La sphère politico-médiatique française est en panique. À lire les nombreuses tribunes qui se multiplient dans la presse depuis quelques mois, à regarder les innombrables débats télévisés qui soudainement s’intéressent aux relations franco-africaines, à consulter les verbatim des débats parlementaires, il faut croire que la France serait en train de « perdre » l’Afrique ! C’était d’ailleurs le titre de la une du quotidien français Le Monde il y a quelques jours : « Comment la France a perdu le Sahel ». C’était aussi l’intitulé d’un débat sur LCP (La Chaîne parlementaire) il y a quelques mois : « La France est-elle en train de perdre l’Afrique ? » Le titre du Monde, qui a suscité émoi et moqueries sur le continent, a été modifié par la suite sur le site internet du journal (« Comment la France est devenue indésirable dans le Sahel » ayant été jugé plus acceptable). Mais le mal était fait, ou, plutôt, la démonstration qu’il y a un sérieux problème en France. Il suffit de lire les tribunes ou d’écouter les réactions des responsables politiques ou des journalistes de salon pour s’en rendre compte : aujourd’hui encore, plus de soixante ans après les indépendances, la France, ou du moins celles et ceux qui la dirigent, considère encore que l’Afrique est sienne, que sa destinée est irrémédiablement liée à celle de l’ex-« Métropole », et qu’il y va de son intérêt. Cette certitude est plus ou moins enfouie dans l’inconscient collectif. Comme le racisme, qui est son substrat, elle est tue en temps normal, mais très vite, en temps de crise, elle affleure, et parfois même elle érupte, comme en ce moment. Cela aboutit à un festival de déni (quant à la violence de la colonisation et quant à la superficialité de la décolonisation) et à une contagion de réflexions paternalistes, méprisantes, et donc odieuses. La palme, comme souvent, revient en l’espèce à Emmanuel Macron, qui a déclaré le 28 août dernier devant les ambassadeurs et ambassadrices français⸱es : « Si la France n’était pas intervenue, si nos militaires n’étaient pas tombés au champ d’honneur en Afrique, si Serval puis Barkhane n’avaient pas été décidées, nous ne parlerions aujourd’hui ni de Mali, ni de Burkina Faso, ni de Niger. Ces États n’existeraient plus aujourd’hui dans leurs limites territoriales. Je peux vous le dire avec certitude. » Le président français semble en être intimement persuadé, puisque quelques jours plus tôt il avait dit exactement la même chose dans une interview à l’hebdomadaire français Le Point. Cette perception du continent est une des formes les plus violentes du racisme. « Sans nous, ils ne seraient rien » : voilà ce que ne cesse de dire Macron en filigrane de ses nombreuses déclarations, et voilà ce que pensent nombre de commentateurs et commentatrices français⸱es. Ce faisant, ils n’insultent pas seulement les Africain⸱es qui vivent sur le continent – ce qui a abouti à la situation actuelle, qui voit la France partout être rejetée dans ses anciennes colonies. C’est également tout un pan de la société française qu’ils infériorisent et déshumanisent.

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