Par Cathy Lafon
Publié le 25/11/2021 à 12h12 Cette journée honore la vie des trois sœurs Mirabal qui se sont opposées à la dictature de Trujillo en République dominicaine dans les années 1950. Les Mariposas payèrent leur engagement de leur vie le 25 novembre 1960, mais grâce à leur combat, elles réussirent à faire tomber “El Jefe”

C’est l’histoire de quatre sœurs, nées en République dominicaine, dans les Caraïbes, à la fin des années 1920. Mirabal, Patria, l’aînée, Adela, Minerva et Maria Teresa ont pour père, Enrique Mirabal, un riche commerçant et propriétaire terrien. https://www.youtube.com/embed/qy9oeA9WNlk?enablejsapi=1&origin=https%3A%2F%2Fwww.sudouest.fr

Après avoir conquis le pouvoir par un coup d’Etat, en 1930, le dictateur Rafael Trujillo (1930-1961), “El Jefe” (« le chef »), comme il se surnomme lui-même, dirige alors le pays d’une main de fer. Développant un culte autour de sa personne, il s’enrichit en préemptant des terres et des industries. Contrairement à l’usage qui s’installe, les Mirabal n’affichent pas de portrait du dictateur chez eux, ce qui leur vaut d’être considérés comme hostiles au pouvoir en place..

Élevées dans une famille aisée, les sœurs Mirabal grandissent dans l’insouciance de leur milieu. Elles font des études et bénéficient d’une éducation de qualité, fréquentant un établissement catholique. Minerva, réputée pour sa vivacité d’esprit, se passionne pour la littérature. Elle récite de la poésie française, notamment du Victor Hugo. À quinze ans, elle insiste donc pour continuer ses études et obtient en 1946 un diplôme en Lettres et Philosophie. Sur le même sujet

– Les violences conjugales ont augmenté en France de 10 % en 2020, selon le ministère de l’intérieur. Retour sur l’action de l’Etat depuis 1989 pour lutter contre ce fléau.

Minerva repousse les avances du dictateur

Minerva Mirabal
Minerva Mirabal Collection de la famille Mirabal.

D’une grande intelligence, Minerva est aussi d’une rare beauté. En 1949, la famille Mirabal est invitée à une fête en l’honneur du dictateur dans le palais de Trujillo. Très attiré par Minerva, le dictateur cherche à la revoir. Il invite les Mirabal à une autre soirée. Lors du bal, la jeune fille de 23 ans le repousse avec fermeté. Suit une troisième invitation à une nouvelle fête dans la maison de campagne du dictateur à laquelle la famille ne peut se soustraire, sous peine de représailles. Trujillo réitère ses avances mais Minerva les refuse encore. La famille décide alors de quitter les festivités.

Furieux et humilié, Trujillo fait arrêter, emprisonner et torturer leur père, Enrique Mirabal, qui finira par mourir des suites de ces mauvais traitements. Minerva et plusieurs de ses amis sont également arrêtés et interrogés sur leurs liens avec le Parti Socialiste Populaire. On propose à Minerva d’être libérée en échange d’une lettre d’excuse à Trujillo. Libérée malgré son refus, elle reste sous étroite surveillance, ainsi que sa famille.

Première femme doctorante en droit de la République dominicaine

Cet événement va bouleverser le destin des trois sœurs et précipiter leur engagement politique. Minerva retourne à l’université pour étudier le droit. Elle y rencontre son futur mari, Manolo Tavárez Justo, également un opposant au régime. La thèse de la jeune femme porte sur les droits de l’Homme et la nécessité de changer de régime dans le pays. En 1957, Minerva devient la première femme doctorante en droit de la République dominicaine. Toutefois, Trujillo l’empêche de pratiquer. Sur le même sujet

Violences faites aux femmes : 1 cas toutes les 3 minutes Avec la crise sanitaire de la Covid-19, du fait des confinements successifs, les violences conjugales (physiques, psychologiques, verbales et sexuelles) ont augmenté de 10% au premier trimestre 2020, comparé à la même période de 2019. Au total, 87% de ces agressions concernent des femmes (130 200 femmes sur les 159 400 victimes répertoriés). La plupart des situations revêtent des cas de violences physiques. Quid des féminicides ? Pendant le second confinement, ces assassinats auraient diminué de 13%, mais ces chiffres ne révèlent pas la réalité « puisqu’ils ne comptabilisent que les faits commis pendant les confinements qui ont été portés à la connaissance de la police et la gendarmerie au plus tard au début de janvier 2021 », décrit le ministère de l’Intérieur dans une communication du 22 novembre 2021.

Les sœurs « Mariposas », les sœurs « Papillons »

Des sœurs Mirabal, Minerva est la plus engagée contre le dictateur. Maria Teresa la rejoint dans son combat, suivie par Patria. Adela elle, reste en retrait. Dans les réunions clandestines d’opposition au dictateur auxquelles elle participe, Minerva se fait connaître sous le surnom de « mariposa », papillon. Ce qui vaudra aux trois sœurs d’être connues comme les « hermanas mariposas », les sœurs papillons.

Le Mouvement Révolutionnaire du 14 juin

Autour des sœurs Mirabal et de leurs époux naît un mouvement dissident, le Mouvement Révolutionnaire du 14 juin, nommé ainsi en hommage suite à une tentative d’insurrection soutenue par Cuba, durement réprimée par le dictateur, le 14 juin 1959. L’organisation, dirigée par Minerva et son mari, veut rassembler les groupes opposés à Trujillo, et préparer une révolution. La plupart des membres de la famille Mirabal s’y impliquent. Ils organisent des réunions clandestines, produisent et distribuent des tracts, collectent des armes et des explosifs en vue de la révolution. Sur le même sujet

L’assassinat des sœurs Mirabal

En janvier 1960, le régime arrête une centaine de membres de l’organisation dont les Mariposas. Condamnées à cinq ans de prison, elles trois sœurs sont torturées lors de leur détention. Dans le pays, elles gagnent en popularité et symbolisent désormais la révolution. Elles ont désormais derrière elle l’opinion publique du pays, même celle de l’Église catholique qui fut longtemps un soutien de Trujillo, ainsi que celle de la communauté internationale.

« S’ils me tuent, je sortirai les bras de la tombe et je serai plus forte. »

À peine sorties de prison, les sœurs Mariposas reprennent leurs activités clandestines d’opposition au régime. Conscientes du danger qui pèse sur elles, elles n’envisagent pas pour autant d’abandonner la lutte. Trujillo est désormais déterminé à se débarrasser définitivement d’elles. Dans un geste d’apparente bonne volonté, il fait transférer leurs époux, toujours incarcérés, à la prison de Salcedo, près de chez elles. Le 25 novembre 1960, alors que Patria, Minerva et María Teresa Mirabal reviennent de leur visite hebdomadaire à leurs maris, elles tombent dans une embuscade tendue par des membres des services secrets et sont assassinées à la machette avec leur chauffeur. Leurs corps sont ensuite replacés dans leur véhicule, qui est jeté du haut d’un précipice.

Les bustes des sœurs Mariposas.
Les bustes des sœurs Mariposas. Archives AFP

Particulièrement atroce, l’assassinat des sœurs Papillons soulève l’indignation de tout le pays. Le dictateur sera assassiné six mois plus tard, le 30 mai 1961, dans sa voiture. Minerva l’avait prédit : « S’ils me tuent, je sortirai les bras de la tombe et je serai plus forte. »

En 1999, les Nations Unies choisissent le 25 novembre, date de l’assassinat de Patria, Minerva et Maria Teresa Mirabal, pour la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Dans leur pays natal, ces jeunes militantes sont des martyrs. Un mémorial a été élevé en leur mémoire et leurs trois visages figurent aujourd’hui sur le billet de 200 pesos.

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