Par Julia Dumont Publié le : 26/09/2023

Cédric Herrou va ouvrir prochainement un centre d’hébergement d’urgence d’une trentaine de places chez lui, dans la vallée de la Roya. Le fondateur de la communauté Emmaüs Roya explique sa décision par l’absence de structures prévue pour les migrants de passage dans cette région française frontalière de l’Italie.

Cédric Herrou se souvient du soir où il a entendu aux informations les premières réactions politiques à la suite des arrivées de migrants sur l’île italienne de Lampedusa, dans la semaine du 11 septembre. “J’étais tout seul, ma compagne était sortie et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose”, se souvient-il.

Dans sa maison perchée dans les hauteurs de Breil-Sur-Roya, à la frontière franco-italienne, le militant se doute de l’arrivée prochaine de ces milliers d’exilés vers chez lui. Souvent, les migrants qui arrivent à Lampedusa, et qui sont transférés sur le continent, continuent leur chemin en remontant l’Italie pour aller vers la France et l’Allemagne notamment. Certains passent par Vintimille pour rejoindre Menton, d’autres traversent plus au nord les Alpes et atterrissent dans la région de la Roya, où vit Cédric Herrou.

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L’agriculteur décide cette semaine-là d’ouvrir de nouveau sa porte aux migrants. “On va reprendre comme on faisait en 2016/2017”, explique-t-il. À l’époque, les arrivées de migrants en Europe étaient bien plus importantes qu’aujourd’hui. De l’autre côté de la frontière italienne, tous les migrants ou presque ont entendu parler de ce Français qui accueille les exilés épuisés par la route. À Breil-Sur-Roya, la maison ne désemplissait pas.

Son futur centre d’hébergement d’urgence sera “structuré par Emmaüs Roya” (l’association qu’il a créée) et les personnes seront logées dans les cabanes en bois déjà présentes sur la propriété, détaille Cédric Herrou. Une trentaine de personnes pourront être accueillies en tout dans les semaines à venir.

Carte de la vallée de la Roya, à la frontière franco-italienne. Crédit : France 24
Carte de la vallée de la Roya, à la frontière franco-italienne. Crédit : France 24

“On ne prend aucun plaisir à mettre des tentes dans nos jardins mais il y a une nécessité de le faire, affirme-t-il. “Il y a une prise de conscience. Le discours politique actuel inquiète. En fait, beaucoup de gens se mobilisent grâce au discours de Gérald Darmanin”, ajoute le militant.

“On va agir à la place de l’État”

La semaine dernière, le ministre français de l’Intérieur a martelé qu’en aucun cas un camp de migrants ne serait créé à Menton, à la frontière italienne. “Il y a 500 policiers et gendarmes à la frontière italienne. On a décidé de renforcer la frontière. Il y a 200 effectifs supplémentaires, pour leur permettre de travailler, de faire les contrôles et de renvoyer” les migrants, avait-il annoncé sur TF1.

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Pour Cédric Herrou, au contraire, il y a urgence à ouvrir un lieu d’accueil sur cette route migratoire. “Il n’y a pas de centre d’urgence dans la vallée. Il n’y a que des habitants et des associations. Donc on va agir à la place de l’État”, affirme le militant. Celui qui a réussi à faire consacrer par le Conseil constitutionnel le principe de fraternité dans l’aide aux migrants en 2018 assure que les habitants de la vallée sont très nombreux à “mal vivre” les refoulements à la frontière et le non-accueil des exilés.

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“Ce que l’on voit dans la vallée de la Roya, ce sont beaucoup de migrants à la rue et des habitants qui veulent les aider. Ça dépasse les clivages politiques qu’on entend à la télévision”, indique -t-il.

Nombreux soutiens

Pour le moment, Cédric Herrou dit bénéficier de l’aide de la Fondation Emmaüs pour lancer le projet. D’autres associations devraient également apporter une aide matérielle. “On a la chance d’avoir pas mal de gens qui nous soutiennent financièrement. Mais, si besoin, on fera des appels aux dons matériels”, ajoute le militant.

Près de 10 000 exilés sont arrivés sur l’île de Lampedusa en quelques jours autour du 15 septembre. L’événement a été largement récupéré par l’extrême droite et a relancé le débat sur la répartition de l’accueil des migrants en Europe. Gérald Darmanin a indiqué que les personnes arrivées sur l’île italienne ne seraient pas accueillies en France, sauf si elles sont éligibles à l’asile.

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“En revanche, nous avons dit à nos amis italiens que nous étions prêts à les aider pour reconduire des personnes dans les pays avec qui nous avons de bonnes relations diplomatiques”, a déclaré le ministre de l’intérieur, citant la Côte d’Ivoire et le Sénégal.

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