Cinq ans après la publication des Panama Papers, une nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) révèle que l’évasion fiscale n’a rien perdu de son attrait chez les dirigeants politiques, les milliardaires et autres personnalités fortunées.

Des “Panama Papers sous stéroïdes”. C’est ainsi que l’ICIJ qualifie sa nouvelle enquête, basée sur la fuite de plus de 11,9 millions de documents provenant de 14 cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore, décortiqués pendant deux dans par un réseau de plus de 600 journalistes dans 117 pays.

Photomontage de plusieurs personnalités politiques citées dans les Pandora Papers, une vaste enquête journalistique mondiale sur l’évasion fiscale.  Idriss Bigou-Gilles / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Une enquête baptisée Pandora Papers, en référence à la fameuse boîte de Pandore, dont l’ouverture malencontreuse avait laissé s’échapper tous les maux de la Terre. “Une nouvelle ‘boîte’ vient de s’ouvrir”, avertit Le Soir. “Et risque de provoquer quelques remous.”

Le quotidien belge précise que l’enquête a permis d’épingler 35 chefs d’État – dont 14 en poste – et 130 milliardaires. Mais il souligne aussi que la plupart des personnes concernées “sont de parfaits inconnus”, illustrant l’ampleur du phénomène et la facilité avec laquelle les personnes fortunées peuvent accéder à des comptes offshore.

En Belgique, les profils sont “variés” et il y en a “pour tous les goûts”, note le quotidien, “du pharmacien à la retraite dont l’épouse vend des lunettes au dealer de hasch dont le casier judiciaire est déjà bien garni. Jusqu’au couple à la tête de salons de coiffure sur la côte, et à l’huissier de justice déjà condamné pour escroquerie. Sans oublier ce jeune millionnaire ayant fait fortune grâce aux bitcoins. Tous se sont laissé séduire par une société offshore.”

Régulation inefficace

Pour Le Temps, “ce nouveau dossier de l’ICIJ montre que, malgré le scandale provoqué par la publication des Panama Papers, la régulation du système de sociétés offshore reste inefficace”.

Les médias impliqués dans l’enquête publieront leurs révélations par vagues, dans les prochains jours, mais ont commencé dès dimanche par les dirigeants politiques, dont certains “se sont illustrés par des discours contre l’évasion fiscale”, relève le quotidien suisse.

C’est le cas du Premier ministre tchèque, Andrej Babis, qui a placé 22 millions de dollars dans des sociétés écrans pour acheter un château dans le sud de la France. Ou du président kényan, Uhuru Kenyatta, qui se présentait comme le champion de la transparence et de la lutte contre la corruption.

Selon les Pandora Papers, M. Kenyatta et six membres de sa famille “sont liés à treize sociétés offshore”, dont l’une abrite “30 millions de dollars d’actifs financiers”, selon la BBC. Le président kényan “avait promis de travailler avec le Parlement pour créer une loi qui obligerait les responsables publics à déclarer leur patrimoine, mais les députés n’ont toujours pas voté le texte”, précise le média britannique.

Vide juridique

Les Pandora Papers détaillent également les juteux investissements du roi Abdallah II de Jordanie, qui a créé un réseau d’une trentaine de sociétés offshore “pour acquérir un empire immobilier de 100 millions de dollars à Malibu [Californie], Washington et Londres”, écrit Al-Jazeera.

“Les avocats du roi ont déclaré que toutes les propriétés avaient été achetées avec son argent personnel, et que c’était une pratique courante pour les personnalités de premier plan d’acquérir des propriétés via des sociétés offshore, pour des raisons de confidentialité et de sécurité”, précise la chaîne qatarie.

De fait, “les personnes citées dans les Pandora Papers ne sont pas forcément dans l’illégalité”, souligne The Guardian. L’enquête révèle ainsi que l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair et son épouse Cherie sont devenus propriétaires d’un immeuble à Londres en rachetant les parts d’une société offshore dans les îles Vierges britanniques – économisant au passage 400 000 dollars de taxe foncière.

“L’opération n’est pas illégale, et il n’est pas prouvé que les Blair aient délibérément cherché à éviter de payer la taxe foncière, mais le montage financier met en évidence le vide juridique qui permet aux riches propriétaires d’échapper à une taxe dont s’acquittent les Britanniques ordinaires”, dénonce le quotidien britannique.

Nouveaux paradis fiscaux

Parmi les autres personnes de premier plan citées dans les Pandora Papers figurent notamment les présidents chilien Sebastián Piñera, équatorien Guillermo Lasso et azerbaïdjanais Ilham Aliev, l’ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, la chanteuse Shakira ou l’entraîneur de football Pep Guardiola.

L’enquête révèle aussi la nouvelle et surprenante carte des paradis fiscaux. Si plus des deux tiers des 29 000 comptes examinés dans les Pandora Papers restent domiciliés dans les îles Vierges, de nouveaux venus sont apparus dans le paysage, révèle le Washington Post.

Aux États-Unis, par exemple, l’État du Dakota du Sud “rivalise désormais avec les pays notoirement opaques d’Europe ou des Caraïbes en matière de secret financier”, remarque le quotidien américain. “Des dizaines de millions de dollars en provenance de l’étranger sont désormais déposées dans des sociétés écrans à Sioux Falls, dont certaines sont liées à des personnes et des entreprises accusées de violations des droits humains et autres malversations”.

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