Le Pakistan est confronté à une montée en puissance du mouvement islamiste, qui se sent conforté par la victoire de ses voisins afghans, pourtant soutenus par Islamabad.

Par Jacques Follorou

Des troupes de l’armée pakistanaise patrouillent le long de la clôture de la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, au sommet de la colline de Big Ben, dans le district de Khyber, au Pakistan, le 3 août 2021.
Des troupes de l’armée pakistanaise patrouillent le long de la clôture de la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, au sommet de la colline de Big Ben, dans le district de Khyber, au Pakistan, le 3 août 2021. ANJUM NAVEED / AP

Le Pakistan, allié historique des talibans afghans, doit gérer les conséquences inattendues de leur retour au pouvoir, à Kaboul, à l’été 2021. Islamabad, son armée et ses services secrets s’affairent, en effet, depuis l’automne pour éteindre un foyer de sédition alimenté sur ses propres terres par des islamistes très proches des nouveaux maîtres de l’Afghanistan. Les talibans pakistanais du TTP (Tehrik-e-Taliban Pakistan) avaient été affaiblis, depuis 2015, et chassés de leur fief des zones tribales, frontalières avec l’Afghanistan. Mais la victoire de leurs cousins afghans a fait renaître la flamme du combat contre le gouvernement pakistanais. Les troupes et les chefs du TTP qui avaient dû fuir, notamment en Afghanistan, sont revenus en force sous l’impulsion d’une nouvelle direction, portés par la réussite de « leurs frères talibans afghans ».

Une guerre secrète fait rage de part et d’autre de la frontière afghano-pakistanaise, où le très puissant service de renseignement militaire pakistanais ISI est suspecté de faire la chasse aux cadres du TTP. Un haut responsable du mouvement, Muhammad Khurasani, qui assumait les fonctions de porte-parole, a été tué, le 9 ou le 10 janvier, selon les sources, dans la province afghane du Nangarhar. Il aurait trouvé la mort à la suite d’une frappe de drone. Comme de nombreux commandants du TTP, il avait trouvé refuge, depuis 2014, en Afghanistan afin d’échapper aux services pakistanais.

Opérations ciblés

Un autre dirigeant du TTP, le maulvi Faqir Mohammad avait été la cible, le 16 décembre 2021, d’une attaque contre sa résidence dans le village de Chawgam, dans la province de la Kunar, dans le nord-est de l’Afghanistan, frontalière avec le Pakistan. L’intéressé n’était pas présent au moment de l’attaque par drone, d’après les éléments fournis par le TTP. M. Mohammad avait été arrêté par le précédent régime afghan et avait passé plusieurs années dans la prison de Bagram, près de Kaboul. Il avait été libéré cet été après la prise de contrôle du pays par les talibans afghans.

Ces opérations ciblées contre les chefs du TTP ainsi que contre des caches du mouvement islamiste au Pakistan, notamment à Quetta, capitale de la province pakistanaise du Baloutchistan, marquent une rupture dans la stratégie d’Islamabad qui avait, dans un premier temps, privilégié le dialogue. Le 9 novembre 2021, le gouvernement pakistanais avait signé un accord de cessez-le-feu d’un mois qui incluait la libération d’une centaine de militants du mouvement taliban pakistanais. Signe de la détente, fin octobre, des photos du chef du TTP, Noor Wali Mehsud, étaient publiées le montrant en Afghanistan, saluant une foule devant laquelle il venait de s’exprimer en public. Des pourparlers de paix encouragés et soutenus par le régime des talibans afghans.

Mêmes ethnie et région d’origine

Mais le 9 décembre, estimant que le gouvernement pakistanais « continuait à tuer [ses] combattants », le TTP a annoncé qu’il refusait de renouveler le cessez-le-feu, prenant ainsi par surprise Islamabad qui s’attendait à ce qu’il prolonge la trêve. Dans un communiqué, le TTP accusait également le gouvernement d’avoir violé les termes de l’accord en ne libérant pas certains de ses militants. « Maintenant, le public pakistanais doit décider qui ne respecte pas l’accord, le Tehrik-e-Taliban ou l’armée pakistanaise », écrivait-il.

Depuis lors, les affrontements se sont multipliés entre l’armée et le TTP. Le 31 décembre, quatre soldats pakistanais sont morts lors d’une fusillade intervenue lors d’une perquisition à Mir Ali, dans le Nord-Waziristan. Le TTP affirmait, lui, avoir tué sept membres de forces de sécurité sans compter aucune victime dans ses rangs. Selon l’armée, deux membres du TTP étaient en revanche abattus dans un district voisin durant une seconde opération.

Les talibans, afghans comme pakistanais, sont issus de la même ethnie pachtoune et de la même région, à cheval sur la frontière. Le TTP a été créé, en décembre 2007, en réaction à l’assaut des forces de sécurité du Pakistan contre la Mosquée rouge, un fief islamiste au cœur d’Islamabad, à la suite duquel les talibans pakistanais ont proclamé le djihad contre l’armée. Alors que les attaques se multipliaient, un jeune commandant originaire du Sud-Waziristan, Baitullah Mehsud, rassemblait sous le drapeau du TTP une trentaine de groupes armés actifs dans les zones tribales.

Après avoir longtemps tergiversé entre répression et dialogue, Islamabad a décidé, en 2015, de lutter contre le TTP et de prendre le contrôle des zones tribales. Le 16 décembre 2014, à Peshawar, chef-lieu de cette région, 153 personnes avaient été massacrées par les talibans dans une école accueillant des enfants de militaires.

Jacques Follorou

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