Drôle de monde que celui de la critique littéraire -singulièrement parisienne mais hors Paris point de salut- qui peut quasiment ignorer pendant des années des auteur-e-s et tout à  coup les découvrir. Alors enfin, ils sont chroniqués et interviewés dans tous les grands quotidiens, hebdos, émissions de télé et de radio. Et c‘est tant mieux. Ce fut le cas cet hiver pour deux auteur-e-s bordelais, Beata Umubyeyi Mairesse et Hervé Le Corre, (1) qu’Ancrage vous présente depuis longtemps dans cette rubrique.

Beata sera l’invitée de l’émission du Guide du Bordeaux colonial sur la radio la clé des Ondes (90.1) ce mercredi 28 février à 13H

Beata Umubyeyi Mairesse avait 15 ans en juin 1994 quand elle put quitter, avec sa mère, le Rwanda en proie au génocide des siens, les Tutsi, un quasi miracle leur permit d’intégrer un convoi d’enfants et d’échapper à une mort certaine. Devenue écrivaine, la jeune femme a publié des recueils de nouvelles et des romans tournant autour de cette mémoire des survivant-e-s mais sous forme de fiction ou tout du moins de récit des autres, mêlé discrètement à sa propre expérience. Avec Le Convoi, elle est passée à la première personne pour raconter son parcours de survie depuis Butare au sud ouest du petit pays, grâce à une association humanitaire suisse, Terre des Hommes, qui réussit à les incorporer à un convoi  à priori réservè aux enfants de moins de 12 ans.

Mais il lui fallut des années et l’insistance de son compagnon pour accepter de se mettre en quête de sa propre histoire, enquête à partir de la recherche d’images de la télé anglaise, la BBC où elle figure avec sa mère lors du passage de la frontière avec le Burundi, ce moment de la libération où, lui dit-on, elle affiche un sourire éclatant.

Le Convoi est le récit émouvant de ces années d’allées et venues dans les mémoires, celle des sauveteurs qu’elle retrouve en Suisse, des reporters télé en Angleterre, des photographes en Italie, des archives qu’elle finit par avoir l’autorisation de fouiller au siège de l’asso humanitaire à Genève. Et surtout celle des enfants du Convoi du 18 juin 1994 qu’elle va réussir à retrouver…Et se pose alors  l’inévitable question de la manière dont, à travers images télé et photos, les occidentaux ont rendu compte de ce massacre. Et cela ne servit à rien. « Le monde s’est contenté de nous regarder mourir sur du papier glacé » « Trente ans après, dit-elle, il est temps pour nous de « nous réapproprier ces photos, de les légender avec notre langage, à l’aune de notre expérience. »  Mais aussi qu’ « il est plus que temps de prendre la parole pour raconter nos histoires, légender nos photos, et le faire dans les espaces que nous jugerons appropriés, des espaces qui nous seront accessibles. Un lieu à nous, mémorial pour les enfants des convois. Ce livre n’en est que la première pierre ».   

                  Jean-François Meekel              

Hervé Le Corre Qui après nous vivrez Rivages/Noir

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