La mort d’un jeune homme noir de 22 ans lors d’une opération de police le 2 février alimente les critiques à l’égard de forces de l’ordre déjà pointées du doigt après le meurtre de George Floyd en 2020.

Le 5 février lors d’une manifestation à Minneapolis, Linda Tyler, la tante d’Amir Locke abattu par la police trous jours auparavant. (Nathan Howard/AFP)

par Samuel Ravier-Regnat

Un an et demi après la mort de George Floyd, Minneapolis est de nouveau endeuillée par une affaire de violence policière. Amir Locke avait 22 ans et il rêvait de faire carrière dans le hip-hop. Mercredi 2 février, sa vie a été fauchée lors d’une opération policière dont les images, diffusées sur Internet par la police locale, bouleversent les Etats-Unis et donnent un nouveau souffle aux débats sur la brutalité et le racisme reprochés aux forces de l’ordre américaines. Plusieurs milliers de manifestants ont défilé dimanche dans les rues de la métropole du Minnesota, au nord-est des Etats-Unis, au rythme de slogans tels que «Justice pour Amir Locke et pour toutes les vies volées» ou «Stop à la guerre contre les personnes noires».

Le 2 février à l’aube, cinq policiers pénètrent dans un appartement appartenant au cousin d’Amir Locke, qui y réside dans l’attente de son déménagement imminent à Dallas. Ils sont munis d’un no-knock warrant, ces mandats de perquisition décriés (a fortiori depuis la mort de Breonna Taylor à Louisville en 2020) qui permettent aux policiers d’entrer dans une propriété privée sans prévenir. Le nom d’Amir Locke ne figurait pas sur ce mandat, ont reconnu les autorités locales, sans préciser si son cousin était recherché.

Comme le révèlent les images des caméras fixées sur l’uniforme des agents, et rendues publiques le lendemain, les policiers pénètrent d’abord dans un couloir en criant à plusieurs reprises «Police ! Perquisition !» Alors qu’ils entrent dans le salon, un homme, qui était visiblement endormi, émerge de la couette dans laquelle il était enroulé, saisissant alors avec sa main droite un pistolet, pointé vers le sol. Un agent tire alors plusieurs fois dans sa direction, le blessant mortellement. La scène a duré à peine neuf secondes. La famille d’Amir Lock a affirmé qu’il détenait légalement un permis de port d’arme.

«Pourquoi mon fils n’a-t-il pas pu m’enterrer ?»

A la tribune, dimanche, le père d’Amir Locke a rendu un ultime hommage à son fils, une «lumière brillante». «Il ne méritait pas que sa vie lui soit enlevée de cette façon. Pourquoi mon fils n’a-t-il pas pu m’enterrer ?» a-t-il interrogé, la voix tremblante. Dans la rue, les protestataires ont réclamé le départ de la directrice par intérim de la police locale et celui de Mark Hanneman, le policier accusé d’être l’auteur des tirs mortels. Celui-ci avait déjà été visé par quatre plaintes depuis qu’il a rejoint les services de police en 2015, dont au moins une pour violence. Il n’avait jamais été sanctionné.

Dès vendredi, le maire démocrate de Minneapolis, Jacob Frey, a annoncé un moratoire sur l’exécution des no-knock warrants, destiné à «assurer la sécurité du public et des agents» et qui doit s’appliquer le temps que la ville révise ses politiques en matière de maintien de l’ordre. Une réforme en profondeur de la police locale avait déjà été envisagée l’année dernière, dans la foulée des manifestations monstres déclenchées par la mort de George Floyd, tué par un policier le 25 mai 2020. Mais les habitants de Minneapolis ont rejeté par référendum, début novembre, un projet aux contours flous qui proposait notamment de remplacer le Minneapolis Police Department par «un département de sécurité publique» chargé d’adopter «une approche globale de santé publique», fondée sur la prévention.

Une loi bloquée au Sénat

En 2020, la mairie de Minneapolis avait déjà annoncé une limitation des no-knock warrants aux «circonstances exceptionnelles». En théorie, les policiers doivent désormais annoncer leur présence et déclarer le motif de leur venue avant d’entrer dans une propriété, sauf si cela les met en danger. Dans les faits, pourtant, le nombre de mandats délivrés par la justice locale ne diminue pas. Pour Jeff Storms, l’avocat de la famille d’Amir Locke, «il est désormais clair que les no-knock warrants continuent d’être trop souvent demandés par le département de police de Minneapolis et trop souvent accordés».

Le président américain, Joe Biden, n’est pas épargné par les critiques des militants antiracistes. Dans un éditorial publié dimanche par le Philadelphia Inquirer, l’ancien sénateur du Delaware est décrit comme un «pivoteur en chef», accusé de sacrifier la réforme de la police et la question des discriminations raciales sur l’autel de la sécurité, à l’heure où les Etats-Unis s’inquiètent d’une augmentation des homicides depuis le début de la crise sanitaire.

Le projet de loi intitulé «George Floyd Justice in Policing Act», qui prévoyait d’interdire plusieurs techniques d’intervention et de lutter contre l’impunité, est toujours bloqué au Sénat du fait de l’opposition des Républicains. En visite la semaine dernière à New York, où il a rencontré le maire démocrate Eric Adams, lui-même ancien policier, Joe Biden s’est prononcé en faveur d’une augmentation des moyens accordés aux forces de l’ordre. A contre-courant du mouvement post-George Floyd Defund the police, qui appelle justement à retirer des financements à la police au bénéfice de programmes sociaux.

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