Pays basque : Amnesty International dénonce « une violation des droits des personnes exilées » à la frontière
Agnès Lerolle est chargée de projet de la Coordination d’actions aux frontières intérieures. © Crédit photo : DR

Par Emmanuelle Fère – e.fere@sudouest.fr
Publié le 27/05/2023 à 14h21
Mis à jour le 27/05/2023 à 15h42

Agnès Lerolle est chargée de projet de la Coordination d’actions aux frontières intérieures, financé par cinq associations, dont Amnesty International, ayant réalisé un rapport sur la « violation des droits des migrants »

Quel est le projet Coordination d’actions aux frontières intérieures (Cafi), qui a produit le rapport (1) ?

Ce projet est géré et financé par cinq associations : Amnesty International, la Cimade, Médecins du monde, Médecins sans frontières, et le Secours catholique Caritas France. Il a pour objectif de faire respecter les droits des personnes migrantes aux frontières franco-italienne et franco-espagnole, et de mettre en lumière les violations des droits.

Quelle a été la méthode utilisée pour produire ce rapport « Contrôles migratoires à la frontière franco-espagnole : entre violations des droits et luttes solidaires » ?

Nous avons commencé à travailler sur la frontière franco-espagnole à partir de fin 2018 et recueilli la parole des associations, militants, habitants, de ceux accompagnant les personnes migrantes au quotidien. Nous avons mené des missions d’observation sur le terrain. On se poste à des lieux précis où se déroulent les contrôles, et les refoulements, dans la gare d’Hendaye, ou sur les ponts frontaliers entre Irún et Hendaye. en se relayant pendant plusieurs jours. On constate si les droits sont respectés, et on complète avec la partie recueil de témoignages des personnes refoulées.

Quels types de violations des droits des personnes exilées pointez-vous du doigt ?

En premier lieu, le fait que les contrôles sont discriminatoires, et visent des personnes racisées, ce qui a des conséquences terribles sur les personnes interpellées, et sur toutes les autres personnes non blanches, qui vivent dans ces régions, et subissent des contrôles permanents. Par exemple, le rapport mentionne le cas d’une personne arrivant systématiquement en retard au travail, car elle se fait contrôler alors qu’elle est en situation régulière, sur le territoire.

Quid du déroulement des interpellations constatées par vos soins ?

Une personne interpellée à la frontière bénéficie d’un certain nombre de droits, comme toute personne qui se fait arrêter par la police. Ces droits sont prévus par des textes nationaux et internationaux : avoir un entretien confidentiel, dans une langue que l’on comprend, pouvoir être assisté d’un interprète, d’un avocat, faire une demande d’asile, pouvoir contester la mesure qui est prise contre la personne. De tout cela, rien n’est respecté. Ainsi, après le contrôle de leurs papiers à la descente du train, les personnes exilées se voient signifier « Reprenez le train dans l’autre sens ».

Quid des autres observations à la frontière franco-espagnoles ?

On constate qu’aucune demande d’asile n’est enregistrée à la frontière, en dépit de la volonté des personnes de réaliser cette demande, ce qui est aussi un droit international. Nous avons aussi observé que des mineurs non accompagnés, qui ne peuvent pas être renvoyés sans mesure de protection, et qui indiquent à la police avoir 16 ou 17 ans, sont tout de même renvoyés vers l’Espagne. Parfois, ils sont en possession de documents dits « refus d’entrée en France », qui sont visionnés en deux minutes. Et parfois, il n’y a aucun document. La personne ne peut donc pas contester la décision devant un tribunal. Elle n’est informée de rien. Ce sont des violations de droits fondamentaux.

Quelles peuvent être les conséquences de ces manquements aux droits, s’ils sont avérés comme vous le prétendez ?

Cela conduit les personnes qui veulent franchir la frontière à prendre plus de risques. C’est un facteur d’accidents parfois mortels. Au moins douze personnes ont perdu la vie depuis le renforcement des contrôles à la frontière franco-espagnole en 2020. Elles ont été victimes de noyades ou d’accidents sur les voies ferrées.

Du côté espagnol, que dit votre travail sur le respect des droits des personnes exilées ?

En ce qui concerne la frontière au Pays basque, notamment du côté d’Irún, il existe une possibilité d’accueil, et un engagement pour que les contrôles et les renvois cessent. . Le gouvernement basque a mis des dispositions en place, gérées par la Croix-Rouge, qui ne sont pas parfaites, mais comparables à ce qu’il se passe à Bayonne (1) : une réponse à la présence de ces personnes. Les contrôles sont principalement le fait des autorités françaises, pour cette frontière-là.

Quelles sont vos demandes ?

Nous demandons le respect du code frontières Schengen, Il existe des exceptions prévues à la libre circulation des personnes, mais elles doivent être très encadrées. La Cour de justice européenne a indiqué qu’elles devaient être limitées dans le temps, et assorties d’un motif différent pour chaque cas. La France est le seul pays qui depuis huit ans, a rétabli, sur le même motif de menace terroriste, le rétablissement des contrôles, principalement migratoires.

Le parti Les Républicains souhaite remettre la question de l’immigration au centre du débat politique en dévoilant deux propositions de loi pour « reprendre le contrôle »

(1) Le rapport « Contrôles migratoires à la frontière franco-espagnole : entre violations des droits et luttes solidaires » est consultable sur amnesty.fr.

(2) Bayonne accueille un centre d’hébergement temporaire des migrants en transit, baptisée Pausa.

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