Ce défenseur des droits indépendant s’inquiète notamment du sort réservé aux demandeurs d’asile d’un centre près de l’Allemagne. Des chambres minuscules, peu de communication et un manque d’accès à l’information.

Sarah Bakaloglou – franceinfo Radio France

Des migrants reçoivent une aide alimentaire en Biélorussie, près de la frontière avec la Pologne, le 1er décembre 2021. (SEFA KARACAN / ANADOLU AGENCY)
Des migrants reçoivent une aide alimentaire en Biélorussie, près de la frontière avec la Pologne, le 1er décembre 2021. (SEFA KARACAN / ANADOLU AGENCY)

Un risque de traitement inhumain et cruel des migrants détenus en Pologne : la mise en garde ne vient pas cette fois de l’Union européenne mais du Commissaire polonais aux droits de l’homme, une instance nationale indépendante. Marcin Wiacek, qui est en quelque sorte l’équivalent de notre Défenseur des droits, s’inquiète de la situation des exilés placés dans des centres surveillés. Ils sont plus de 1 600 à y être enfermés après avoir traversé la frontière avec la Biélorussie et demandé l’asile.

Deux mètres carrés par personne

Le centre fermé pour étrangers de Wedrzyn est celui qui attire le plus de critiques. Cette base militaire, près de la frontière avec l’Allemagne, a été transformée l’été dernier en centre pour migrants. Les conditions y sont plus que déplorables : 600 hommes y vivent, une vingtaine d’occupants par chambre, soit deux mètres carrés par personne, moins que dans les prisons polonaises.

Ahmed, originaire du Yémen, est arrivé en Pologne début octobre après une traversée difficile de la frontière biélorusse : “On n’a presque rien à faire dans ce centre, ni divertissement ni activité éducative. Nous avons demandé plusieurs fois aux gardes de nous fournir des cours de polonais, mais ils ont refusé en disant : ‘Vous n’avez pas besoin d’apprendre le polonais car de toute façon, vous allez tous essayer d’aller en Allemagne’. Nous n’avons qu’une heure d’accès à internet par semaine et ils nous autorisent à avoir uniquement des téléphones Nokia qui peuvent seulement appeler ou envoyer des SMS.”

“Ce n’est pas un camp fermé, c’est une prison. Nous sommes traités comme des criminels, et non des réfugiés”. Ahmed, Yéménite détenu en Pologne

L’accès à des médecins et des psychologues est, par ailleurs, très insuffisant, malgré les traumatismes qu’ont subi parfois les migrants. Le commissaire aux droits humains s’inquiète aussi des conséquences pour les enfants, placés dans ces centres sans infrastructures adaptées, avec leurs familles.

Des demandeurs d’asile privés d’information

En théorie, les migrant ne doivent pas rester plus de six mois dans ces centres, le temps d’avoir une réponse dans le cadre de la procédure de demande d’asile. Mais dans les faits, cela peut-être bien plus long selon les cas, parfois jusqu’à deux ans. Selon Agnieszka Matejczuk, juriste au sein de l’ONG Stowarzyszenie Interwencji Prawnej (SIP, “association pour l’intervention judiciaire”), il y a un gros problème de transmission d’information dans ces centres, où l’accès à des avocats est très limité : “Bien souvent, ces migrants n’ont aucune information sur leur situation, parfois ils ne savent même pas que leur demande d’asile a été acceptée, ou personne ne leur dit que leur demande a été enregistrée, ou bien au contraire, ils pensent avoir demandé une protection internationale mais ce n’est pas le cas, parce que personne n’a enregistré leurs demandes.”

“Parfois, on leur remet un paquet de documents à signer, ils signent sans savoir qu’en le faisant, ils ne peuvent plus faire appel d’une décision d’expulsion.”Agnieszka Matejczuk, juriste. Selon la loi polonaise, le placement en centre fermé pour étrangers ne doit être autorisé que s’il y a un risque que la personne s’échappe et il est interdit si celle-ci a subi des violences par le passé. Une législation qui n’est pas appliquée. L’an dernier, 7 700 personnes ont demandé l’asile en Pologne, dont de nombreux Afghans et Irakiens. Près de 300 demandes d’Irakiens ont déjà été refusées.

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