À Bordeaux, les récits glaçants d’une « descente de militants d’extrême droite violents » au cœur de Saint-Michel

Des violences ont été commises à l’angle des rues des Faures et des Menuts, vers 2 heures du matin, samedi. © Crédit photo : Capture d’écran « Sud Ouest » Par Elisa Artigue-Cazcarra – e.cazcarra@sudouest.fr

Des vidéos circulent sur Internet, depuis ce samedi 25 juin. Selon des habitants que « Sud Ouest » a rencontrés, une dizaine d’hommes, dont certains masqués, a fait irruption dans le quartier, dans la nuit de vendredi à samedi, scandant des slogans racistes et provoquant les passants

Que s’est-il passé à Saint-Michel, quartier populaire du centre de Bordeaux, dans la nuit de vendredi à samedi 25 juin ? Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, dénonçant « une série d’agressions par un groupuscule d’extrême droite », selon Nikola Dobric, étudiant à Paris qui est le premier à avoir posté ces images. « Elles ont été filmées par un ami, témoin de la scène depuis son appartement », explique-t-il au téléphone. « Scandalisé », il a décidé de les diffuser. Elles montrent des heurts à l’angle des rues des Faures et des Menuts.

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Nous avons rencontré ou échangé avec cinq personnes qui ont assisté aux faits, des habitants ou des travailleurs dans le quartier. La plupart ont requis l’anonymat, « par crainte de représailles ». Toutes décrivent « une descente de militants d’extrême droite provocateurs et violents au cœur de Saint-Michel », vers 2 heures du matin.

« Tu votes pour qui ? »

Arnaud (1) venait de débaucher. « Je discutais avec un collègue sur la place Meynard, quand on a vu arriver un groupe d’une dizaine d’hommes, certains le visage masqué. Ils hurlaient : « Antifa, on vous encu… ! » « Bordeaux nationaliste ! » L’un s’est approché de nous et nous a lancés, de manière très agressive et intimidante : « Tu votes pour qui ? T’as une tête à voter Mélenchon. » Pour apaiser, mon collègue a dit qu’on ne votait pas. Le mec nous a forcés à lui serrer la main et ils nous ont lâchés, continuant à beugler leurs slogans. » Bordeaux nationaliste est un groupuscule d’extrême droite, dont le nombre de militants est nébuleux.

Violence et provocation

Habitant de Saint-Michel, enseignant, Guillaume Formaro sortait d’une soirée entre amis quand il est tombé sur cette troupe. « Ils hurlaient sur la place. J’ai entendu l’un insulter une femme qui passait : « Petite pute, retourne sucer des nègres. » Mon sang n’a fait qu’un tour. Ils ont remonté la rue des Faures vers le cours Victor-Hugo, en criant « La rue est à nous ». Je me suis dit qu’ils allaient s’en prendre à des gens, je les ai suivis. À l’angle avec la rue des Menuts, ils se sont arrêtés devant des jeunes et les ont pris à partie. J’ai voulu intervenir, un des fachos a sorti une grosse lacrymogène, m’a gazé et un autre m’a frappé au visage », raconte le quinquagénaire qui compte porter plainte. Amin, un autre habitant, confirme « les propos racistes », « la provocation », « la violence ».

« Des cris de singe »

Au même moment, Julien (1) et Jérémy dorment dans leur colocation, rue des Menuts. « Des cris m’ont réveillé. En regardant par la fenêtre, j’ai compris. Les fachos gueulaient « rentrez chez vous », l’un poussait des cris de singe devant des jeunes Maghrébins. C’était surréaliste. Cela s’est envenimé et c’est parti en jet de bouteilles, de poubelles. J’ai filmé la scène pour la remettre à la police. J’ai composé le « 17 », à 2 h 15. Je suis tombé sur une dame à qui j’ai dit ce qu’il se passait et qu’il fallait qu’ils viennent rapidement. Tout est allé très vite. Les fachos se sont enfuis. Je suis resté éveillé jusqu’à 2 h 45-3 heures, au cas où la police arrivait, mais je ne l’ai pas vue », explique Julien, encore sous le choc.

Enquête ouverte

De source policière, « plusieurs équipages ont été envoyés sur place, dans un délai rapide après cet appel, mais les protagonistes avaient disparu ». Ce dimanche, aucune plainte n’avait été déposée. Sur instruction du parquet de Bordeaux, une enquête a toutefois été ouverte pour « violence avec arme ». Les investigations ont été confiées à la direction départementale de la sécurité publique.

Sur les réseaux sociaux, Bordeaux nationaliste a publié un message ce week-end, parlant d’une bagarre avec « des supporters de Liverpool ». Il appartiendra à la justice de vérifier cette version très éloignée des témoignages recueillis par « Sud Ouest ».

(1) Le prénom a été changé.

« Des actes insupportables »

Contacté, l’adjoint au maire en charge de la tranquillité publique, Amine Smihi, confirme avoir été informé « de provocations à caractère xénophobes et racistes », dans la soirée de vendredi à samedi, à Saint-Michel. « Des actes insupportables. Il faut que les auteurs soient identifiés. Pour cela, il est nécessaire que les témoins se fassent connaître auprès de la police et que des plaintes soient déposées », insiste-t-il. « S’agit-il du même groupe qui a agi lors de la Marche des fiertés, scandant des propos LGBTphobes ? Nous nous interrogeons. Cette année, nous avons connu plusieurs faits s’apparentant à de telles pratiques extrémistes, des affichages xénophobes, des dégradations de passages piétons arc-en-ciel. La radicalisation et la polarisation du propos politique finissent, chez des jeunes décérébrés, par des passages à l’acte », alerte l’élu.

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