Naima Huber-Yahi a participé aux travaux de la Commission Stora qui a établi le rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. L’historienne, spécialiste de l’immigration algérienne, a dû étudier le sort des rapatriés d’Algérie pour pallier le peu de travaux sur le sujet.

Arrivée de rapatriés d'Algérie en mai 1962 à Marseille
Arrivée de rapatriés d’Algérie en mai 1962 à Marseille © Getty / REPORTERS ASSOCIES/Gamma-Rapho

Définir les rapatriés 

Naima Huber-Yahi : « On parle des pieds-noirs, mais c’est un groupe très hétérogène. On a beaucoup stigmatisé les grands propriétaires qui avaient profité de la colonisation, mais la majorité était des petites gens… Seule la douleur de l’exil les a soudés. » 

Le rapatriement : un impensé du récit national 

N H-Y : « Ce retour est un impensé de l’histoire de France. On n’a toujours pas fait le récit objectif de cette période douloureuse de notre passé. Je ne compare pas la situation au nazisme du tout, mais les Allemands, eux, ont réussi à penser le nazisme… Si un moment aussi complexe a pu être pensé, analysé, compris, expliqué…, comment se fait-il que nous n’arrivons pas à penser ce retour des rapatriés ? 

Le chanteur Rachid Taha en concert le 12 juillet 2013 à Paris, France.

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Pourquoi nous ne faisons pas pareil avec la colonisation ? Et dans cette démarche, pourquoi ne regarde-t-on pas en face la trajectoire d’une partie de la communauté nationale comme les pieds noirs ? Aujourd’hui, en comptant leurs descendants, ce sont entre 3 et 4 millions de Français qui sont issus de cette histoire-là. C’est une communauté mémorielle importante. Il faut donc penser la colonisation avec un début et une fin, avec ce départ d’Algérie. » 

No man’s land mémoriel

N H-Y : « Que peuvent revendiquer les pieds-noirs comme mémoire, et comme histoire, quand le pays qui est le leur n’en fait pas la narration ? Il y a eu les travaux de Jean-Jacques Jordi, et une ou deux thèses en cours, mais on n’en parle pas. Ou alors en surface, jamais en profondeur. Les pieds-noirs vont disparaître, et avec eux, une transmission mémorielle douloureuse… quand elle se fait ! Il est temps de sortir de cette zone grise de l’exil intérieur. » 

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