Une veillée a été organisée ce mardi 21 décembre, pour rendre hommage au jeune homme de 36 ans mort de froid, devant le supermarché Carrefour Market où il est décédé à Bordeaux.

Un homme de 36 ans est mort de froid, à Bordeaux
Un homme de 36 ans est mort de froid, à Bordeaux. (©Actu.fr)

Par Loraine Dion Publié le 22 Déc 21 à 20:16  Actu Bordeaux Mon actu

À 20h30, ce mardi 21 décembre 2021, le mercure flirte déjà avec les températures négatives. -1° affiche le thermomètre de la voiture. Un froid semblable à celui de la veille, cette triste nuit qui a emporté Inda, un sans-abri de 36 ans, qui avait ses habitudes sur le parvis du Carrefour Market, à deux pas de la gare de Bordeaux (Gironde).

« Le Délégué », comme l’appelaient ses potes de galère, est « crevé » de froid. « Ça vous choque que je dise « crevé », hein ? « , lance Christophe, qui participe avec le reste de la bande à une veillée en hommage à son copain disparu.

« Ce soir, on ne veut pas de journaliste, fallait venir nous voir avant qu’il y ait un mort. Ce soir, on se recueille ! » On comprend.

« Délégué, il n’est plus là »

Une enceinte portable crache du Bob Marley à fond, des cierges ont été joliment disposés au sol et quelques packs de bière restent à vider. Hormis les bougies, le programme aurait pu être celui de n’importe quel soir d’hiver. « Sauf que ce soir, Délégué, il n’est plus là », pleure encore ce grand gaillard de 46 ans, à la peau burinée par 20 ans de rue. 

Le rassemblement, organisé à l’appel de plusieurs associations solidaires, n’a pas fait déplacer les foules. Voisins, associatifs et un élu (Amine Smihi)… Ils sont une vingtaine, tout au plus, à tenter de se réchauffer à la lueur des bougies, ce mardi soir.

« Je n’arrive même plus à être triste. Je suis juste en colère. Macron avait dit plus personne à la rue avant la fin de son mandat. Regardez où nous en sommes ! « , tonne Angélique, qui passe régulièrement dans le coin avec Les Maraudes du cœur.

« Nous avons servi 66 repas ce lundi, entre la gare et les Capucins. Je suis sûre qu’on lui a amené une assiette », embraye une autre bénévole de l’association Graines de Solidarité. « Vous savez, on en voit tellement ».

« Plus ils sont, moins on les voit »

Pour elle, comme pour les autres associations présentes ce soir, le constat est sans appel : « On dénombre de plus en plus de personnes à la rue. » Dans l’Hexagone, la fondation Abbé Pierre estimait en 2020 que 300 000 personnes dormaient dans la rue. Un chiffre qui a doublé depuis 2012, date de la dernière enquête de l’Insee.

En cause ? Les prix des logements dans les grandes villes comme Bordeaux, un manque criant de structures d’accueil d’urgence et les évacuations de squats qui se succèdent.

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La nouvelle municipalité a pourtant fait un pas, en annonçant un grand recensement des personnes à la rue, le 20 janvier prochain. « Pfff, ça fait longtemps que ça aurait dû être fait », peste Angélique. 

Elle pointe un phénomène pervers : plus ils sont, moins ils sont vus : « Ce sont des invisibles. Les gens ne les voient pas, au mieux, ou ils agacent, au pire, parce qu’ils boivent. Mais peut-on leur en vouloir de boire, vous avez vu comment ils vivent ? »

Le lit, où Christophe dormait avec
Le lit où Christophe dormait avec « le Délégué ». (© Actu.fr / Loraine Dion)

« Hé les gars, Délégué est mort »

À ses côtés, une riveraine, la soixantaine, le regard clair, relate quelques anecdotes avec « le Délégué ».  « Tous les matins, je le voyais. Il était très poli ! Mais il devenait un peu chiant le soir, quand il avait bu. C’était un attachiant ! »

Christophe se marre : « Un attachiant, elle est bonne celle-là ! » Il arrive un peu à sourire, ce soir. « C’est l’alcool », explique-t-il. Car ce matin, quand il a essayé de prendre la main de son pote, à côté duquel il dormait depuis sept mois, elle était froide. Gelée même.

« Je n’avait pas l’habitude de lui prendre la main, mais ce matin, je ne sais pas. J’ai senti qu’il fallait que je le fasse », rembobine-t-il. Christophe l’a secoué dans tous les sens, pour qu’il ouvre les yeux. En vain.

Lorsqu’il a posé sa paume sur le torse du jeune Maorais de 36 ans, il a su, Christophe. « J’ai crié : « Les gars, Délégué est mort ! » Les pompiers sont arrivés sur les lieux un peu avant 9 heures, ce mardi. C’était fini, en effet. 

« Sa mère est malade, on lui avait dit qu’on lui paierait un billet pour Mayotte pour aller la rejoindre. Bon bah, ce sera un autre voyage pour lui… »

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