Thomas Legrand Éditorialiste politique à France Inter

Vous revenez sur le refus de Christiane Taubira de se présenter à l’élection présidentielle, un renoncement à participer à la présidentielle qui attriste beaucoup d’électeurs de gauche.

Présidentielle : pourquoi Christiane Taubira n'y va pas ? © Maxppp

Il faut se pencher, pour comprendre la décision de l’ancienne garde des sceaux, sur les raisons invoquées hier… Mais aussi sur les raisons pas formulées (et tout cas pas en public, nous allons y venir). 

Christiane Taubira, pressée par les initiateurs de la Primaire Populaire (des militants associatifs qui tentent d’organiser une primaire transpartisane à gauche), pressée aussi, il y a quelques mois, par les dirigeants du PS et même des écologistes, a toujours répondu ‘non, je ne participerai pas à l’éparpillement’. 

Pourtant c’est sur sa seule personne que l’on pouvait imaginer que toute la gauche non mélenchoniste (et même peut-être mélenchoniste d’ailleurs) aurait pu s’unir.

Sa candidature, il y a quelques semaines seulement, n’aurait pas été une candidature de plus (comme elle le fut tragiquement pour la gauche en 2002) mais une candidature propre à tarir l’inflation des autres candidatures, justement.

Pourtant elle a dit “non”

Christiane Taubira invoque son aversion pour l’idée même de l’homme ou la femme providentielle, (idée qui aurait atteint ses limites caricaturales avec la présidence Macron). Mais il y a un autre argument. Plus tragique dont Christiane Taubira ne parle pas spontanément, en tout cas pas en public.  

Lequel ?  Le risque, paradoxalement, serait que sa candidature, (parce qu’unique, parce que de rassemblement) lui permette d’atteindre le second tour. Le risque, oui ! 

Celui d’un face-à-face avec Marine Le Pen. Christiane Taubira ne se défile pas devant le combat, ne craint pas la confrontation intellectuelle et idéologique, bien sûr mais estime –en privé- que l’état d’esprit de la société, dominé par des débats identitaires, marqué par de multiples fractures, la diabolisation de toute une partie de l’antiracisme, la libération d’une parole discriminante,  seront le lit d’un entre-deux tours détestable, au cours duquel les vrais problèmes : la situation économique sociale et environnementale du pays, passeront au second plan. 

Christiane Taubira, femme noire et de gauche, ne veut pas rester dans l’histoire comme celle qui aura permis à l’extrême-droite d’accéder à l’Elysée

La raison invoquée qui, selon ses mots, ‘rentre en ligne de compte’ dans son refus de concourir, pourra être qualifiée par une partie de ceux qui comptaient sur elle, de décliniste, de défaitiste ou de prétexte. 

Ce peut être simplement aussi le résultat d’une analyse lucide de l’état du pays, de la nature des débats qui submerge la sphère publique. 

Qu’une responsable politique au profil rassembleur pour son camp en arrive à se dire que (parce qu’elle est noire) elle pourrait être facteur de division nationale… que cette responsable en arrive à estimer que sa simple présence au second tour cristalliserait trop de haine, a quelque chose de désespérant et en dit long, pas tant sur notre société, que sur l’état de notre débat public

Les invités

  • Christiane Taubira Ancienne garde des Sceaux, ministre de la Justice dans les gouvernements de Jean-Marc Ayrault I et II, puis de Manuel Valls I et II

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