En 2013, le camp palestinien de Yarmouk, en Syrie, a subi un blocus infernal.

Yarmouk est une ville proche de Damas, où se trouve depuis 1957 un camp de réfugiés palestiniens. À l’été 2013, Bachar Al-Assad y impose un blocus intégral. Abdallah Al-Khatib, qui n’a jamais utilisé une caméra, se met alors à filmer.

Little Palestine, journal d’un siège, Abdallah Al-Khatib, 1 h 29.Le siège provoque une terrible famine. Les premiers touchés : les personnes âgées, qui, si elles sont isolées, meurent de faim, et les bébés, leurs mères n’ayant plus de lait. Le riz a disparu. On mange ce qu’on trouve, c’est-à-dire de l’herbe. Les enfants se chargent de la couper. Le cinéaste discute longuement avec Tasnim, agenouillée avec son couteau, séparant les herbes des fleurs toxiques. Soudain, des bombes tombent tout près d’eux. « Je n’ai pas peur », confie l’enfant à Abdallah Al–Khatib, qui lui demande : « Est-ce que la vie pourrait être pire qu’ici ? »« Non », répond-elle.

Les gens déambulent sans fin et sans but. Le cinéaste filme sa mère, femme rayonnante qui s’est improvisée infirmière et porte secours à toute personne abandonnée ou lui demandant de l’aide. On perçoit la brutalité du chacun pour soi mais on assiste à des gestes de solidarité. À bout de force, épuisée, la population tente une sortie, réussit à forcer une barricade, mais doit se replier sous les balles des snipers. Ces images en évoquent d’autres : les immeubles en ruine, les êtres martyrisés tenus dans un ghetto.

En mars 2015, Daech a pris le contrôle du camp, expulsant nombre des Palestiniens qui s’y trouvaient. Abdallah Al-Khatib fut de ceux-là. En Allemagne, où il s’est réfugié, il a pu récupérer les disques durs contenant ses enregistrements. Il en a tiré un film à la fois sobre (sans musique ni enrobage ajoutant au pathos), avec un sens du cadre inouï, témoignant de la vitalité et du désespoir des habitants de Yarmouk assiégé. Little Palestine, journal d’un siège est un très grand film.


par Christophe Kantcheff

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