Le Canada souhaite accueillir plus de 400 000 immigrants par an d’ici à 2023

Cet objectif, motivé par le manque de main-d’œuvre, constituerait un record pour ce pays à la longue tradition d’accueil. Mais il sera difficile à atteindre dans le contexte sanitaire actuel.

Par Hélène Jouan Publié le 13 novembre 2020 à 05h16 – Mis à jour le 13 novembre 2020 à 08h05

Des migrants se préparent à traverser illégalement la frontière canado-américaine, près de Hemmingford, au Québec (Canada), le 20 août 2017. Des migrants se préparent à traverser illégalement la frontière canado-américaine, près de Hemmingford, au Québec (Canada), le 20 août 2017. GEOFF ROBINS / AFP

Un million deux cent mille nouveaux arrivants au Canada d’ici 2023 : c’est l’objectif que le gouvernement libéral de Justin Trudeau s’est fixé dans son nouveau plan triennal en matière d’immigration. Un objectif ambitieux qui, s’il devait être atteint, constituerait un record historique pour ce pays qui a pourtant déjà derrière lui une longue tradition d’accueil. Il faut remonter à 1913 pour que le seuil des 401 000 immigrants soit franchi, le gouvernement s’engage à faire autant dès 2021, jusqu’à atteindre 421 000 nouveaux résidents permanents en 2023, dont la grande majorité, 60 % relèveront de l’immigration économique.

Car lors de la présentation de ce plan le 30 octobre, Marco Mendicino, le ministre de l’immigration, des réfugiés et de la citoyenneté, n’en a pas fait mystère : le but de cet appel d’air est bien de relancer l’économie et de combler le manque de main-d’œuvre dans les secteurs qui en ont le plus besoin comme la santé, les technologies de l’information ou encore l’agriculture.

Dans ce pays où près d’un habitant sur cinq a plus de 65 ans, où le taux de natalité est l’un des plus faibles des pays occidentaux (1,47 enfant par femme), la pénurie de travailleurs est un mal endémique que la pandémie est venue aggraver. « Le plan d’aujourd’hui nous aide à compenser les perturbations causées par le Covid-19 », a reconnu le ministre. La mise à l’arrêt de l’économie au printemps fait anticiper un recul du PIB de 5,7 % sur l’année par la Banque nationale du Canada et une explosion du chômage à près de 9 % en octobre (contre 5,5 % un an auparavant).

Près d’un habitant sur cinq a plus de 65 ans, et le taux de natalité est l’un des plus faibles des pays occidentaux (1,47 enfant par femme)

Lors de son discours du Trône en septembre, le premier ministre Justin Trudeau s’est dit convaincu que l’immigration permettrait au Canada de « maintenir sa compétitivité » sur la scène internationale. « Alors que d’autres pays ferment leurs portes aux talents mondiaux susceptibles d’aider leur économie, le Canada a la possibilité, dans le cadre de sa relance, de devenir la première destination mondiale pour les talents, les capitaux et les emplois », a-t-il affirmé.

Le hic, c’est que cette annonce intervient justement en pleine pandémie. Celle-ci a entraîné depuis mars la suspension de la plupart des vols internationaux et la fermeture de la frontière avec les Etats-Unis pour tous les travailleurs non essentiels, provoquant de facto une chute importante de l’immigration. Le Canada espérait accueillir 341 000 nouveaux immigrants en 2020. Mais dans un récent rapport intitulé « Immigration, le rêve canadien repoussé », la Banque royale estimait que seules 128 425 personnes étaient bien arrivées sur son sol fin août.

Les délais de réponse s’allongent de façon interminable

Le Covid-19 a par ailleurs enrayé la capacité du gouvernement fédéral à traiter les demandes en cours, le service immigration Canada ayant quasiment stoppé le travail pendant les longs mois de confinement au printemps. Roxane, trentenaire travaillant dans le tourisme, a créé à Montréal un groupe Facebook pour relayer les inquiétudes des demandeurs du statut de résident permanent, qui voient au Québec les délais de réponse s’allonger de façon interminable. En attente depuis décembre 2018 du sésame qui lui permettrait de régulariser son statut de travailleur temporaire, elle s’indigne du double discours canadien. « Venez au Canada, venez au Québec, nous disent-ils, mais une fois que nous sommes sur place, les frais pour des papiers en bonne et due forme sont importants (2 000 dollars canadiens, environ 1 290 euros) et cela reste très compliqué de les obtenir », explique-t-elle.

Les candidats à l’installation, des architectes, des spécialistes en intelligence artificielle ou des infirmières font face à un véritable maelström administratif. Quelques milliers d’entre eux, sans aucune nouvelle de leur demande de papiers, se retrouvent dans le statut peu enviable de « résident implicite »,sans assurance-maladie ni possibilité de passer les frontières et avec l’impératif de devoir réclamer à leur employeur un nouveau visa temporaire de travail. Ce sont des vies entières laissées en suspens, le temps que la machine administrative canadienne résorbe les quelque 240 000 dossiers en attente.

Les autorités du pays ont lancé plusieurs initiatives censées relancer le processus d’immigration : assouplissement des programmes de parrainage pour les regroupements familiaux, amélioration du traitement des demandes de résidence permanente pour ceux qui sont déjà installés dans le pays, points supplémentaires accordés aux francophones hors Québec ou encore facilitation des demandes pour « les demandeurs d’asile qui ont travaillé en première ligne pour lutter contre la pandémie entre le 13 mars et le 14 août » dans le secteur de la santé. Mais seule la réouverture des frontières permettrait à des candidats à l’immigration d’accomplir leur rêve canadien. Au gouvernement de Justin Trudeau de remporter son pari.

Hélène Jouan(Montréal, correspondance)

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