Son épave dort par 47 mètres de fond… Récit embarqué de la pire catastrophe civile maritime française – et la plus oubliée, survenue pourtant à quelques milles des côtes vendéennes, le 12 janvier 1920.
La Méduse, le Joola, le Titanic, le Costa Concordia, des années après avoir occupé le devant de la scène, ces noms continuent de hanter les esprits. C’est que le naufrage fascine, avant d’effrayer. Comme une mise en scène spectaculaire de la lutte entre l’homme et la nature, porté par le récit de ses rescapés, il interroge, dans l’ombre des disparus, notre rapport à la fatalité. Au panthéon de ces drames figure une tombe sans nom, un naufrage oublié ou presque, sans mémoire collective. On est à Bordeaux en 1920, et on embarque à bord du paquebot Afrique parmi quelques 600 autres passagers, pour la pire catastrophe civile de la marine française.
Premier épisode : Dans les eaux sombres
À bord de ce navire mixte, à destination de Dakar et des ports des colonies ouest-africaines, c’est une France coloniale en miniature qui embarque : équipage, colons, missionnaires, commerçants, militaires partis faire fortune ou trouver un nouvel eldorado, ainsi que près de deux-cents tirailleurs sénégalais, qui tout simplement rentraient chez eux, deux ans après la guerre. Dès le début du périple, sous un temps menaçant, le navire va d’avarie en avarie et finit par dériver dans l’obscurité de la nuit jusqu’au funeste plateau de Rochebonne… Trois jours après son départ, seuls 34 rescapés parviennent à rejoindre les côtes. Mais que s’est-il donc passé ?
Archive INA: En 1957, des combattants des colonies témoignent lors du centenaire de leur mobilisation pour la métropole.
2 min
À 3h du matin, l’Afrique était encore à flot. Et à 3h15 il avait disparu_._ Roland Mornet
Intervenants
- Alain Adenier, petit-fils de Louis Adenier, victime du naufrage
- Luc Corlouër, conférencier, et descendant de Jacques Corlouër, rescapé du naufrage, auteur du roman Le Bosco de Kerpalud (2015, éditions Ramsay)
- Hervé Marsaud, plongeur
- Roland Mornet, capitaine au long cours à la retraite, auteur de La Tragédie du paquebot Afrique (2006, La Geste éditions)
Le bateau doit tourner. Les premières et les secondes classes sont toutes utilisées et les passagers s’étonnent qu’il n’y ait personne dans les troisièmes classes. Ils vont vite avoir une explication puisqu’ils voient sur le quai environ deux cents tirailleurs sénégalais qui arrivent pour embarquer. Des tirailleurs sénégalais qu’on avait oubliés. Luc Corlouër
Remerciements
À Nicolas Michel, Anne-Marie Cattelain-Le Dû, Julien Fargettas, Julie d’Andurain, Marc Michel, Virginie Enriquez pour les Archives de Bordeaux Métropole, Romain de Becdelièvre, Thierry Beauchamp, aux plongeurs du bar Le Flash aux Sables d’Olonne.
Beauchamp, aux plongeurs du bar Le Flash aux Sables d’Olonne.
Un documentaire de Clémence Mary réalisé par François Teste. Archives INA, Véronique de Saint Pastou et Isabelle Fort Rendu. Avec la collaboration d’Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France.
Bibliographie
- Le Bosco de Kerpalud (2015, éditions Ramsay) de Luc Corlouër, conférencier, et descendant de Jacques Corlouër, rescapé du naufrage
- La Tragédie du paquebot Afrique (2006, La Geste éditions) de Roland Mornet, capitaine au long cours à la retraite
Pour aller plus loin
- Visite du paquebot Afrique dans la Dépêche coloniale illustrée (31.08.1908, bi-mensuel, n° 16 d’août-septembre)
- Rapport de mer du commandant en second de L’Afrique, Eugène Corée, rescapé du naufrage, en ligne sur le site de François Del Boca, consacré au port de La Rochelle-Palice.
- Le paquebot Afrique coule au large de la Gironde. Article à la une du Petit Journal du 13 janvier 1920.
- Le naufrage de l’Afrique : la Chambre a absout la Compagnie de “Marche ou crève”. Article de L’Humanité (20 septembre 1920).
- Débat à la Chambre des députés du 19 mars 1920 sur les conditions du naufrage de l’Afrique paru dans le Journal officiel
- Bande-annonce, sur YouTube, du documentaire de Daniel Duhand, Mémoires de l’Afrique :
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Extrait du poème Naufrage du paquebot Afrique (03.02.1925) de Paul-Emile Pajot :
“Rochebonne ! Hécatombe ! Caveau de nos marins.
Rochers épouvantables, effroi du genre humain,
Combien de malheureux en franchissant tes crêtes
Disparurent à jamais, vaincus par les tempêtes !
On croirait dans la nuit, quand on le voit briser,
Que des nuées de démons semblent vouloir hurler,
A la mort toute proche, quand passent les navires,
C’est la voix d’Orcanie ! La gueuse qui délire ! “…
Demain, le second épisode La mémoire retrouvée
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L’équipe
- François TesteRéalisation
Christine BernardCoordination- Clémence MaryProduction déléguée
- Sylvia Favre-SteyaertCollaboration
