« Depuis le premier jour de ma détention, j’attends avec impatience le jour où je pourrais m’exprimer dans un procès indépendant et équitable pour dénoncer le crime commis contre moi. Je suis prêt, impatient même, d’être jugé, mais en état de liberté » : Soulaiman Raïssouni, journaliste marocain emprisonné arbitrairement, en grève de la faim depuis près de 3 mois, s’exprime dans une lettre dictée le 17 juin 2021 à ses avocats.

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·  Je suis entré aujourd’hui, jeudi 17 juin 2021, dans le 71e jour de cette bataille de la grève de la faim, grève dont ne doute ni la direction de la prison ni le ministère public.

Comment des gens sensés peuvent imaginer qu’on puisse être en bonne santé au troisième mois d’une grève de la faim, après avoir perdu 35 kg depuis son arrestation et 18 kg depuis avoir cessé de s’alimenter ?

Et après que sa jambe droite soit devenue presque paralysée comme l’ont constaté deux médecins de la prison ainsi que le professeur Boutayeb ? Ce dernier m’a foudroyé, devant la mission du Conseil national des Droits de l’Homme qui m’a rendu visite mercredi 16 juin, lorsqu’il m’a annoncé: « J’ai le regret de vous dire que vous ne recouvrerez pas la sensation de votre jambe droite même si vous reprenez la marche après des soins et la rééducation ».‎

Qui dit que ma grève de la faim est une preuve de lâcheté (comme me l’a dit le substitut du procureur général Messoudi), je répondrai : « D’accord ! Cessez de vous alimenter ne serait-ce que la moitié du temps qu’a duré ma grève et après cela, si vous me condamnez à la peine maximale, je l’accepterai volontiers. »

La grève de la faim est la forme de protestation la plus extrême. Ne peut l’entreprendre que celui qui a été victime de la plus grande des injustices. Bouazizi s’est-il immolé par lâcheté ?‎

Depuis le premier jour de ma détention, j’attends avec impatience le jour où je pourrais m’exprimer dans un procès indépendant et équitable pour dénoncer le crime commis contre moi.

Je suis prêt, impatient même, d’être jugé, mais en état de liberté. C’est mon droit et je l’obtiendrai, soit devant le tribunal de Casablanca soit devant le tribunal de Dieu.

Enfin, et ce que je vais dire n’a pas pour objectif d’obtenir la sympathie de celui qui détient le pouvoir judiciaire ou politique, mais ce sera mon dernier mot.

Je suis père d’un enfant qui n’a pas deux ans et si, par malheur, il devait subir une agression, je pourrais en perdre la raison et je serai capable de commettre un geste insensé, et bien  je vous dis, si j’ai violé quelqu’un, ou tenté de violer quelqu’un, ou même pensé un jour à commettre un tel crime, je demanderai à Dieu qu’il fasse subir la même infamie à mon fils.‎

Moi, qui a commencé cette grève qui peut me conduire à tout moment à la mort, je vous dis que si j’ai séquestré quelqu’un, que Dieu me refuse sa miséricorde et me jette dans les flammes de l’enfer.‎

‎Au revoir, Où ? Je ne le sais pas.

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