Écrit par Christophe Zirnhelt

Marie Bartête, matricule 107
Marie Bartête, matricule 107 • © Franck Sénateur, Christiane Katia Ferré

Marie Bartête est née le 25 février 1863 près de Pau. Abandonnée par sa  mère, elle est très vite entraînée dans une délinquance nécessaire à sa subsistance. Laissée pour compte, elle n’a plus la conscience du bien et du mal. Le bagne l’attend. 

C’est à Momein, près de la ville de Pau dans les Pyrénées-Atlantique que naît le 25 Février 1863 Marie Bartête. 
La vie ne commence pas bien pour cette enfant que sa mère ne souhaite pas garder après sa naissance. Entre sa fille et un homme qu’elle souhaite rejoindre en Nouvelle-Calédonie, son choix est fait, il est radical. 

Marie fut l’une des trois dernières femmes bagnardes de Guyane.  Elle a passé 50 ans de sa vie dans ce lieu aujourd’hui encore hanté d’histoires terrifiantes. 

Marie Bartête, “une délinquante d’habitude” 

Marie est très vite entraînée dans une délinquance toute nécessaire à sa subsistance. Complètement désocialisée, cette laissée pour compte, n’a plus la conscience du bien et du mal. Privée de vie affective, de pain quotidien, elle développe le versant instinctif de survie par des comportements répétitifs de vols et d’escroqueries. Ces récidives l’entraînent, petit à petit, vers une plus grande délinquance.

Entre 1887 et 1888, Marie, « délinquante d’habitude », purgera plusieurs mois de prison toujours pour les mêmes larcins. Le cumul des méfaits la voit bientôt condamnée à une lourde peine et vient nourrir ce principe de la « récidive » en appliquant la loi du 27 Mai 1885, sur la « Relégation des Récidivistes ».
Ses trois condamnations (1883 – 1884 – 1885) punissent ainsi Marie de cette loi cruelle.
 

Ile Saint-Joseph, "camp de la réclusion". Charpente métallique importée de métropole en 1896
Ile Saint-Joseph, “camp de la réclusion”. Charpente métallique importée de métropole en 1896 • © Christiane Katia Ferré – 2003

Une Loi terrible 

Pour les adeptes de la « contrition », seule la repentance, le labeur et l’éloignement peuvent laver ces âmes perdues. Alors on punit tout à la fois, la voleuse, la vagabonde, la prostituée, l’infanticide, la meurtrière, l’insurgée.

La relégation consistera dans « l’internement perpétuel » sur le territoire des colonies ou possessions françaises. Elle a pour objectif d’exiler définitivement en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, les multirécidivistes, ceux qui ont accumulé de petits délits (condamnations à plus de trois mois d’emprisonnement pour vol, escroquerie, vagabondage ou mendicité).
Il s’agit d’hommes et de femmes de plus de vingt-et-un ans et de moins de soixante ans qui sont envoyés au bagne à l’issue de leur peine de prison en métropole.

Toutes doivent partir pour l’impérieux besoin d’exiler l’indigent, de coloniser et de féconder la Guyane mystérieuse.

 Une loi supprimée en 1907 

La relégation des femmes, qui – pour la plupart, mouraient dans les cinq ans suivant leur arrivée au bagne – fut supprimée en 1907. Le Second Empire a envoyé des femmes au bagne de Guyane : on ne savait pas encore que c’était vers une mort certaine. La Troisième République a continué, après la fermeture de Cayenne aux européens dès 1869, alors que l’on connaissait l’insalubrité et l’effrayante mortalité, de continuer à envoyer des femmes pour y mourir jusqu’en 1881.
 

Les cellules du bagne
Les cellules du bagne • © Christiane Katia Ferré – 2003


Ainsi partaient pour le bagne deux sortes de criminelles : les filles seules, abandonnées, sans ressources, domestiques ou journalières, le plus souvent coupables d’infanticides, et d’autre part, les forts caractères, les meurtrières et incendiaires, les révoltées qui, souvent condamnées à de longues peines, comprenaient qu’elles ne retrouveraient jamais la liberté. Les premières étaient très demandées par l’administration pénitentiaire, parce qu’on les savait soumises, capables d’être de bonnes mères, “récupérables” en un mot.

Hospitalisée le 28 février 1938, Marie Bartête livre sa dernière bataille contre la maladie.
Le 13 mars 1938, à 76 ans, elle s’éteint d’épuisement et meurt, « par suite de cachexie sénile » à l’hôpital de Saint-Laurent.

Un documentaire, comme une aventure humaine 

Pierre Mathiote (Cinergie Productions) a accepté de revenir sur l’élaboration de ce documentaire. Une expérience professionnelle qu’il a vécue comme une aventure humaine. 

–          Comment est né le projet de ce film ?

Le projet est né comme souvent par le hasard d’une rencontre. J’étais invité en tant que producteur à une séance de pitchs au Centre Occitan de Toulouse dont celui sur la vie de Marie Bartête. Ces pitchs avaient pour but de motiver des producteurs à s’engager sur tel ou tel pitch.

Une seule photo de Marie Bartête (propriété de Franck Sénateur, historien) 
 

L'unique et seule photo de Marie Bartête
L’unique et seule photo de Marie Bartête • © Cinergie Productions


L’histoire de Marie Bartête, qui fut l’une des trois dernières femmes bagnardes en Guyane, méritait, en tant que producteur mais aussi réalisateur, d’être proposée au plus grand nombre sous la forme d’un film, en l’occurrence d’un docu-fiction vu qu’il n’existe qu’une seule photo de Marie Bartete.

–          Comment et avec qui avez-vous travaillé ?

Katia Ferré, auteure du roman “Graine de bagnarde” était dans la salle lors du pitch. Nous avons échangé nos cartes. Bien que le livre soit très loin d’un possible scénario, ce qui m’a intéressé c’étaient les archives qu’elle montrait dans son livre. Katia a enquêté pendant une dizaine d’années pour exhumer des documents.
Ses recherches avaient commencé en 2004 par la consultation des archives d’Outre-mer à Aix-en-Provence, puis des archives des Pyrénées Atlantiques, de Bordeaux et pour finir par le service du patrimoine de Saint-Laurent du Maroni qui délivrera les derniers documents de la vie de Marie Bartête, des documents encore inconnus qu’elle révèlera, fin 2013, dans son ouvrage « Graine de Bagnarde ».

 

Graine de Bagnarde, un ouvrage de Christiane-Katia ferré publié aux éditions Feuillage en 2014 ain
Graine de Bagnarde, un ouvrage de Christiane-Katia ferré publié aux éditions Feuillage en 2014 ain

N.D.L.R.

Pour en savoir plus sur Katia Ferré, voici la biographie que l’on peut lire en 4è de couverture de son livre “Graine de Bagnarde” (Editions Feuillage, 2014) : 

“Katia Ferré est née à Cayenne. A la mort de son père, elle découvre une cantine rouillée, papiers jaunis et archives du bagne. Déjà collectionneuse de vieux manuscrits, il n’en faut pas plus pour qu’elle s’acharne à trouver les pièces manquant au dossier de sa protégée Marie Bartête. Elle passe alors des jours et des jours aux archives d’outre-mer d’Aix-en-Provence, des Pyrénées Atlantiques, de Bordeaux, et harcèle véritablement le service du Patrimoine de Saint-Laurent du Maroni pour obtenir l’ultime document.”

Katia Ferré a présenté son ouvrage “Graine de bagnarde” publié aux éditions Feuillage en 2014, aux élèves du collège Jean Sarrailh à Monein, ville de naissance de Marie Bartête, un article du quotidien Sud-Ouest à lire en cliquant ici

Il faut dire aussi que Katia est née en Guyane, que son père faisait partie du corps médical de Cayenne et que le “nounou” de Katia était aussi un bagnard. Elle avait donc toute la légitimité pour apparaître aussi à l’écran comme peut l’être un historien. C’est donc par son prisme que j’ai abordé le sujet.

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