Clin d’œil à une radio amie, qui soutient Ancrage et accueille depuis plus d’un an maintenant une émission hebdomadaire autour du guide du bordeaux colonial dont notre revue est partie prenante. (La rédaction d’Ancrage)

L’aventure de La Clé des Ondes a commencé à quatre, avec les moyens du bord. © Crédit photo : Archives Sud Ouest

Par Théo Abarrategui
Publié le 16/08/2021 à 17h34
Mis à jour le 17/08/2021 à 18h07

Apparue avec la libéralisation de la bande FM en 1981, la radio associative bordelaise n’a pas cessé d’émettre, revendiquant son indépendance, son ancrage politique et sa diversité culturelle

Quand on grandit à Bordeaux dans les années 1990 ou 2000, on découvre le nom de La Clé des Ondes dans la rue, à la faveur de petits autocollants plaqués çà et là, derrière des panneaux d’affichage. On apprend bientôt qu’il s’agit d’une radio locale et associative, fréquence 90.1 (après qu’elle en a changé deux fois), aux nombreux programmes musicaux de tous horizons, et ouvertement marquée à gauche.

Le micro des luttes sociales, en fait, et des mouvements ouvriers et syndicaux, de l’immigration, du féminisme, des minorités LGBT, de l’écologie. Ceci depuis 1981, et le boom mitterrandien des radios libres. L’idée originelle a germé dans la tête de Marc Ducasse, alors délégué syndical dans une usine de métallurgie à Mérignac. « À l’époque, il y avait les radios publiques, les radios périphériques et commerciales, mais rien qui se fasse l’écho des luttes. Avec l’élection de Mitterrand, on savait que la libéralisation de la FM allait passer, alors j’ai foncé. »

Donner la parole

Marc réunit un peu de sous, de quoi investir dans un émetteur, une antenne et une table de mixage. Pour local, son petit appartement de la rue Neuve (1). Il en parle à des amis, dont José Sanchez, ouvrier à la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles. Celui-ci sera président de la radio pendant vingt-cinq ans. « C’était extraordinaire de donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas, se souvient-il. Confier la clé des ondes aux acteurs sociaux qui en étaient dépourvus, voilà ce que signifiait notre nom. »

« On passait de la musique avec nos propres platines et disques vinyles. Les premiers jours, on n’avait même pas de micros »

« Je ne voulais pas de nom qui commence par Radio, parce que tout le monde faisait ça, ajoute Marc. J’avais d’abord pensé au Quai des Ondes, pour donner une couleur locale. » Accompagnés de deux autres camarades, Matthias et Annie, Marc et José émettent le soir, après l’usine, avec les moyens du bord. « On passait de la musique avec nos propres platines et disques vinyles. Les premiers jours, on n’avait même pas de micros, on s’enregistrait sur des cassettes qu’on diffusait ensuite ! », s’amuse José.

« Culturellement, ça détonnait »

Les quatre voix de la Clé ont leurs adresses dans les milieux syndicaux et associatifs bordelais. Rapidement, les invités défilent et le nombre de bénévoles s’agrandit, jusqu’à atteindre les 80 au bout de quelques années. Pour Marc, « culturellement, ça détonnait. On entendait des grévistes, des manifestants, des gens qui expliquaient leur engagement. » Il devient l’unique salarié de la structure, et le reste jusqu’en 2017.

L’autre volet essentiel de la radio, c’est sa programmation musicale, à contre-courant du Top 50. L’émission phare des premières années se nomme « Sous les pavés, la chanson ». José : « On passait Higelin, Lavilliers, Béranger quand ils n’étaient pas encore très exposés. On travaillait aussi avec des chanteurs du coin, comme Denys Millepied. » Suivront de nombreuses émissions de blues, reggae, salsa, rock ou musique portugaise.

En outre, la Clé des Ondes couvre quelques années le festival de jazz d’Uzeste, occasion de se délocaliser complètement. Entre 1986 et 2000, c’est Musiques en couleurs, série de concerts festifs contre le racisme, que la radio co-organise à Saint-Michel avec l’association Asti, venant en aide aux immigrés. Sont d’abord invités des artistes bordelais, puis de sérieuses têtes d’affiche : Pierre Vassiliu, Paul Personne, Mory Kanté et Manu Dibango.

Colères et amitiés

Ce même Manu Dibango qui a laissé, en 1994, un beau souvenir à José : « On avait dû annuler le concert à cause d’un orage, et il a accepté de revenir gratuitement trois mois plus tard ! » Musiques en couleurs prend fin suite à des insuffisances financières. La Clé des Ondes, elle, tient bon, sans pub, grâce aux subventions et aux cotisations des bénévoles.

Ses fondateurs la voient bien durer encore. « Les finances seront toujours une inquiétude, mais les colères, les engagements perdurent », sourit Marc Ducasse. Sans parler, pour José Sanchez, « des amitiés qui se sont créées ». Et le slogan de la Clé des Ondes de rester, depuis 40 ans, intact : « La radio qui se mouille pour qu’il fasse beau ».

(1) Les locaux de la Clé des Ondes sont aujourd’hui cours Édouard-Vaillant.

Des souvenirs à partager

À l’occasion de ses quarante ans, La Clé des Ondes est preneuse d’archives et de témoignages d’auditeurs, pour donner de l’ampleur à un fonds trop maigre. « Vous avez des anecdotes à raconter, des vieilles cassettes ou des enregistrements du direct, ça nous intéresse », écrit la radio sur son Facebook. Il est possible de les contacter à l’adresse mail 40ans@lacledesondes.fr, ou de laisser un message sur le répondeur, au 09 62 63 35 46.

Images liées:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.