La victoire d’un candidat d’extrême droite aux élections législatives des Pays-Bas éveille la crainte d’une nouvelle vague des extrémismes, à quelques mois des élections européennes. Quelles sont les dynamiques qui profitent à ces partis de plus en plus présents au sein des gouvernements en Europe ?

Avec

  • Pietro Castelli Gattinara Professeur de communication politique à l’université libre de Bruxelles et titulaire de la bourse de recherche Marie Curie au Centre d’études européennes à Sciences-Po. Chercheur associé au centre d’études sur l’extrémisme de l’université d’Oslo.
  • Marion Van Renterghem Grand reporter
  • https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/irlande-pays-bas-dans-la-rue-et-dans-les-urnes-la-nouvelle-vague-de-l-extreme-droite-en-europe-1425076?at_medium=newsletter&at_campaign=culture_quoti_edito&at_chaine=france_culture&at_date=2023-11-27&at_position=2

Les élections législatives aux Pays-Bas, remportée par un candidat d’extrême droite, suscitent des inquiétudes quant à une possible résurgence de l’extrémisme en Europe à l’approche des élections européennes. Quelles sont les forces sous-jacentes qui favorisent la montée en puissance de ces partis au sein des gouvernements européens ?

Le vote à l’extrême droite, un vote protestataire ?

Pietro Castelli Gattinara, professeur de communication, revient sur l’idée que la popularité de l’extrême droite en Europe ne soit qu’un signe de protestation : “cela fait désormais plus d’un demi-siècle que l’extrême droite est une force présente dans les systèmes partisans européens, ce qui nous amène peut-être à interroger l’idée selon laquelle les votes pour l’extrême droite n’étaient que protestataires. Cette idée d’un vote protestataire est naïve.”

Le leader du PVV Geert Wilders réagit aux résultats des élections de la Chambre des représentants à Scheveningen, Pays-Bas, 22 novembre 2023. ©AFP – REMKO DE WAAL / ANP / AFP

Il décrit le vote protestataire comme un vote qui s’oppose aux éléments du système politique, et qui ferait passer le succès des extrêmes droites comme temporaire : “on voit désormais que les effets de l’extrême droite sont à long terme. Ce sont des votes à forte dimension idéologique, qui vont au-delà d’une simple réaction anti-système ou d’une réaction contre les élites. Il s’agit d’une vision de la société très claire qui devient structurante dans les systèmes partisans et qui est une vision de la société axée sur une idée d’homogénéité culturelle.”

La montée de l’extrême droite en Europe n’est selon lui pas homogène, bien qu’il existe une base commune : l’idée d’homogénéité culturelle et le refus de l’intégration de cultures différentes : “il y a des pays comme l’Italie ou la Pologne où effectivement les minorités religieuses sont les cibles de l’extrême droite en relation d’une présumée tradition catholique. La politisation creuse donc souvent des questions comme les représentations de la nativité dans les écoles. Dans d’autres pays, notamment le Royaume-Uni ou la France, cela s’articule plutôt autour des notions de la laïcité, du sécularisme, de l’égalité des genres ou d’autres questions qui seront, selon ces acteurs, mises sous tension par la présence des minorités religieuses et notamment de l’islam en Europe.”

Une vague d’extrême droite amplifiée par les deux guerres aux portes de l’Europe

“Nous sommes dans un contexte de réédition. Le Brexit et l’accès de Marine Le Pen au second tour aux élections présidentielles en 2017 était venu après la crise des migrants de 2015, après les attentats islamistes en France. Actuellement, le mouvement est amplifié par le contexte des guerres. Celle du Proche-Orient, qui a des répercussions directes sur les sociétés européennes, notamment en France où cohabite la plus grande communauté musulmane arabe et la plus grande communauté juive d’Europe, ce qui crée des éléments de crispation. Et puis il y a eu ce mouvement à retardement en effet de ces millions de migrants arrivés du fait de la guerre en Syrie et au Proche-Orient en Europe. Même les pays scandinaves, les plus modérés, les plus sociaux-démocrates, se sont trouvés en effet engorgés et ça a alimenté des discours populiste anti-islam comme celui de Geert Wilders”, explique Marion Van Renterghem, grande reporter.

La journaliste rappelle également la position antisémite traditionnelle de l’extrême droite qui aujourd’hui s’érige en rempart contre l’antisémitisme et soutient la cause de l’État d’Israël : “c’est le cas de Geert Wilders d’ailleurs, dont l’anti-islamisme est né en Palestine, en Cisjordanie, où il avait habité dans une colonie juive. L’argentin Milei, lui, s’est converti au judaïsme. Donc il y a une espèce de brouillage qui rend encore plus compliquée la lisibilité de l’extrême droite aujourd’hui.”

Selon Marion Van Renterghem, la guerre au Proche-Orient est une occasion pour Vladimir Poutine de gagner de l’influence au sein de ce “sud global” : “pour autant que cette notion veuille dire quelque chose, mais en tout cas de la partie du monde qui s’oppose à l’Occident et au système mis en place après la Deuxième Guerre Mondiale dont l’Occident à la maîtrise. Avec le chinois Xi Jinping, Poutine veut renverser, instaurer un nouvel ordre mondial. La guerre au Proche-Orient lui offre une occasion inespérée. D’abord parce qu’il peut activer ce bouton extrêmement efficace du double standard : “vous me reprochez les bombardements en Ukraine, mais vous acceptez les bombardements sur Gaza.” Il peut jouer le camp des victimes qui est extrêmement populaire aujourd’hui puisqu’on le voit dans toutes les manifestations pro-palestiniennes qui deviennent des manifestations finalement anti-occident, anti-sémite, anti-tout.”

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