La grippe de Hong-Kong 

La grippe de Hong-Kong qui démarre en réalité en  Chine a fait 1 million de victimes entre juillet 1968 et le printemps 1970. Elle doit son nom de baptême au fait qu’elle a été reconnue à Hong-Kong où sont morts ½ million de personnes soit 15% de la population. On retrouve la grippe dans l’hémisphère nord dès l’hiver 68/69 où elle est importée par les Marines de retour du Vietnam. H2N2 fait 50.000 victimes aux Etats-Unis. En octobre 69,  lors d’une conférence internationale convoquée à Atlanta, l’OMS estime que la pandémie est finie alors qu’elle se répand en Europe de l’Ouest et de l’est. En France, on compte 17.000 morts entre décembre 68 et janvier 69.

L’hypothèse immunitaire, pour expliquer que des régions soient  plus ou moins touchées, est corrélée à l’existence d’une immunité contre N2 que l’on retrouve déjà dans le virus de la grippe asiatique dix ans plus tôt.(1) Par ailleurs le vaccin contre le virus A(H2N2) celui de la précédente grippe réduisant de 54% la probabilité de contracter celle de Hong-Kong. En revanche, l’Institut Pasteur fit un grave loupé: alors qu’il isola dès septembre 68 la souche virale responsable, il fit l’impasse sue son introduction dans la composition du vaccin antigrippal réduisant d’autant son efficacité. C’est d’ailleurs à cette époque qu’une politique de vaccination en direction de la population âgés fut mise en place. La production de vaccins en France est alors passé de 200.000 doses annuelles en 1968 à 6 millions en 1972.  

Grand raté collectif

Selon l’épidémiologiste Antoine Flahaut, Hong-Kong est la première épidémie «  moderne », celle des « transports aériens rapides. » Ce même Antoine Flahaut publia en 2005 le résultat de ses recherches sur cette pandémie, il précisa notamment le nombre de victimes françaises : 31266 en deux mois. Il n’y eut pas de confinement, mot encore inconnu mais dans écoles fermées dans les régions les plus touchées, des perturbations dans les transports, 15% des cheminots sont malades, des commerces fermés. 20% des salariés de l’industrie sont touchés. Les conséquences économiques ne sont pas minces. Pourtant les médias de ‘époque, c’était avant la folie du Net et des réseaux sociaux, ne prennent pas l’affaire au sérieux, banalisant cette épidémie. Pour l’historien Patrice Bourdelais, cela s’explique par les évènements concomitants : la révolte de Mai 68, l’arrivée au pouvoir de Georges Pompidou, la Nouvelle Société de Chaban et à l’international, la famine au Biafra. L’historien y ajoute des raisons psychologiques et idéologiques : l’optimisme général dans le contexte des Trente Glorieuses, l’usage encore efficace des antibiotiques qui rassurent et une croyance totale au « progrès ». «Il y a une volonté d’oublier un grand raté collectif : les politiques, les médias, les médecins. Et un bilan catastrophique : 31 000 morts en deux mois. Personne n’est bien fier de tout cela», conclut Patrice Bourdelais.

Concernant la rapidité de propagation du virus, l’historien met déjà en cause «  la rapidité des transports aériens et le nombre de personnes transportées » Interrogé par RFI, il note qu’ “Une épidémie au fond suit les grandes voies d’échange et de communication (…) Et donc ces épidémies sortent toujours par Hong Kong (ou la Chine plus généralement, ndlr), qui est une place qui rayonne beaucoup. À partir de là, elles se dirigent classiquement vers le Japon, puis (ou en même temps) vers le sud-est asiatique : Vietnam, Singapour, Australie, Inde, Iran, puis les États-Unis, l’Europe, l’Afrique. La pandémisation se fait toujours de la même manière, à peu de choses près“.

                        Jean-François Meekel

1 :  Les coronavirus font partie de la famille des virus A auxquels on accole du H ou du N. H pour hémagglutinine et N pour neuraminidase, les particules de protéine virale de la grippe. Le chiffre1,2,3 qu’on leur accole signale que le H et le N sont différents du virus déjà connu. 

             Même  les experts en maladies infectieuses…

« Ironie de la science : au cours de ce même mois, le virus de la grippe de Hong-Kong décime les rangs d’un Congrès international qui réunit à Téhéran 1 036 spécialistes des maladies infectieuses tropicales. «C’était un gag», raconte le virologiste Claude Hannoun, pionnier du vaccin antigrippal français et futur directeur du centre de référence de la grippe à l’Institut Pasteur. «Le troisième jour, alors que j’étais cloué au lit, un confrère m’a dit qu’il y avait plus de monde dans les chambres  qu’en session. Près de la moitié des participants sont tombés malades sur place ou à leur retour chez eux.» Une enquête montrera qu’ils ont contribué à l’introduction du virus non seulement en Iran, mais dans huit pays de trois continents, du Sénégal au Koweït en passant par l’Angleterre et la Belgique. » (Extrait d’un article de Libération datant de 2005)

       Le Sud-ouest porte d’entrée de la deuxième vague

Le 30 novembre 1969, le journal Le Monde rapporte que la maladie sévit particulièrement en Dordogne. La distribution du courrier n’est plus assurée à Périgueux. Plus de la moitié des postiers gardent la chambre. 35% des professeurs, élèves et personnels administratifs du lycée de garçons est grippé. Le personnel de la Sécurité sociale est également atteint. “À Bergerac et à Ribérac, 50 % des effectifs des compagnies de gendarmes sont touchés” , rapporte le journal.

Un reportage diffusé à la télévision estime que toute l’Aquitaine est grippée, parlant de fermetures de l’école normale d’institutrices de Mont-de-Marsan, ou encore d’un lycée d’Arcachon particulièrement frappé par la maladie. 

Le journal Sud-Ouest daté du 10 décembre : “Du Sud-Ouest, où elle a – en principe – pris corps, et où elle serait en voie de régression, l’épidémie de grippe,  à la faveur de la vague de froid qui s’est abattue sur les trois quarts de la France, s’étend peu à peu à de nombreuses autres régions. Un peu partout , actuellement, des familles entières sont frappées, certaines administrations – P.T.T. et S.N.C.F. entre autre  ont perdu jusqu’à 30 % de leurs effectifs, et de nombreuses écoles ont dû fermer leurs portes. Le vaccin, qui n’est d’ailleurs efficace qu’au bout de trois semaines, est devenu souvent introuvable.”

Le journal détaille : “Dans le Lot-et-Garonne, la situation s’est aggravée. Les services de la Sécurité sociale sont décimés par l’épidémie. Dans le Tarn-et-Garonne, un quart de la population est au lit. À Rodez (Aveyron), une école, l’institution Saint-Joseph, a fermé ses portes. À Toulouse, le lycée agricole d’Auzeville n’est plus qu’un hôpital. La situation n’est pas meilleure au lycée de Foix, dans l’Ariège.”

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