En déplacement pour deux jours à Dubaï, le chef de l’État compte parmi sa délégation officielle les PDG de grands groupes aux activités néfastes pour le climat, comme le pollueur plastique Danone ou la banque JPMorgan, championne mondiale du financement des énergies fossiles.

Mickaël Correia

30 novembre 2023 à 20h23

Ce soir du 30 novembre, le président de la République décolle de Paris pour se rendre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, à l’occasion de 28e Conférence internationale pour le climat (COP28).

Selon le service presse de l’Élysée, le chef de l’État « réaffirmera l’engagement de la France » pour « tenir les objectifs de l’accord de Paris ». Durant les échanges prévus lors de cette COP28, l’exécutif défendra bec et ongles « la décarbonation de nos économies » et « la sortie progressive des énergies fossiles ».

Dans l’éditorial du dossier de presse gouvernemental spécialement concocté pour l’occasion, Emmanuel Macron l’assure avec solennité : « Pour notre planète, pour nous-mêmes, nous devons absolument retrouver une trajectoire compatible avec la limite des +1,5 °C. La France entend porter ce message simple de sursaut. »

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Emmanuel Macron le 21 mars 2019 à Bruxelles. © Photo Union Européenne / Hans Lucas via AFP

Toutefois, la délégation officielle accompagnant le président aux Émirats arabes unis comporte un surprenant aréopage de PDG de grands groupes industriels français, plus réputés pour leurs activités toxiques pour le climat que pour leurs engagements écologiques.

Accompagné de Catherine Colonna, ministre des affaires étrangères ou encore d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, le chef de l’État déambulera dans les couloirs de la COP28 avec notamment Antoine Bernard de Saint-Affrique, directeur général du groupe Danone.

Une étonnante compagnie quand on sait que le géant de l’agroalimentaire figure parmi les dix plus gros pollueurs plastique au monde, derrière Coca-Cola ou Nestlé. Et que le plastique est désormais la source de gaz à effet de serre industrielle qui connaît la croissance la plus rapide au monde.

Durant l’année 2019, la production et l’incinération du plastique ont rejeté presque autant de CO2 que l’Allemagne. Si le plastique se développe comme prévu actuellement, d’ici à 2030, ses émissions pourraient atteindre l’équivalent de celles d’environ 300 centrales à charbon.

Le banquier du charbon

En janvier dernier, devant le tribunal judiciaire de Paris, Danone a même été assigné en justice pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance, qui oblige depuis 2017 les grands groupes à établir un plan de prévention des risques engendrés par leurs activités, pour ne pas avoir de trajectoire de sortie du plastique.

Les ONG à l’origine de cette procédure, Surfrider Foundation Europe, Zero Waste France et ClientEarth, demandent à Danone de « déplastifier » ses activités pour ne pas saper le climat, car entre 2020 et 2021, Danone, en dépit de l’urgence climatique, a augmenté de 5 % son utilisation de plastique.

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Au sein de la délégation officielle a également été invitée Estelle Brachlianoff, directrice générale de Veolia. La multinationale qui opère dans la gestion de l’eau et des déchets est, selon une étude d’Oxfam France, la douzième entreprise la plus émettrice de gaz à effet de serre en France – nous alignant théoriquement sur une trajectoire de réchauffement comprise entre 2,5 et 3 °C. En 2023, Veolia a également été considérée comme une des vingt pires entreprises hexagonales en matière de vigilance climatique.

Autre membre inattendu pour un sommet climat, Kyril Courboin, patron de la banque américaine JPMorgan Chase en France. Alors qu’Emmanuel Macron militera à Dubaï pour une sortie rapide du charbon, sa délégation comportera le représentant français du champion mondial du financement des énergies fossiles. Depuis la signature de l’accord de Paris sur le climat, la première banque climaticide de la planète a accordé aux industries du charbon, du pétrole et du gaz plus de 434 milliards de dollars. À titre d’illustration, depuis 2016, JPMorgan Chase a financé à hauteur de près de 2,2 milliards de dollars l’extraction minière de charbon.

Des champions du gaz fossile

D’autres industriels pourvoyeurs d’énergies fossiles sont aussi dans la délégation présidentielle, à l’instar de Jean-Pierre Clamadieu, président d’Engie. En mai 2022, le groupe énergétique français a conclu un accord d’approvisionnement sur 15 ans pour du gaz naturel liquéfié (GNL) auprès de la société américaine NextDecade, à partir de 2026. Deux mois auparavant, Engie avait déjà étendu un contrat avec une autre entreprise américaine, Cheniere Energy, pour lui acheter un volume plus important de GNL que prévu et pour plus longtemps.

Problème : le GNL américain est à près de 80 % issu de gaz de schiste, dont l’extraction est désastreuse pour les écosystèmes et interdite en France depuis 2011. Pis, le GNL s’avère extrêmement néfaste pour le climat car sa production émet des volumes importants de méthane, un gaz à effet de serre qui a un potentiel de réchauffement 84 fois plus important que le CO2 sur une période de vingt ans.

En juin 2022, dans son rapport annuel, le Haut Conseil pour le climat avait alerté : alors que le rythme annuel de réduction des émissions de l’Hexagone doit doubler sur la période 2022-2030, « le gaz importé sous forme de GNL pourrait générer […] une augmentation de l’empreinte carbone de la France ».

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Enfin, Emmanuel Macron aura comme compagnon de négociation Luc Rémont, le patron d’EDF, groupe qui participe à plusieurs projets de centrales à charbon hyperpolluantes ou de centrales au gaz à travers le globe, notamment aux Émirats arabes unis. Ou encore Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA-CGM, premier armateur français et géant mondial du transport maritime, un secteur qui émet davantage que l’aérien. CMA-CGM fait actuellement propulser une trentaine de ses navires monstres au GNL et a signé en 2019 un accord sur 10 ans avec TotalEnergies portant sur la fourniture de GNL de ses futurs porte-conteneurs.

Ce mélange des genres, où négociations climatiques et business as usual se retrouvent toujours, s’inscrit dans la droite ligne des relations diplomatiques entretenues avec les Émirats arabes unis.

En juillet 2022, Emmanuel Macron recevait au château de Versailles le cheikh de cette pétromonarchie pour conclure un accord entre TotalEnergies et l’Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc), la compagnie pétrolière nationale émiratie, afin d’approvisionner la France en pétrole. Autour de la table, pour signer le contrat, étaient présents aux côtés des deux chefs d’État Patrick Pouyanné, PDG du pétrolier français, ainsi que Sultan Al-Jaber, patron d’Adnoc, et désormais président de la COP28 à Dubaï.

Mickaël Correia

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