Depuis plus de vingt ans, la politique migratoire européenne s’enferre dans une stratégie inefficace et meurtrière. Alors qu’une fois encore Lampedusa se retrouve au centre de l’attention, il est urgent d’accepter, enfin, que l’Europe non seulement peut mais doit accueillir plus de migrants.

Carine Fouteau

19 septembre 2023 à 11h32

Les gesticulations des responsables politiques partis en campagne sur l’île de Lampedusa pour accroître leur capital électoral en vue du prochain scrutin européen de juin 2024 donnent le tournis, pour ne pas dire la nausée, tant l’histoire se répète depuis le début des années 2000.

Le fond de l’air est rance : alors que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin s’est rendu à Rome lundi 18 septembre dans la soirée pour proposer à l’Italie de l’aider à « tenir sa frontière extérieure », tout en déclarant n’être pas prêt à accueillir de migrant·es, on a entendu l’extrême droite française plaider soit pour un « blocus militaire », soit pour un « mur juridique ».

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Gérald Darmanin et le ministre de l’intérieur italien Matteo Piantedosi à Rome le 18 septembre 2023. © Photo Filippo Monteforte / Pool / AFP

Chaque naufrage d’envergure, chaque arrivée massive de migrant·es sur les côtes européennes produit le même spectacle désespérant, les mêmes démonstrations de force, les mêmes promesses de fermeté, les mêmes recherches de coupables.

Après les îles grecques, de Lesbos ou de Chios, c’est à nouveau au tour de Lampedusa, bout de terre italienne à l’extrême sud de l’Europe, d’être le théâtre d’une sinistre instrumentalisation. En raison de sa proximité géographique avec la Tunisie, cette île est le principal lieu de débarquement des migrant·es dans le canal de Sicile depuis des années.

En une semaine, les conditions météorologiques aidant, plus de 11 000 personnes y ont accosté, dont près de la moitié pour la seule journée du mardi 12 septembre. Les arrivées s’annonçant record pour l’ensemble de l’année (plus de 118 500 personnes ont atteint les côtes italiennes depuis janvier, soit près du double des 64 529 enregistrées sur la même période en 2022), cela fait de Lampedusa le décor tout trouvé pour agiter les peurs.

https://datawrapper.dwcdn.net/2UkmF/1/ © Infographie Mediapart

Alors que défilent sur les écrans les images déshumanisantes d’exilé·es épuisé·es et affamé·es après une traversée périlleuse, les représentant·es politiques n’ont plus qu’à déverser leur rhétorique guerrière et à déployer, dans une surenchère d’où l’extrême droite sort gagnante, les mêmes vieilles recettes : toujours moins de droits pour les migrant·es, toujours plus de murs. Et cela en prenant à partie les habitants de l’île, qui n’ont pourtant rien demandé à personne, et qui, bien au contraire, ont fait au fil des ans la démonstration de leur hospitalité, pour peu qu’on leur en donne les moyens.

Cela fait plus de vingt ans que dure ce jeu de rôle cynique et meurtrier. Et que l’Europe tourne en rond. Les raisons de cette faillite sont identifiées de longue date par les chercheur·es et universitaires qui travaillent sur ces questions. Mais à la différence de ce qui s’est passé au cours des dernières années sur l’écologie avec la mise en sourdine progressive des climatosceptiques, les arguments rationnels sur les enjeux migratoires restent inaudibles. Ils tiennent pourtant en une phrase : les politiques européennes mises en œuvre depuis les années 2000 contribuent à créer les conditions des départs irréguliers contre lesquels elles sont censées lutter.

Une politique inhumaine et inefficace

Déplions. La première de ces recettes, aussi inhumaine qu’inefficace, consiste à fermer les frontières. Ce qui pourrait apparaître comme du « bon sens » n’est qu’une illusion. Les voies d’accès légales dans les pays de l’Union européenne pour les personnes extracommunautaires n’ont en effet cessé d’être réduites, avec une accélération de la fermeture depuis 2015-2016, dans le sillage des printemps arabes et de la guerre en Syrie, au motif de « maîtriser les flux migratoires ».

Les visas sont délivrés au compte-gouttes dans les pays de départ ; s’en procurer relève du parcours du combattant. Conséquence : ne pouvant obtenir des papiers en bonne et due forme, les exilé·es se rabattent sur les voies « illégales », contraint·es de risquer leur vie en traversant la Méditerranée sur des barcasses.

Non seulement cette politique ne produit pas les effets escomptés, mais en plus elle est meurtrière : selon l’Organisation internationale pour les migrations, qui tente de tenir à jour le macabre décompte, près de 30 000 morts sont survenues aux portes de l’Europe depuis 2014, la plupart des migrant·es étant mort·es ou ayant disparu sans que leur nom ait pu être identifié.

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Une personne migrante arrivée sur l’île de Lampedusa le 18 septembre 2023. © Photo Cecilia Fabiano / La Presse / Sipa

L’histoire pluriséculaire des migrations nous l’enseigne : aucune barricade n’a jamais été à même de contrer une dynamique mondiale, celle qui pousse sur le chemin de l’exil des centaines de milliers d’hommes et de femmes fuyant la dictature ou la misère ; ou les effets du dérèglement climatique, dont les pays européens sont en grande partie responsables. Les portes pourront continuer de se verrouiller davantage, les personnes dont la vie est en danger dans leur pays d’origine continueront de se déplacer dans l’espoir d’une vie meilleure.

Incapable de dissuader les candidat·es au départ, cette politique de fermeture grossit donc les rangs des exilé·es sans papiers et, au passage, enrichit les réseaux criminels de trafic d’êtres humains qu’elle prétend vouloir éradiquer.

Le second écueil dans la gestion européenne de l’asile et de l’immigration réside dans le choix de concentrer les points d’arrivée dans certains lieux, baptisés technocratiquement « hotspots », le plus souvent sur de petites îles du pourtour méditerranéen. Cette politique a pour conséquence de fixer les difficultés, d’accroître les tensions locales et de visibiliser les phénomènes d’engorgement, comme c’est le cas aujourd’hui à Lampedusa, dont les capacités d’accueil sont insuffisantes par rapport au nombre des arrivées.

Dans une tribune publiée dimanche 17 septembre dans Libération, Marie Bassi, enseignante-chercheuse à l’Université Côte d’Azur, et Camille Schmoll, chercheuse au laboratoire Géographie-cités et directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), expliquent de quoi Lampedusa est le symptôme : « Ces îles-frontières concentrent à elles seules, parce qu’elles sont exiguës, toutes les caractéristiques d’une gestion inhumaine et inefficace des migrations. Pensée en 2015 au niveau communautaire mais appliquée depuis longtemps dans certains pays, cette politique n’est pas parvenue à une gestion plus rationnelle des flux d’arrivées. Elle a en revanche fait peser sur des espaces périphériques et minuscules une énorme responsabilité humaine et une lourde charge financière. Des personnes traumatisées, des survivants, des enfants de plus en plus jeunes sont accueillis dans des conditions indignes. »

Nous sommes face à une « crise de l’accueil et non [à une] crise migratoire », analysent-elles.

Les effets de la sous-traitance des contrôles migratoires

Voilà pour l’aval. En amont des départs, les impasses sont tout aussi palpables. Les politiques qui cherchent à maîtriser les flux dans les pays d’origine ou de transit en sous-traitant à leurs autorités le rôle de gardes-frontières, sont, elles aussi, vouées à l’échec.

Le récent accord signé par l’Union européenne avec la Tunisie en est la plus flagrante démonstration. Cette voie diplomatique, que l’on serait plutôt tenté de qualifier de marchandage, n’a pas fait baisser le nombre des départs, comme le montrent les mouvements actuels. Mais elle a pour conséquence de fragiliser encore un peu plus les migrant·es déjà pris·es pour cible par le président tunisien, Kaïs Saïed.

Depuis ses déclarations racistes, de nombreux exilés ont en effet été expulsés de leur domicile, ont perdu leur travail ou été déportés dans le désert, où certains sont morts de soif. Une telle dégradation de leurs conditions de vie ne peut que les inciter, y compris ceux qui n’en avaient pas l’intention, à prendre la fuite et à tenter la traversée.

Le précédent accord, signé par l’Union européenne en 2016 avec la Turquie, à la suite de la guerre en Syrie, est éclairant à un autre égard : si les routes migratoires qui traversent ce pays se sont temporairement taries, elles se sont aussitôt déplacées ailleurs, en l’occurrence vers les pays du nord de l’Afrique, au premier rang desquels… la Tunisie.

Dans leur tribune, Marie Bassi et Camille Schmoll rappellent aussi le cas libyen, et le chantage exercé en son temps par Mouammar Kadhafi. « Nous avons collaboré avec des gouvernements irrespectueux des droits des migrants : en premier lieu la Libye, que nous avons armée et financée pour enfermer et violenter les populations migrantes afin de les empêcher de rejoindre l’Europe », écrivent-elles. Et cela sans impact sur les réseaux de trafiquants, qui, à peine démantelés, se sont réorganisés sous d’autres formes, parfois avec l’aide des autorités locales, comme nous l’avons documenté dans Mediapart.  

Autre diversion agitée à l’envi par les responsables politiques européens, et pas seulement par ceux de l’extrême droite, la criminalisation des ONG venant en aide aux migrant·es a pour seule et unique conséquence de faire augmenter la létalité de la traversée maritime.

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Comme le rappelle la journaliste Cécile Debarge dans nos colonnes, le scénario actuel met à mal la théorie de l’« appel d’air », supposément créé par les sauvetages en mer. Depuis une semaine, détaille-t-elle, le navire Aurora, affrété par l’ONG Sea Watch, a débarqué 84 migrant·es au port de Catane, l’Ocean Viking de SOS Méditerranée a amené 68 migrant·es jusqu’au port d’Ancône, et, à Lampedusa, ce sont le Sea Punk 1, le Nadir et le ResQ People qui ont respectivement amené à terre 44, 85 et 96 personnes. Ces chiffres, conclut-elle, sont dérisoires lorsqu’ils sont rapportés à l’ensemble des personnes arrivées en Italie.

Pour clore ce panorama, examinons une dernière solution largement reprise à droite et à gauche de l’échiquier politique : déployer l’aide au développement pour réduire les arrivées de migrant·es. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche en mai 2021, à l’occasion d’une visite au Rwanda et en Afrique du Sud, le chef de l’État a mis en garde contre l’« échec » de la politique de développement.

« Si on est complices de l’échec de l’Afrique, assenait Emmanuel Macron, on aura des comptes à rendre mais on le paiera cher aussi, notamment sur le plan migratoire. » Il ajoutait : « Si cette jeunesse africaine n’a pas d’opportunités économiques, si on ne la forme pas, si on n’a pas de bons systèmes de santé en Afrique, alors elle émigrera. »

Or les nombreux travaux de recherche sur cette question aboutissent à la même conclusion : l’aide au développement n’est pas une réponse à court terme ; au contraire, dès lors qu’elle conduit à une hausse du revenu par habitant·e, elle favorise plutôt qu’elle ne décourage l’émigration vers l’Europe. Les personnes qui partent ne sont pas les plus pauvres parmi les pauvres, mais plutôt celles qui disposent d’un certain capital financier et culturel nécessaire pour envisager l’exil dans un pays lointain. 

Changer de paradigme

Face à ces impasses, que faire ? Pour commencer, il est indispensable de dézoomer des polémiques politiciennes, de regarder la réalité des chiffres en face et d’accepter que l’Europe, encore appelée le Vieux Continent dans les manuels scolaires, non seulement peut mais doit accueillir des migrant·es.

La manière dont nos pays ont ouvert leurs portes aux réfugié·es ukrainien·nes donne un aperçu de notre capacité à faire preuve d’hospitalité, et, par voie de conséquence, laisse entrevoir un soubassement raciste dans notre difficulté à laisser entrer les réfugié·es africain·es.

Ce changement de paradigme, François Héran, professeur au Collège de France à la chaire Migrations et Sociétés, l’appelle de ses vœux. Centrant ses travaux sur la France, il ne cesse de répéter que « le débat public sur l’immigration est en décalage complet par rapport aux réalités de base ».

Dans son livre Immigration : le grand déni (Seuil, 2023), il démontre méticuleusement, chiffres à l’appui, que certes, l’immigration augmente, mais que l’Hexagone, contrairement aux fantasmes, n’est ni particulièrement accueillant par rapport à ses voisins, ni même particulièrement attractif aux yeux des migrant·es.

Un seul exemple, celui des exilés syrien·nes, irakien·nes et afghan·es. Seuls 18 % des 6,8 millions de Syrien·nes sont parvenu·es à déposer une demande d’asile en Europe, « dont 53 % en Allemagne et 3 % en France ». De même, 400 000 Irakien·nes ont cherché refuge dans l’Union européenne entre 2014 et 2020, dont 48 % en Allemagne et 3,5 % en France. Sur la même période, les réfugié·es afghan·es dans l’UE n’ont été que 8,5 % à demander la protection de la France, quand 36 % d’entre eux sont allés en Allemagne.

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L’accueil est par ailleurs une nécessité : le déclin démographique de l’Europe suppose en effet pour continuer de faire tourner nos économies, financer les retraites, accompagner les plus âgé·es et agir contre le dérèglement climatique d’ouvrir plus largement nos portes.

Selon les chiffres d’Eurostat, le solde naturel de la population européenne (qui mesure la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès) est négatif depuis 2015, et l’immigration est déjà le principal facteur d’augmentation de la population.

L’Allemagne l’a bien compris, laquelle en fait une politique volontariste, assumant son biais utilitariste. Les réformes entreprises outre-Rhin pour faciliter l’accueil des personnes étrangères s’appuient ainsi sur les estimations selon lesquelles 13 millions de travailleurs et travailleuses quitteront le marché du travail au cours des quinze prochaines années, soit presque un tiers des actifs. L’Agence pour l’emploi estimait, au printemps 2023, à 400 000 arrivées par an le besoin d’immigration pour compenser la perte de force de travail.

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La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et la première ministre italienne Giorgia Meloni sur l’île de Lampedusa le 17 septembre 2023. © Photo ANSA / AFP

Tout aussi préoccupée par le vieillissement de sa population, l’Espagne est moins crispée que la France. On se souvient en 2020 d’un ministre chargé des migrations déclarant lors d’un forum international que l’économie de son pays aurait besoin « de millions et de millions » de migrant·es pour se maintenir à son niveau actuel, et que ses voisins devraient aussi être « préparés à intégrer » massivement les populations exilées.

Pendant ce temps, notre pays, à contre-courant, s’enfonce dans le déni et s’étripe pour savoir si, à trop ouvrir ses portes, l’Europe ne risque pas d’être « submergée ». Cette question, dont l’extrême droite française a fait son fonds de commerce, est l’objet d’une querelle ancienne mais toujours vivace. Elle s’est cristallisée en 2018 autour de la publication du livre de l’ex-journaliste Stephen Smith La Ruée vers l’Europe (Grasset), qui anticipait que d’ici une trentaine d’années l’Europe serait peuplée à 25 % d’immigrés subsahariens.

Depuis, de nombreux chercheurs ont infirmé sa thèse, la passant au tamis des données démographiques publiques. François Héran a été l’un des premiers à y répondre de manière argumentée dans un bulletin d’information scientifique de l’Institut national des études démographiques (Ined).

Dans ce texte intitulé « L’Europe et le spectre des migrations subsahariennes », il replace les migrations africaines dans le tableau mondial des diasporas, rappelant que « lorsque l’Afrique subsaharienne émigre, c’est à 70 % dans un autre pays subsaharien et à 15 % seulement en Europe ».

« Comparée aux autres régions du monde – l’Amérique centrale, l’Asie ou les Balkans –, l’Afrique subsaharienne émigre peu en raison même de sa pauvreté », ajoute-t-il, précisant que « si l’on intègre les projections démographiques de l’ONU, les migrants subsahariens occuperont une place grandissante dans les sociétés du nord mais resteront très minoritaires : environ 4 % de la population vers 2050 », soit très loin de la « prophétie » des 25 % avancée par Stephen Smith.

L’attractivité relative de la France décrochera, menaçant son économie et son modèle social.

Philippe Askenazy, économiste

Aujourd’hui, nous en sommes encore à batailler autour d’une vingt-neuvième loi restrictive sur l’immigration depuis les années 1980.

« Pourtant, comme le note l’économiste Philippe Askenazy dans une tribune parue dans Le Monde du 31 mai 2023, si la démographie naturelle française demeure plus favorable qu’outre-Rhin, les dernières projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à politique migratoire constante, suggèrent une quasi-stagnation de la main-d’œuvre disponible dans les prochaines décennies. »

« Au lieu d’en être inquietle pouvoir est, en aparté, soulagé que si peu d’Ukrainiens aient choisi la France comme refuge, même en comparaison avec des pays encore plus éloignés géographiquement de l’Ukraine : rapporté à la population, six fois moins qu’en Irlande, trois fois moins qu’au Portugal et deux fois moins qu’en Espagne », observe-t-il, avant de constater, pour le regretter : « Que ce soit le projet Darmanin ou ceux des membres du parti Les Républicains, l’obsession est de “reprendre le contrôle” en luttant contre le mirage d’une France attractive, à coups d’une police bureaucratique coûteuse et de quotas également bureaucratiques. »

À force de s’entêter, conclut-il, « l’attractivité relative de la France décrochera, menaçant son économie et son modèle social ».

Il est donc urgent de changer de focale et d’ouvrir des voies d’accès légales au Vieux Continent tout en faisant preuve de solidarité interétatique dans l’accueil des réfugié·es arrivé·es sur nos côtes. Si le « Pacte sur l’asile et l’immigration » en discussion depuis quatre ans à l’échelon européen intègre des mesures visant à mieux répartir les arrivant·es, il reste fondé sur le postulat que l’UE est menacée par la pression migratoire et doit s’en protéger.

Au regard du débat politico-médiatique français, on comprend qu’il est vain d’attendre de notre pays qu’il joue un quelconque rôle moteur pour transformer cette vision éculée tant il paraît obnubilé par ses démons postcoloniaux et aspiré par la tentation du repli.

Carine Fouteau

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