L’antenne française d’Amnesty International, l’ACAT et la FIDH alertent le gouvernement sur le sort de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu administrativement par le pouvoir israélien.

Nous ne voulons pas de passe-droit. Nous réclamons la justice et le respect du droit international », lance avec émotion Elsa Lefort, épouse de Salah Hamouri, à l’occasion d’une conférence de presse organisée ce mardi 24 mai par Amnesty International, avec la participation de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).

L’acharnement du pouvoir israélien

Depuis plus de 15 ans, cet avocat et militant franco-palestinien subit un véritable acharnement de la part du pouvoir Israélien, bien décidé à faire taire ses opposants. Il est arrêté une première fois par les forces militaires israéliennes en 2005, sans véritable motif. Soumis à un chantage à la lourdeur de peine, il plaide coupable en 2008 après trois ans de détention préventive, tout en continuant de clamer son innocence. Salah Hamouri est alors condamné pour avoir prétendument fomenté un complot visant à assassiner un responsable religieux. Sorti de prison en 2011, le militant rencontre Elsa Lefort, fille de l’ancien député communiste Jean-Claude Lefort et figure de proue de ses soutiens dans l’hexagone.

« J’ai eu l’immense bonheur d’assister à la fête de sa libération à Jérusalem », raconte Elsa Lefort. « Nous nous sommes mariés en 2014 et, à cet instant, je suis devenue un moyen de pression, utilisé par les autorités israéliennes sur mon époux. » Après une détention de trois jours à l’aéroport de Tel-Aviv alors qu’elle était enceinte, la jeune femme est aujourd’hui interdite d’entrée en Israël, ce qui prive le couple et ses deux enfants de tout espoir d’une vie de famille.

Un usage abusif de la détention administrative

En août 2017, Salah Hamouri est de nouveau arrêté à son domicile. Il ne sera libéré qu’après 13 mois de détention. Rebelote le 30 juin 2020 et le… 7 mars 2022, date depuis laquelle le militant est enfermé dans une prison de Cisjordanie dans l’attente d’être jugé par une cour militaire. Le point commun entre ces trois incarcérations ? Salah Hamouri n’a été ni jugé, ni inculpé et n’a même pas été informé des chefs d’accusation qui pèsent contre lui. L’avocat est aussi menacé d’expulsion de Jérusalem. « L’armée israélienne utilise une procédure de détention administrative, qui lui permet d’enfermer indéfiniment des prisonniers, sur la base d’informations tenues secrètes, sans procès », explique Bernadette Forhan, présidente de l’ACAT. En d’autres termes, « c’est une parodie de justice », résume-t-elle. « Certains détenus administratifs témoignent même avoir subi régulièrement des actes de torture », relate Mariam Farah, membre de la section israélienne d’Amnesty International. Selon l’association Addameer pour laquelle travaille Salah Hamouri, près de 500 palestiniens seraient actuellement détenus administrativement, dont 2 enfants.

En théorie, la détention administrative est permise par le droit international mais doit être extrêmement limitée, encadrée, et ne doit en aucun cas servir d’arme discriminatoire envers une ethnie ou un peuple. « Le régime israélien viole allégrement un nombre incalculable d’articles de loi, de traités et de conventions reconnus par le droit international », regrette Bernadette Forhan. Pour la militante, l’utilisation abusive de ce dispositif vise avant tout à « fragiliser une société civile palestinienne en recherche de démocratie et de liberté, en s’attaquant aux défenseurs des droits, aux enseignants, aux journalistes, aux avocats ».

Pour fragiliser ses opposants et justifier sa terrible répression, le pouvoir israélien a aussi placé sur la liste des organisations terroristes qui menacent le pays six associations qui défendent les droits des Palestiniens, dont Addameer. Face à ces agissements, Amnesty International dénonce dans un rapport publié en février un véritable régime d’apartheid qui cible les Palestiniens et demande l’ouverture d’une enquête internationale. Mariam Farah cite, à titre d’exemple, l’assassinat de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh visée par un tir de sniper en Cisjordanie, et qui n’a donné lieu à aucune véritable enquête. « Le système d’apartheid que nous avons mis en lumière est criminel et doit être jugé par la Cour pénale internationale », affirme Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France.

Appel au gouvernement français

En marge de la conférence de presse de ce 24 mai, un communiqué signé par Amnesty International, l’ACAT et la FIDH et 10 autres associations et syndicats, est diffusé. Les 13 organisations appellent le gouvernement français à agir contre la détention arbitraire de Salah Hamouri, qui possède la nationalité française, et à empêcher son expulsion. « Si la décision d’expulser mon époux était confirmée par la justice israélienne, sa déportation forcée constituerait un crime de guerre, au regard du droit international », affirme Elsa Lefort. « J’en appelle à Emmanuel Macron pour qu’il obtienne de ses homologues israéliens la libération de mon époux le 6 juin 2022, date à laquelle il risque, soit la prolongation de sa détention, soit l’expulsion définitive de Palestine. »

Alors que la situation de Salah Hamouri est connue de l’Elysée depuis de longues années, Emmanuel Macron n’a jamais pris franchement position en faveur de la libération de ce compatriote. En coulisses, les interlocuteurs gouvernementaux d’Elsa Lefort lui auraient expliqué privilégier une forme de diplomatie plus « discrète ». Pour la survie de Salah Hamouri et sa famille, l’heure n’est définitivement plus à la confusion entre discrétion et inaction.


Yann Mougeot

par Yann Mougeot
publié le 24 mai 2022

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