Est-ce dû à la domination d’un journalisme politique médiocre qui ne vit qu’en pensant aux derniers tweets et aux prochaines élections ? Les crimes de guerre du Hamas en Israël aussitôt suivis de massacres israéliens à Gaza ont permis à la classe politique et aux journalistes français de favoriser deux objectifs jumeaux : disqualifier l’« extrême gauche », blanchir l’extrême droite. L’arme utilisée dans les deux cas ? L’accusation d’antisémitisme, dirigée contre ceux qui en sont innocents alors que certains coupables en sont innocentés.

Vassily Kandinsky – « Schwarzer Fleck » (tâche noire), 1912

« Est-ce que Jean-Luc Mélenchon est antisémite ? » fut la première question posée, le 14 novembre, par une journaliste vedette de BFMTV à une députée de La France insoumise. Pour ce genre d’accusation, aucune preuve n’est requise : il suffit de décréter qu’un terme employé par celui qu’on a condamné d’avance renvoie à une association d’idée antisémite. Ce peut être la critique du capitalisme, des lobbys américains, de la démocratie libérale, des médias… ou même des choix politiques de l’extrême droite israélienne, pourtant récusés par nombre de Juifs. Noam Chomsky, Pierre Bourdieu, Hugo Chávez, Jeremy Corbyn, mais aussi Le Monde diplomatique, ont subi ce genre de campagne d’autant plus dévastatrice que ce soupçon est – légitimement – infamant.

Dans le même temps, l’extrême droite, dont l’antisémitisme est un des sous-bassements historiques, obtient son brevet d’honorabilité républicaine. Parce qu’elle cravache avec vigueur le cheval antimusulman de plus en plus populaire dans la classe politique occidentale à l’heure du « choc des civilisations ». Et parce que ses amis politiques, ultranationalistes et souvent racistes, sont au pouvoir en Israël. Il serait paradoxal qu’une mobilisation contre l’antisémitisme serve de marchepied à l’accession au pouvoir de l’extrême droite en France.

Dominique Vidal, mai 2004

Accuser de judéophobie quiconque critique la politique du gouvernement israélien, c’est non seulement se livrer à un chantage inacceptable, mais aussi alimenter le mal qu’on prétend combattre. ->

une citation

« Puis tout à coup, on ne sait comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’oeil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ? » Beaumarchais, Le Barbier de Séville.

deux chiffres

Nombre d’articles de presse et de séquences audiovisuelles* comportant les mots « Mélenchon » et « antisémite » :
– entre le 7 octobre et le 7 novembre 2022 : 4
– entre le 7 octobre et le 7 novembre 2023 : 480 *répertoriés par l’agrégateur Europresse

un graphique

Évolution des intolérances

diplomatique, novembre 2023

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