Écrit par Sandrine Papin et Marie-Pierre Dabrigeon

Plus d'un millier de personnes d'origines roumaines ou bulgares vivent dans des squats de la métropole bordelaise, selon des associations qui leur viennent en aide. Des populations en errance, depuis des mois, voire des années. Ces dernières semaines, les évacuations de camps se sont multipliées.
Plus d’un millier de personnes d’origines roumaines ou bulgares vivent dans des squats de la métropole bordelaise, selon des associations qui leur viennent en aide. Des populations en errance, depuis des mois, voire des années. Ces dernières semaines, les évacuations de camps se sont multipliées. • © France 3 Aquitaine

Jamais au même endroit et toujours menacés d’expulsion. De squats en squats, des Roms mènent une longue vie d’errance à travers la Gironde. Une cinquantaine de personnes vient de s’installer près du lac de Bordeaux.

Ces familles ont trouvé refuge à quelques encablures des quais et de son célèbre miroir d’eau, si prisés des touristes : dans le quartier du lac de Bordeaux, où un autre monde se dessine, celui de la misère. Des Tziganes, originaires de Roumanie, viennent d’arriver sur un terrain vague. Ils y ont installé un campement de fortune ou se mêlent caravanes hors d’âge et voitures cabossées. Ici, il n’y a ni eau potable, ni sanitaires et pas d’électricité. 

Pas d’accès à l’eau

D’expulsions en expulsions, leurs conditions de vie sont misérables. En ce début du mois de septembre, la chaleur est écrasante et la lassitude se lit sur les visages des occupants. Parmi eux, Florin Mihai venu avec ses enfants et ses petits-enfants. “Il n’y a pas d’accès à l’eau, pas de courant électrique, pas de ramassage des poubelles, témoigne-t-il. La saison de la vigne a déjà commencé déjà, et on n’a rien pour stocker la nourriture parce qu’il n’y a pas de courant. On aimerait bien mettre de l’eau fraîche au frigo, mais c’est compliqué ! ” 

Sa femme est fatiguée. Sans courant, nous dit-elle, “on ne peut pas mettre de petits ventilateurs. Il fait trop chaud dans la caravane. Le soleil et la chaleur tapent très fort. C’est insupportable. On ne peut pas faire de sieste”.

Sans électricité et par des chaleurs caniculaires, impossible de se reposer dans les vieilles caravanes
Sans électricité et par des chaleurs caniculaires, impossible de se reposer dans les vieilles caravanes • © France 3 Aquitaine

Dans leur caravanes le soir et dans la vignes la journée

Dans ce campement, tout le monde se connaît. Tous viennent d’un même quartier de Bucarest. Ensemble, ils errent au gré des évacuations ordonnées par les autorités. “C’est vraiment difficile de changer, d’aller de camp en camp. Même pour la route, nous n’avons pas les caravanes qu’il faudrait. Elles ne sont pas très propres, on roule même sur l’autoroute avec, c’est quand même risqué ! ” dit un autre.

Florin, sa femme et les autres auraient besoin de se reposer. Ils sont saisonniers, employés pendant les vendanges dans des exploitations viticoles en manque de main d’œuvre. Ce sont des précaires de la vigne. “On aimerait pouvoir se doucher correctement en rentrant, surtout pour enlever les désherbants, c’est toxique ! “confie Adriana Mihai.

Une santé fragilisée

Ces mauvaises conditions sanitaires ont des conséquences sur la santé, physique et mentale. “La plupart de ces personnes sont des saisonniers viticoles. Quand elles reviennent des vignes, elles ne peuvent pas se laver, alors qu’elles sont exposées à des risques phytosanitaires importants, confirme Claire Dugleux de Médecins du Monde, qui les suit dans leur quotidien.

Cela entraîne des difficultés au niveau dermatologique, pulmonaire. Il y a aussi beaucoup d’allergies. On a également des problèmes de chaleur caniculaire : ils ne peuvent pas boire de manière suffisante. Claire Dugleux de Médecins du Monde

à France 3 Aquitaine

Les associations estiment ces évacuations contre-productives et absurdes. “Cela ne règle absolument pas la situation de ces personnes, bien au contraire. Ces expulsions créent beaucoup de vulnérabilité, beaucoup d’angoisses”, poursuit Claire Dugleux.

Au total, ces Bulgares sont aujourd’hui une cinquantaine à vivre dans ce bidonville à ciel ouvert. Et peut-être bien davantage dans les jours à venir, ce que redoute Léonard Velicu de l’association Eurrom Roumanie. “Avec les vendanges, beaucoup de gens vont arriver, plusieurs centaines de personnes risquent de venir et cela risque d’être compliqué. Il y aura encore plus de promiscuité, dans des conditions sanitaires déplorables.”

Voir le reportage de France 3 Aquitaine

durée de la vidéo : 00h02mn00s

La longue errance des familles Roms à Bordeaux • ©France 3 Aquitaine

“Ces personnes font pourtant vivre la région”

Leonard Velicu plaide pour une solution de stabilité. Il aimerait disposer d’un terrain vide, qui permettrait aux gens de s’installer avec un règlement intérieur. “Cela permettrait que le site ne transforme pas en déchetterie, de pouvoir travailler sur l’accompagnement des enfants. Ils sont sans cesse déscolarisés. Ce n’est plus possible”.

Selon le militant, 1082 personnes de toutes origines et 226 enfants sont répartis dans des campements de fortune sur 89 sites de la métropole bordelaise.

Une cinquantaine de personnes dont des enfants vit dans des abris de fortune dans le quartier du Lac à Bordeaux
Une cinquantaine de personnes dont des enfants vit dans des abris de fortune dans le quartier du Lac à Bordeaux • © France 3 Aquitaine

“On est confronté à des situations ou des personnes sont dans l’instabilité constante. Vous, quand vous changez de travail, vous mettez du temps à vous adapter. Là, ces personnes ne savent pas quand elles vont être expulsées, dans quelles conditions elles vont vivre, ni comment elles vont se rendre sur leur lieu travail. Et pourtant elles font vivre la région, elles travaillent à la vigne”, insiste Claire Dugleux de Médecins du Monde.

Impossible de dire aujourd’hui combien de temps Florin et sa famille resteront installés près du lac de Bordeaux. Ils ne le savent pas eux-mêmes. Seule certitude, ils savent qu’ils devront reprendre la route. En attendant, certains arrivent, d’autres partent. De Villenave d’Ornon à Bordeaux, en passant par Podensac, ils sont condamnés à une vie d’errance.

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