La demande d’aide alimentaire s’emballe à Bordeaux, sur fond d’interruption des aides hivernales. Dans un communiqué publié le 2 juin, des associations de maraude s’inquiètent de ne pas pouvoir faire face à l’affluence et rapportent des tensions entre les bénéficiaires. Elles menacent de se mettre à nouveau en « grève » et d’interrompre leur travail de terrain. 

« En 19 minutes j’ai distribué 89 repas, et dimanche, c’était 116 repas en une heure. » Le constat est révoltant pour Estelle Morizot, présidente de l’association la Maraude du Cœur Bordeaux. Depuis avril, treize associations ont décelé un accroissement massif des recours aux maraudes.

Pressés par le nombre, les bénévoles disent ne plus avoir le temps de discuter avec les bénéficiaires. La priorité est trop centrée sur l’urgence alimentaire pour pouvoir entretenir du lien social et humain avec les personnes présentes. L’objectif est désormais de ravitailler autant de monde que possible, malgré une demande écrasante et une offre réduite, engendrant des tensions, voire des bagarres entre bénéficiaires.

Tensions estivales

Si la situation est particulièrement tendue en cette période, c’est avant tout une question de saison. Dans un communiqué de presse, ces associations déplorent « 346 places d’hébergement d’urgence fermées par la préfecture de Gironde entre le 1er mars 2023 et le 30 mai » dernier et l’interruption des maraudes par Les camions du cœur et l’Ordre de Malte.

Contactée, la Préfecture de la Gironde confirme la suppression de ces places mais affirme avoir « triplé les nuitées hôtelières mobilisées depuis décembre 2022 par l’Etat ».

« Les ménages hébergés à l’hôtel bénéficient d’un suivi social resserré, destiné à accélérer leur insertion dans le logement et l’emploi, pour ceux d’entre eux qui y ont droit », précise la Préfecture.

Cependant, pour les associations, ces mesures d’aides sont proposées périodiquement, globalement d’octobre à avril. Passé l’hiver, leur suspension aggrave les tensions sur le reste des associations.

Suspendre les activités

Face à cette situation devenue difficile, les bénévoles des maraudes craignent de ne pas pouvoir tenir le rythme.

« Le 115, qui dépend de l’Etat et donc de la préfecture, se repose sur les maraudes. Ils ne fournissent pas de repas aux gens hébergés chez eux en chambre d’hôtel. C’est à nous de le faire », fulmine Estelle Morizot.

Reconnaissant que « la mise à l’abri hôtelière ne recouvre en effet pas de prestation alimentaire, ni en chambre, ni en collectif », la Préfecture précise que « le 115 rappelle systématiquement aux ménages hébergés en hôtel les dispositifs financés par l’Etat qui proposent ce type de prestation (accueils de jour, relais popotes du CCAS de Bordeaux, Banque alimentaire, Pain de l’Amitié, Restos du cœur…) ».

Les treize associations co-signataires du communiqué pourraient se résoudre à suspendre « toutes les activités de terrain et leur participation aux réunions et rencontres ». Ça avait déjà été le cas en octobre, aussi en raison d’une demande beaucoup trop forte comparée aux moyens alimentaires. Les conditions sont toutefois à préciser :

« On réfléchit à durcir le ton »

« Pour ne pas laisser les gens mourir de faim, on avait fait comme les soignants : on a assuré un service minimum. J’ai arrêté de mettre à disposition mon domicile pour les distributions de colis. Au lieu des repas divers qu’on propose d’habitude, on distribuait les invendus des boulangeries et ce que les bénévoles préparaient individuellement. »

Mais si l’expérience devait se renouveler, pour Estelle Mourizot il faudrait frapper un grand coup :

« On réfléchit à durcir le ton, surtout au mois d’août, quand beaucoup de structures seront fermées. »

Du côté des bénéficiaires, la réaction est bienveillante. Selon la présidente de la Maraude du Cœur, en octobre tous avaient compris la position des associations en « grève ». Beaucoup avaient même cherché à manifester leur soutien en appelant le 115 pour signaler l’urgence du manque de maraudes. A voir s’ils renouvelleront leur soutien cet été, si un nouvel épisode de mise à l’arrêt se déclenche.

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