Au Maroc, la société TLS Contact, qui gère les demandes de visas pour plusieurs pays européens, dont la France, a été épinglée par la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). Le prestataire a admis avoir transféré des images de demandeurs captées par les caméras de surveillance à des gouvernements étrangers. Cette affaire intervient dans un contexte particulier, alors que les demandeurs de visa en Afrique se plaignent des restrictions imposées notamment par la France pour obtenir ce laissez-passer. Cette société appartient à un groupe français, Teleperformance, spécialisé dans les centres d’appels et peu réputé pour ses bonnes pratiques. En Algérie, suite à une affaire de corruption interne dévoilée en 2017 par le journal TSA Algérie, TLS avait perdu une partie du marché des visas français dans ce pays au détriment de son grand concurrent, le leader mondial VFS Global.

Ces deux sociétés, qui gèrent pour la France une grande partie des demandes de visas en provenance d’Afrique (le troisième prestataire étant le français Capago), ont un fonctionnement très suspect quant au traitement des données personnelles. Les deux assurent que celles-ci, qui vont de la numérisation du passeport aux empreintes digitales en passant par l’ensemble des coordonnées y compris bancaires, ne font que transiter sur leurs serveurs avant d’atterrir sur ceux des consulats. Elles assurent aussi que les images de vidéosurveillance sont détruites régulièrement… Ce qui n’a vraisemblablement pas été le cas au Maroc chez TLS Contact.

Le marché des données personnelles est faramineux. Au niveau européen, il aurait atteint 1000 milliards de dollars en 2020 (8 % du PIB). C’est aussi un marché très opaque dans lequel des filières clandestines opèrent en toute impunité. En juin 2022, l’une d’elles a été démantelée par le FBI après avoir alimenté le marché noir des données pendant près de dix ans. Les données personnelles des Africains qui souhaitent venir en Europe ont une autre utilité : celle de fournir un moyen de traçage pour faciliter les expulsions. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, des programmes de plusieurs dizaines de millions d’euros ont été mis en place par le Fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique » pour la création d’un fichier national d’identité biométrique. Parmi les sous-traitants, Civipol, un opérateur du ministère de l’Intérieur français. A la demandes des autorités sud-africaines, VFS Global, qui a traité plus de 253 millions de dossiers dans le monde depuis 2001, a déjà mis en place le traçage des migrants de la sous-région qui arrivent dans la nation Arc-en-Ciel.

Aller plus loin :
Michael Pauron, Les Ambassades de la Françafrique. L’héritage colonial de la diplomatie française, Lux éditeur, 2022 (chap. 11, « Privatisation, politique migratoire et corruption »).
Philippe Steiner, Marie Trespeuch, Marchés contestés. Quand le marché rencontre la morale, Presses universitaires du Midi, 2015 (chap. 7 « La mise en marché des données personnelles ou la difficile extension du marché à la personne »).

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