D’où vient le sentiment d’étrangeté et de défiance à l’encontre des Tsiganes ? Depuis le XVe siècle, les préjugés sur les Roms, Manouches ou Gitans vont bon train. L’idée d’un peuple nomade, à l’identité unique, nourrit un mythe qu’historiens et anthropologues entreprennent de déconstruire.

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Famille de Gitans devant une roulotte, en France.
Famille de Gitans devant une roulotte, en France.• Crédits : Michel Ginfray / Gamma-RaphoGetty

Tsiganes, Gitans, Manouches, entre mythes, défiance et fascination. Nous leur devons une des plus belles lettres de notre littérature. Le 12 juin 1867, Gustave Flaubert écrit à George Sand : “Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons.” Flaubert ajoute : “Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.” Le voleur de poule qui voyage en roulotte avec sa guitare, autant de clichés dont il faut écrire l’histoire.

Des préjugés qui persistent

Depuis le XVe siècle, les préjugés sur les Tsiganes vont bon train : voleurs de poule, habitants de caravane, joueurs de guitare, espions voyageurs ; roms, manouches, gitans, tous les mêmes ! Véhiculés dans tous les cercles, par la littérature, le cinéma et la presse, ces stéréotypes ont créé un sentiment de défiance face à ces populations françaises, pour certaines installées sur le même territoire depuis plusieurs siècles mais qui cultivent un autre rapport au monde et à l’espace.

L’origine de ces clichés n’a pas à être cherchée, et même ne peut pas être trouvée, dans des réalités sociales, historiques ou culturelles empiriquement observables dans les groupes ou les communautés désignées comme Tsiganes“, explique l’anthropologue Martin Olivera. Les stéréotypes et préjugés jouent d’une “altérité fantasmagorique qui est nécessaire à l’affirmation de ce ‘nous’ des modernes nationaux non tsiganes“.

Aujourd’hui, les historiennes et historiens cherchent à déconstruire ces mythes et à replacer les Tsiganes, souvent considérés comme un peuple sans histoire, au cœur d’une histoire non pas parallèle mais commune à celle des États modernes et contemporains.

Même si l’oralité occupe une grande place chez la majorité des différents peuples tsiganes, un certain nombre d’écrits existent“, précise l’historienne et géographe Adèle Sutre. “On découvre qu’il suffit de chercher ! Les archives sont pleines de témoignages écrits qui permettent de remettre en perspective l’histoire de ces peuples.

Nos invité·e·s

Adèle Sutre est historienne et géographe, postdoctorante au sein du programme de recherche Lubartworld hébergé par l’EHESS et le CNRS. En 2018, elle était commissaire-adjointe de l’exposition Mondes tsiganes. La fabrique des images qui s’est tenue au Musée national de l’histoire de l’immigration à Paris. Elle a publié :

Martin Olivera est anthropologue, maître de conférences à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Il a publié :

Sons diffusés dans l’émission

  • Archive : l’origine des Gitans évoquée dans “Paris des maléfices” de l’émission La France insolite – RTF, 4 juin 1964
  • Lecture par Olivier Martinaud : extrait d’un article de 1947 du journal The Advertiser
  • Archive : “Qui sont les gitans ?” dans le Journal des Actualités Françaises, 30 mai 1946
  • Musique : “Le Gitan” par Daniel Guichard, 1982
  • Archive : clichés et stéréotypes sur les Tsiganes – Alsace Actualités, 1969
  • Musique : “Soy Gitano” par Camaron de la Isla au festival de Montreux, 2018
  • Musique : “Tiago” par Kendji Girac – Album : Amigo, 2018

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