et proche des gens, Colette de Jouvenel est invitée par le préfet de Corrèze pour défendre devant tous les maires du département (tous masculins à l’époque) le droit de vote des femmes, mis en ordonnance par le Général De Gaulle le 21 avril 1944. 

Remarquée pour sa politique par le Général de Gaulle, elle est nommée Présidente du Comité Social et Sanitaire de la Corrèze. A ce titre, elle doit restructurer tous les services publics abandonnés ou modifiés par Vichy comme les hôpitaux, les écoles… Colette de Jouvenel excelle tellement dans son travail que le Président de la République lui demande de s’occuper de quatre régions, ce qu’elle refusera préférant rester sur des missions plus concrètes et municipales.   

Remarquée aussi dans les milieux journalistiques, la femme de conviction commence à prendre la plume. Fille de l’écrivaine Colette, et du ministre et sénateur Henri de Jouvenel, Bel-Gazou est née en 1913 •

Colette de Jouvenel • © Collection particulière

Colette de Jouvenel

Journaliste et féministe  

La guerre a donné envie à Colette de Jouvenel d’écrire, de témoigner de ce qui s’est passé.  Elle écrit un journal puis des articles. En novembre 1944, elle publie dans Femmes françaises son premier papier intitulé “Travail urgent : travail social”. Un article pour réveiller les pouvoirs publics qui va attirer l’attention de Juliette Jonvaux, aux commandes de “Fraternité”, un journal d’extrême gauche créé sous l’Occupation. Elle rejoint le journal à Paris où une place l’attend comme journaliste. Colette de Jouvenel prend à bras le corps ses nouvelles missions et couvre le retour des déportés.  

Le 20 avril 1945, à 8h30, Colette de Jouvenel est sur le quai de la gare de Lyon où arrivent les survivantes du camp de Ravensbrück. “Leur démarche chancelante, leurs pauvres hardes, leurs visages jaunis ou gris, labourés de souffrance, leur regard ébloui ou hébété ou noyé de larmes ? Et avec tout cela, elles portent sur elles une beauté sans pareille, la beauté des êtres qui, pour l’amour de la liberté, ont tant souffert. (…) C’est vous qui empêcherez que sortent jamais de la mémoire des hommes les souvenirs que vous rapportez avec vous. C’est vous qui saurez dire à quels abîmes insensés mènent certaines éducations, certaines idées et le peu d’ardeur qu’on mit à combattre quand il est encore temps. C’est vous qui mènerez la lutte pour qu’on enseigne au petit de l’homme le respect de l’homme et celui de la beauté. Vous qui avez connu par cœur, et dans tout votre corps, la monstruosité, vous pourrez la dénoncez au monde, si jamais elle relève la tête” témoigne-t-elle

Colette de Jouvenel poursuit ses reportages. Elle fait partie de ceux qui pointent du doigt, qui énonce pour mieux dénoncer. La journaliste critique, le manque d’organisation des secours pour les déportés, le manque d’ambition politique. Plus tard, ce sont les questions féministes qu’elle embrassera de son crayon. La progressiste défend l’égalité des sexes et la promotion des femmes aux postes à hautes responsabilités.  

Un article, publié en octobre 45 dans le magazine Vogue, intitulé “L’abeille citoyen”, fera couler beaucoup d’encre.  

Cent articles n’y changeraient rien. Mais ce qu’il convient de tenter, c’est d’aider les femmes, celles que la « chose publique » effraie, à prendre conscience que ni le ravaudage des chaussettes ni les collections de couturiers, ni même le soin des enfants ne suffiront plus à remplir leur vie tout à fait, car un peuple entier a désormais besoin de leur bonne volonté, de leur ingéniosité, de leur intelligence des problèmes quotidiens, de ce que nous assimilions jadis aux « Ouvrages de Dames » : leur sensibilité.  

Colette de Jouvenel

Colette de Jouvenel ne s’arrête pas là et ne cesse à travers ses papiers de dénoncer d’un ton assuré, les inégalités entre les hommes et les femmes. Mais son travail suscite de vives critiques même de la part de sa mère et si elle refuse de leurs prêter attention, elle finit par atteindre ses limites. Dès le mois de janvier 1947, cultivant un goût prononcé pour la décoration, la journaliste devient finalement antiquaire en ouvrant un magasin à Paris.  

En 1981, Colette de Jouvenel s’éteint à Paris, des suites d’un cancer. Elle repose avec l’écrivaine Colette, sa mère, au Père-Lachaise.  

2021, date des 40 ans de la mort de Colette de Jouvenel 

Cette année signe le quarantenaire de sa disparition, une date qui pousse l’écrivain régional François Soustre, la mairesse de Saint-Hilaire-Luc et le comédien Sylvain Dufour à organiser une journée en sa mémoire.  

Ce qu’elle véhicule, ce sont des choses qui sont importantes à retenir aujourd’hui, que ce soit cette résistance, ce soutien aux populations, ce dévouement, cette solidarité, ce féminisme, ce serait formidable que Colette de Jouvenel marque autant les esprits que Jacques Chirac ou François Hollande.  

Barbara Vimon, Maire de Saint-Hilaire-Luc

A partir de 15h, ce samedi 29 mai 2021, le petit village Saint-Hilaire-Luc se souviendra de Colette de Jouvenel. Son histoire sera racontée en musique et ses écrits seront lus par les comédiens Sylvain Dufour et Anny Dupeyrey.  

2021 marque le quarantenaire de la disparition de Colette de Jouvenel.

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