C’est tout un pays qui suivra les obsèques de Desmond Tutu ce 1er janvier au Cap, dans la cathédrale Saint-Georges, son ancienne paroisse. Le quotidien sud-africain Daily Maverick revient sur le parcours d’un homme qui a lutté toute sa vie contre l’apartheid et a su mener son pays sur les chemins de la réconciliation.

Toujours sur la brèche, l’archevêque anglican émérite [à la retraite] Desmond Mpilo Tutu est mort dimanche [26 décembre]. Il avait survécu à une santé délicate, au cancer, à de fréquentes hospitalisations, et tout récemment, en octobre [2021], à de fausses rumeurs sur sa mort colportées par certains médias.

Dans les derniers temps, il avait affirmé que l’euthanasie nous permettrait de quitter la terre mère dans la dignité, ce qui avait été jugé par beaucoup comme contraire à la foi chrétienne, certains craignaient que des handicapés vulnérables ne soient dès lors tentés de mettre fin à leurs jours.

Un départ discret n’aurait guère été dans le style de Tutu, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1984 pour son rôle en tant que personnalité rassembleuse dans le combat non violent pour la libération en Afrique du Sud. L’évêque n’a eu de cesse de représenter ses concitoyens en tant que président de la Commission vérité et réconciliation en 1996. Grâce à ses dons d’orateur, il a dénoncé avec passion les exactions de l’État sud-africain.

Appels au pardon

Jusqu’au bout, il n’aura pas ménagé ses efforts. Lundi, il exhortait le monde à pardonner ; mardi, il aurait préféré aller en enfer que dans un paradis homophobe ; mercredi, il appelait au respect de l’État de droit ; et vendredi, il nous incitait à prendre en main la gestion de la terre.

Tout au long de sa vie, Tutu a donné de la voix pour protester. Et pour cette raison même, il a été en butte à des critiques acerbes. Ses appels réitérés au pardon et à la réconciliation laissent un goût amer à ceux qui l’ont qualifié de traître pour avoir invité à la clémence envers les bénéficiaires de l’apartheid, même si, plus tard, il souhaitait que l’on taxe les Blancs à titre de dédommagement tardif. Pour beaucoup, le fait qu’il ait plaidé auprès des victimes et de leurs familles pour qu’elles pardonnent aux auteurs des pires crimes contre l’humanité relevait de la mise en scène. Son insistance à proposer la candidature de Frederik de Klerk [de 1989 à 1994, il fut le dernier président d’Afrique du Sud avant la fin de l’apartheid, président du Parti national (NP)], pour qu’il partage le prix Nobel de la paix avec Nelson Mandela, ne lui a pas non plus valu que des amis – malgré ses regrets ultérieurs quand de Klerk a nié être au courant de l’existence d’escadrons de la mort.

Un guérisseur blessé

J’ai attendu presque un an pour obtenir une interview de Tutu, en 2008, après avoir lu The Open Road, le livre de Pico Iyer sur sa sainteté le 14e dalaï-lama, qui évoque la profonde amitié qui unissait ces deux célébrités spirituelles [Maureen Isaacson a consacré un essai à Desmond Tutu, The Wounded Healer, (“Le Guérisseur blessé”, non traduit en français), Zed Books, janvier 2014].

Tutu se considérait comme un guérisseur blessé, ce qui renvoie à la conception jungienne [Carl Gustav Jung est un médecin psychiatre suisse disciple de Freud] d’un processus de guérison rendu possible par la plongée dans les ténèbres de l’histoire personnelle, afin de refaire un tout avec ce qui a été brisé. La quête de réparation aura été un thème cher à Desmond Tutu tout au long de sa vie, son parcours spirituel étant inséparable de son combat pour la justice.

Je voulais comprendre son concept de guérison. Je ne tenais pas à aborder avec lui la question du pardon. Je voulais que Tutu me parle de sa foi. Le dalaï-lama avait déclaré que Tutu et lui avaient une même conception de la spiritualité ; seuls leurs créateurs étaient différents. Pourtant, Tutu m’a donné des réponses toutes

[…]Maureen Isaacson

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