La ministre de l’Intérieur britannique Suella Braverman a suscité l’indignation mardi en déclarant que la Convention de Genève sur les réfugiés ne serait, selon elle, pas “adaptée à notre époque moderne”. La ministre a aussi estimé que la situation actuelle, “absurde et intenable” selon elle, permettait aux migrants de “choisir leur destination préférée pour demander l’asile”.

C’est une critique adressée à un pilier de la protection internationale. Mardi 26 septembre, la ministre britannique de l’Intérieur Suella Braverman s’en est prise à la Convention de Genève sur les réfugiés devant l’American Enterprise Institute, un centre de réflexion de centre-droit basé à Washington, aux États-Unis.

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La ministre a questionné le rôle de la Convention de Genève, qui date de 1951 et définit le statut de réfugié. C’est “une réalisation incroyable pour son époque”, “mais nous vivons désormais dans une époque totalement différente”, a-t-elle défendu. La Convention de Genève “confère à au moins 780 millions de personnes le droit théorique de s’installer dans un autre pays”, a-t-elle estimé.

“Aucune personne entrant au Royaume-Uni par bateau depuis la France ne fuit un péril imminent”

Il revient aux dirigeants politiques, selon elle, “de se demander si la Convention sur les réfugiés et la manière dont elle a été interprétée par nos tribunaux sont adaptées à notre époque moderne. Ou si elle a besoin d’être réformée”.

“Nous ne pourrons pas maintenir un système d’asile si le simple fait d’être un homosexuel ou une femme, et de craindre la discrimination dans son pays d’origine suffit pour bénéficier d’une protection”, a encore fait valoir la ministre.

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Dans son discours, Suella Braverman a aussi estimé que la situation actuelle, “absurde et intenable” selon elle, permet aux migrants de “choisir leur destination préférée pour demander l’asile”. “Aucune personne entrant au Royaume-Uni par bateau depuis la France ne fuit un péril imminent”, poursuit le texte du discours.

Déjà régulièrement critiquée pour ses prises de position anti-migrants, la ministre a une nouvelle fois suscité l’indignation.

La Convention de Genève, un “cadre indispensable”, selon l’ONU

L’agence des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, a rétorqué dans un communiqué que la Convention de Genève est “la pierre angulaire du système de protection des réfugiés au niveau mondial et reste un outil qui sauve des vies”.

Elle “reste aussi pertinente aujourd’hui que lorsqu’elle a été adoptée et institue le cadre indispensable pour traiter” les défis soulevés par l’afflux de réfugiés, ajoute l’agence qui appelle le Royaume-Uni à améliorer son système d’asile.

Le chanteur britannique Elton John s’est, lui, exprimé dans un message mis en ligne sur Instagram. L’artiste se dit “très inquiet des déclarations (de la ministre)”. “Ignorer le vrai danger auquel font face les communautés LGBTQ+ risque de légitimer davantage la haine et la violence à leur encontre”, a-t-il ajouté, dans une déclaration cosignée par son époux David Furllong et la Elton John Aids Foundation.

L’organisation Refugee Council a, elle, estimé que le gouvernement britannique devrait “s’attaquer aux vrais problèmes rencontrés par le système d’asile et fournir des itinéraires sûrs aux personnes ayant besoin de protection” plutôt que de s’en prendre à la Convention de Genève.

L’opposition travailliste a aussi critiqué la ministre, la députée Yvette Cooper l’accusant d’avoir “renoncé à réparer le chaos causé par les conservateurs” sur le droit d’asile et de chercher, avec la Convention de Genève, “quelqu’un d’autre à blâmer”.

Au moins 13 morts à la frontière depuis janvier

Dès son arrivée au pouvoir en octobre 2022, le gouvernement du conservateur Rishi Sunak a promis d’arrêter les bateaux de migrants traversant la Manche depuis la France. Les autorités multiplient les mesures pour tenter de mettre fin aux arrivées. Une nouvelle loi interdit désormais aux migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni de demander l’asile, et prévoit de les expulser vers des pays tiers comme le Rwanda, un projet bloqué en l’état par la justice.

Londres a également promis de verser 500 millions d’euros à la France sur quatre ans pour freiner les départs de canots depuis les côtes françaises. Cette somme a permis de déployer plus de forces de l’ordre et de matériels de surveillance sur le littoral français ces derniers mois, mais sans réussir à faire cesser les départs. Au contraire.

En 2023, environ 24 000 exilés ont déjà fait la traversée de la Manche. Et, un nouveau record d’arrivées au Royaume-Uni a été observé le week-end des 9 et 10 septembre. Plus de 800 migrants ont traversé la Manche en deux jours, à bord de 13 embarcations différentes. Les difficiles conditions de vie, la difficulté d’accès à l’asile ainsi que des liens familiaux continuent à pousser les exilés à prendre la mer malgré les risques de la traversée.

Mardi 26 septembre vers 5h du matin, le corps d’une jeune migrante érythréenne a été retrouvé sur une plage du Pas-de-Calais. Selon le Secours catholique, au moins 13 personnes ont déjà perdu la vie depuis le début de l’année, à la frontière franco-britannique.

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