Diplômé de l’EHESS en sociologie et sémiologie des arts et littératures, fondateur et directeur du Musée de l’affiche (1978), Alain Weill dirige à partir de 1989, le Festival international des arts graphiques à Chaumont. Il s’intéresse à l’art colon dès les années 1970 et a constitué l’une des plus importantes collections au monde, présentée lors de l’exposition « Homme noir, homme blanc » au Musée du Quai Branly en 2017, dont il a dirigé le catalogue (Prix international du Livre d’art tribal et Prix du Livre d’art primitif). Son ouvrage L’art dit colon. Un aspect méconnu de l’art africain (Albin Michel, 2021) revient sur la création artistique de la période coloniale, qualifiée à tort selon lui d’« art colon », terme qui occulte et ostracise le talent et la résilience des artistes africains ainsi que l’inspiration qu’ils trouvaient dans les nouveautés venues d’Europe.

Bien que les arts dits premiers aient enfin obtenu pignon sur rue, de nombreuses institutions et galeries gardent un regard euro-centriste et refusent le métissage, s’interdisant de prendre en compte la création de la période coloniale. Ils la baptisent, pour la disqualifier et l’ignorer, du terme péjoratif d’« art colon ». 

Pourtant, le sculpteur africain était toujours là et n’avait rien perdu de son talent. Il trouvait même une inspiration nouvelle dans les bouleversements dont il était le témoin, en intégrant notamment dans ses œuvres le casque colonial, nouveau symbole du pouvoir ; en faisant acte de résilience et tournant en dérision le petit monde des colons par des portraits souvent féroces qu’il incorpore dans des mascarades, échappant ainsi à toute répression ; ou enfin en s’émerveillant des nouvelles inventions qui ne cessent d’arriver d’Europe. C’est ce corpus totalement occulté et ostracisé — ce pan ignoré de l’art africain — qui est le sujet de cet ouvrage.

Tout a commencé au début des années 1970. J’étais, chez un ami, tombé en arrêt devant une sculpture agni… Mon sujet d’étude était à l’époque l’affiche ancienne, un laissé pour compte de l’histoire de l’art depuis des décennies mais qui connaissait un regain d’intérêt, voire une reconnaissance. Avec l’art colon, je n’imaginais pas que j’allais être confronté à bien pire ! Ce n’est pas sa renaissance que l’on attend, mais sa naissance.

Il me paraît grand temps que ce corpus trouve sa place dans l’histoire. L’ostracisme des marchands et des responsables culturels doit cesser. Il est trop facile d’englober sous l’appellation péjorative « colon » une production de la période coloniale qui n’a rien à voir avec les souvenirs pour touristes ou « l’art d’aéroport ». C’était un art authentique, fait par les Africains pour les Africains. Cet ouvrage ne se veut pas une confrontation entre les chefs d’œuvre de l’art dit « primitif » ou « premier » et l’art dit « colon ». Ce n’est pas notre propos. Tous appartiennent à ce qu’il me semble logique d’appeler l’art africain. Confronté à la colonisation, il n’a rien perdu de son génie créatif. Il serait temps de le reconnaître.

Sommaire :

Avant-propos

Un autre monde

Alias Colons

Premiers contacts

De la conquête à la colonisation

Les militaires

Le colonialisme triomphant

Un métissage qui va son chemin

L’invention de l’artiste

L’art d’aéroport

Un métissage abouti

Postface : l’esthétique contre l’histoire

Bibliographie sélective

En savoir plus : https://www.albin-michel.fr/lart-dit-colon-9782226464705

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