Ce lundi matin, la militante originaire de la bande de Gaza a été interpellée et assignée à résidence sur décision du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin. Elle venait d’entamer une tournée en France prévue de longue date.

Pierre Isnard-Dupuy (Marsactu)

16 octobre 2023 à 19h45

Juste avant de poursuivre sa tournée en France prévue de longue date, la militante et intellectuelle palestinienne Mariam Abou Daqqa a été interpellée à la gare Saint-Charles tôt lundi 16 octobre et assignée à résidence dans un hôtel à Marseille. Désormais promise à l’expulsion du pays, elle était présente dans le département depuis plusieurs jours, déclenchant au passage la polémique avec des demandes d’interdiction formulées par le Rassemblement national.

Jeudi, elle a pris part à une manifestation organisée par la CGT 13, mais interdite par la préfecture. Vendredi, elle participait à une réunion publique à Martigues, coorganisée par le syndicat et le collectif d’associations Palestine en résistance. Puis le samedi 14 octobre, elle est intervenue dans une salle paroissiale marseillaise, lors d’un colloque consacré aux 30 ans des accords de paix d’Oslo entre Israéliens et Palestiniens, en compagnie de chercheurs et d’avocats. Un évènement organisé également par Palestine en résistance.

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Mariam Abou Daqqa, 72 ans, au commissariat de Noailles à Marseille le 16 octobre 2023. © Photo Christophe Simon / AFP

Gérald Darmanin dénonce ses engagements

Pour venir en France, la militante palestinienne de 72 ans bénéficiait d’un visa valable jusqu’au 24 novembre. C’est un arrêté ministériel signé du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, que Marsactu a consulté, qui a conduit à son arrestation. Le document justifie que la Palestinienne « est cadre du “Front populaire de libération de la Palestine” (FPLP) ; que cette organisation est inscrite sur la liste de l’Union européenne des entités faisant l’objet de mesures restrictives spécifiques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; que le thème de ses conférences porte sur “Colonisation et apartheid israélien” ».

Le ministère de l’intérieur reproche également à Mariam Abou Daqqa d’avoir été « présente à une conférence “Occupation, oppression, blocus ! Résister à Gaza” », à Saint-Étienne le 7 octobre, le jour même de l’attaque sans précédent du Hamas sur le sud d’Israël, qui s’est soldé par la mort et l’enlèvement de très nombreux civils. « Lors de sa prise de parole, elle a notamment demandé de la solidarité pour Gaza, estimant que le sujet n’était pas suffisamment abordé et demandant à ce qu’il le soit davantage afin de mettre la pression sur le gouvernement français et sur l’Europe », poursuit le texte.

Il retient encore les appels de la militante à la libération de Georges Ibrahim Abdallah, un Libanais condamné à la prison à perpétuité en France depuis 1984, pour complicité dans l’assassinat de diplomates israéliens et américains à Paris. Il est néanmoins libérable sous conditions depuis 1999, conformément à deux décisions judiciaires, comme l’a rappelé la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en juillet 2023.

L’arrêté égraine des décisions préfectorales précédentes d’interdictions des conférences de Mariam Abou Daqqa prises entre autres par les préfectures de Moselle et du Bas-Rhin. La veille de l’attaque du Hamas, l’université de Lyon II a déprogrammé une intervention de la militante sur pression de la préfecture du Rhône.

Lundi 9 octobre, la Palestinienne devait se rendre à l’Assemblée nationale, invitée par La France Insoumise. La présidente Renaissance de l’Assemblée nationale a fait interdire l’entrée de la militante au sein de son institution. « Donner la parole à une personne membre d’une organisation terroriste à l’Assemblée nationale donnerait une tribune à la violence, à la haine et porterait une atteinte grave à nos principes démocratiques, plus encore eu égard à la situation actuelle au Proche-Orient », justifiait Yaël Braun-Pivet dans un communiqué.

« Le discours que nous portons est pour la paix », assure un soutien

Habitant de la bande de Gaza, Mariam Abou Daqqa est également connue pour son engagement comme militante féministe, en tant que présidente de l’associationPalestinian Development Woman Studies, soutenue par l’ONG Oxfam.

Pour les soutiens de la Gazaouie, la décision de Gérald Darmanin résonne comme une grave atteinte aux libertés publiques, dans un contexte où le ministre a fait interdire les manifestations de soutien au peuple palestinien depuis le jeudi 12 octobre. Ils dénoncent une répression destinée à invisibiliser la parole palestinienne.

« L’arrêté contre Mariam Abou Daqqa est complètement hallucinant. Il évoque des risques de heurts entre communautés, alors que le discours que nous portons est pour la paix. Je suis moi-même porte-parole de l’Union juive française pour la paix (UJFP) », réagit auprès de notre partenaire Marsactu, Pierre Stambul. Celui-ci avait prévu de prendre le train avec Mariam Abou Daqqa et l’assiste depuis son arrestation. « On est dans un régime complètement illibéral. On se moque de la Hongrie et de la Turquie, mais ici c’est pareil », ne décolère-t-il pas.

Menacée d’expulsion, la militante doit désormais pointer au commissariat de Noailles une fois par jour et est interdite de sortie de son hôtel entre 22 heures et 7 heures. Une manifestation de soutien était organisée ce midi pour protester contre son expulsion prochaine. Contactées, la préfecture comme la préfecture de police des Bouches-du-Rhône n’ont pas développé les modalités de l’expulsion, dans le temps imparti à la publication de cet article.

Pierre Isnard-Dupuy (Marsactu)

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