On l’a vu dans un précédent article historique consacré à la grippe espagnole de 1919, les épidémies voyagent avec les hommes . Les déplacements sont un vecteur des épidémies. Ce sera aussi le cas pour la peste noire qui frappera l’Aquitaine au XIVe siècle.

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« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». C’est La Fontaine qui, au travers d’une fable, parle de la peste.

Une maladie propagée par le bacille « yersinia pestis » et qui prend deux formes, la peste bubonique et la peste pulmonaire. Cette dernière est la plus contagieuse et la plus mortelle. Depuis l’Antiquité elle est responsable de millions de morts notamment au XIVe siècle, au XVe, au XVIe et au début du XVIIe siècles.

La première pandémie de peste noire comme on l’appellera se déclare en France entre 1347 et 1357 et emportera 30 à 50 % de la population.

Les Mongols inventèrent la guerre bactériologique

En France elle touche en premier lieu Marseille, un lieu déjà important de transit sur la Méditerranée. La peste noire s’est déclarée d’abord en Asie centrale . Elle gagne, par la route de la soie, Caffa, au bord de la mer Noire, où les Génois ont installé un comptoir commercial, qui assure les échanges entre Orient et Occident.

A l’époque, un différent oppose les Génois aux Mongols qui ont organisé un siège de la cité fortifiée au moment même où la peste noire arrive d’Inde et de Chine.

Précurseurs meurtriers et pervers, les Mongols, touchés par l’épidémie, inventent un stratagème pour se débarrasser de leurs ennemis et mettent en œuvre la toute première forme de guerre bactériologique les infectant en jetant par dessus les remparts le corps de leurs propres soldats morts du redoutable bacille pulmonaire, avant de s’enfuir.

Les Génois désertent alors les lieux en embarquant dans leurs galères.

L’un de ces bateaux accoste à Marseille. Ses passagers clandestins , les rats ont propagé la maladie pendant le voyage et elle se répand dans la ville littorale , les puces, autre vecteur de contagion prenant le relais des rongeurs.

16 000 marseillais vont y perdre la vie.

Après cette diffusion maritime originelle, l’épidémie se répand dans l’Hexagone par les voies fluviales et terrestres, au fil des échanges commerciaux, ou des approvisionnements du Royaume. Tout le pays, mais aussi l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, l’Allemagne toute l’Europe occidentale est touchée.

On comptera 7 millions de victimes en France sur les 17 millions d’habitants qu’elle compte.

En Lot-et-Garonne elle touche essentiellement Puymirol sans que les raisons de cette propagation, limitée géographiquement, puisse être éclaircie.

Processions et flagellants

A l’époque ce sont les religieux qui dirigent les opérations sanitaires et inspirent les processions de pénitents et de flagellants qui espèrent ainsi expier leurs péchés et gagner la grâce divine.

A Puymirol, une cérémonie religieuse sera ainsi prorogée au fil des siècles. Partant de l’église Notre Dame de Grand-Castel, elle remonte les rues de la vieille ville en portant le Saint Sacrement.

En France, devant le nombre de victimes on embauche des charpentiers de marine pour relayer les menuisiers locaux pour la construction de cercueils quand on ne procède pas à l’incinération pure et simple des pestiférés sur de grands bûchers.

De Marseille, la peste noire gagne Toulouse et par la Garonne l’Aquitaine et Bordeaux où l’on incite les notables à quitter la ville pour gagner la campagne et leurs riches résidences secondaires. Autant dire que les classes populaires sont les plus touchées , par défaut d’hygiène et à cause de l’insalubrité et affaiblies en outre par la famine qui vient de sévir.

Nostradamus perd à Agen sa femme et ses deux enfants

Au XVIe et XVIIe siècles, le port bordelais sera à nouveau touché au fil de nouvelles vagues de peste qui affecte à nouveau la France. Cette fois, les médecins ont remplacé les religieux, curieusement affublés d’une tunique qui recouvre le corps jusqu’aux pieds, de gants, et d’un masque en forme de bec dont la pointe renferme des herbes aromatiques contre les miasmes de la maladie.

Le Lot-et-Garonne paie cette fois un lourd tribut. L’épidémie va toucher Casseneuil et y fait 200 victimes, puis Villeneuve-sur-Lot, Sainte-Livrade, Agen, Nérac, Sainte-Bazeille (500 morts), Casteljaloux. On totalise 100 000 victimes dans le grand Agenais.

Nostradamus qui s’est installé au vallon de Vérone, à la sortie d’Agen , chassé par l’Inquisition, y exerce les fonctions d’apothicaire, alchimiste, herboriste et vaguement médecin. Ce proche de Scaliger ne pourra cependant, malgré son art, sauver son épouse Henriette d’Encausse, son fils et sa fille de la peste. Ils seront enterrés comme les autres victimes, à La Capelette, aux limites dAgen et de Boé où les corps sont ensevelis dans de la chaux vive.

Il faudra attendre, en Aquitaine, la seconde partie du XVIIe siècle pour que la peste disparaisse à jamais.

J-L G.

Prochain article : 3) Choléra:l’Aquitaine relativement épargnée au XIXe siècle.

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