MÉMOIRE Il y a plus de vingt ans un jour d’hiver rude, je vais là bas.

Face à l’auberge toujours debout où festoyaient les responsables nazis, les officiers SS, les professeurs de médecine de la fac de Strasbourg qui faisaient des expériences sur les détenus, auberge toujours présente, accueillant les chasseurs, il y a la chambre à gaz.

Sur la porte de la chambre à gaz une pancarte administrative: “Chambre à gaz provisoirement fermée”.

Sic.

No comment.

C’est “français”.

On paye pour entrer.

On paye pour voir la chambre à gaz.

On peut prendre un billet avec chambre à gaz ou sans chambre à gaz.

La dame vous prévient: “c’est à vingt minutes: si vous faites le tour sans vous attarder vous pourrez arriver avant la fermeture de la chambre à gaz. Ah, vous voulez faire des photos? Ah, ben, je vous déconseille alors, il est 16h 15 et elle ferme à 17h. Remarquez vous pouvez la voir de l’extérieur, vous savez il y a rien de spectaculaire à voir dedans. Et puis vous pourrez prendre un chocolat en face, ça vous rechauffera, vous venez de ma part, hein….”

C’est vrai, c’est pas si spectaculaire… hein, j’ai pas fait de photos. Je me souviens de tout pourtant. Surtout des griffures d’ongles au plafond. Il y a même des ongles qui sont restés plantés.

Il se trouve qu’une sorte de hasard m’a fait trouver dans une brocante en Normandie les volumes comprenant le rapport du colonel américain qui a libéré le camp avec les rapports des soldats, sous officiers et officiers qui sont entrés les premiers, les premières photographies faites, puis le très long et très détaillé rapport de la commission d’enquête américaine: la fille du professeur qui dirigeait les “expériences médicales” sur les juifs, une femme qui a poursuivi sa carrière de professeur de médecine à l’université de Strasbourg et à même été présidente de l’université de médecine dans les années 80, une femme qui avait fait conserver des corps de juifs à la fac de médecine, sinistre tombeau découvert non sans scandale récemment, Michel Cymes s’était fait fort mal voir pour avoir consacré une émission scandalisée à la chose, cette femme a eu l’audace, l’inconscience, la monstruosité de venir entourée de ses assistants prendre contact avec le colonel américain qui menait des investigations et prenait soin de faire enterrer aussi décemment que possible les corps des malheureux suppliciés “au nom de la recherche médicale” en tentant de les identifier: elle prétendait récupérer les corps “au nom de la science” – patron de la fac de médecine de Strasbourg elle a tranquillement terminé sa carrière, couverte d’honneur.

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